Après sa première intervention à la veille du voyage du Président en Algérie, l'avocat Patrick Baudouin a demandé, mardi, au président Hollande «d'intervenir à nouveau afin de voir lever les entraves apportées à la poursuite de l'instruction». D'autre part, il se fait le porte-parole de «plusieurs membres des familles des moines, lesquelles sont guidées par la seule recherche de la vérité et de la justice, souhaitant pouvoir vous rencontrer prochainement pour vous exposer à la fois leurs préoccupations et leurs espoirs». Dans le courrier, Patrick Baudouin regrette d'abord que du côté français il n'y a eu, après le crime, «ni enquête préliminaire ni, à plus forte raison, ouverture d'une information», s'agissant de Français décédés dans un pays étranger. «Du côté algérien», ajoute l'avocat, «il va sans dire qu'aucune action sérieuse n'a été entreprise pour faire la lumière sur ces assassinats, à tel point que même une autopsie n'a pas été effectuée sur les têtes des moines, dont les corps n'ont jamais été retrouvés». En 2004, suite à une plainte déposée par l'avocat, en qualité de conseil des parties civiles, une instruction avait été ouverte. Après le juge Bruguière, son successeur Marc Trévidic a tenté dès 2007, explique l'avocat dans sa lettre au Président, de «faire avancer ce dossier de manière significative». Notamment en obtenant la déclassification de documents secret-défense. Le juge avait demandé une commission rogatoire internationale à destination de l'Algérie, en décembre 2011, avec pour objet de «procéder à certaines auditions et, d'autre part, de faire enfin pratiquer une autopsie des têtes des moines». La demande, regrette Patrick Baudouin, n'a eu aucune suite de la part de la justice algérienne. «En l'absence de réponse positive attendue, je vous ai sollicité, Monsieur le Président, au mois de décembre 2012 (…). Vous avez alors précisé que votre homologue, le président algérien Bouteflika, vous avait assuré de la coopération de la justice algérienne.» Six mois plus tard, pourtant, le juge d'instruction Trévidic, «malgré ses relances, n'a toujours pas obtenu le nécessaire feu vert de l'Algérie pour se rendre dans ce pays. Il a pourtant déjà prévu de s'entourer des meilleurs experts, avec les moyens d'analyse les plus perfectionnés». Le défenseur des droits des familles des moines estime qu'en Algérie, «le climat d'opacité maintenu (…) ne peut que continuer à entretenir la suspicion et le sentiment de totale impunité qui prévaut chez les victimes des violences qu'a connues ce pays. La France ne peut, quant à elle, se désintéresser du sort tragique réservé à sept de ses ressortissants qui n'ont cessé d'œuvrer dans leur pays d'adoption pour la paix et la réconciliation». Dans le journal Le Figaro, dans son édition du 19 juin, l'ancien procureur général des cisterciens, Armand Veilleux, l'une des personnes à l'origine de la plainte de 2004, maintient sa préoccupation pour que la vérité se fasse. «Tant que le juge n'aura pas interrogé un certain nombre de témoins susceptibles d'avoir participé à l'enlèvement et de connaître les conditions de l'exécution, nulle hypothèse ne peut être exclue.» Il étend la volonté d'en savoir plus aux victimes algériennes de la décennie noire : «Mais il y a plus important : ces sept frères assassinés figurent parmi les quelque 200 000 victimes de la même violence aveugle ayant opposé l'armée aux islamistes. S'efforcer de faire la lumière dans cette affaire peut donner une pointe d'espoir aux milliers de familles endeuillées, sans nouvelles de leurs disparus et sans possibilité d'obtenir une enquête en raison d'une loi d'amnistie derrière laquelle se retranchent les militaires.»