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«Pour le FLN, je ne crains pas le musée mais une destination plus humiliante»
Publié dans El Watan le 21 - 09 - 2013

-Question d'actualité brûlante : le FLN a subi une hémorragie en perdant plusieurs portefeuilles ministériels dans le gouvernement Sellal II. Pourquoi le président Bouteflika s'en est-il passé, d'après vous ? Est-ce parce que les ministres «remerciés» n'avaient pas «cautionné» le coup de force du «groupe Saadani» ?
Pour le FLN, c'est un gouvernement choisi par le président du parti, ce gouvernement comme ceux qui l'ont précédé depuis 1999, ne peut être anti FLN et ne peut accomplir que des objectifs soutenus par le FLN essentiellement. Comme pour tous les gouvernements de l'ère du pluralisme, l'approche arithmétique basée sur l'appartenance partisane des titulaires des départements ministériels ne compte pas. Seule compte la démarche de cohérence, de consensus par rapport au projet présidentiel. Les changements intervenus doivent être appréciés au regard, non de ceux qui partent mais de ceux qui les remplacent. Moi je ne vois en aucun des promus des anti-FLN ou des adversaires de notre approche du programme présidentiel.
-Quel sens politique donnez-vous à ce remaniement ? Est-ce un attelage pour préparer 2014 (présidentielle) ?
Le remaniement du gouvernement entre pleinement dans les prérogatives du président de la République. Les perspectives des élections présidentielles du printemps 2014 ne sont pas ignorées. C'est une évidence. Ce n'est nullement une fraude ni un sacrilège, encore moins une ruse.
-Sur décision du chef de l'Etat, des départements importants du DRS sont désormais rattachés à l'état-major de l'armée. Est-ce un compromis entre «décideurs» ou est-ce une (énième) manifestation de la «guerre des clans» qui agitent le sérail ?
A mon humble avis de non-initié aux questions de la sphère que vous indiquez, il ne s'agit ni d'un compromis ni d'une guerre interne. Il y a lieu de rappeler que toutes les composantes de l'Armée et de la Défense nationale, relèvent constitutionnellement du premier magistrat. Au demeurant, ce n'est pas la première fois que des restructurations interviennent dans l'organisation ou la réorganisation des services de la Défense nationale. L'ANP en a connu d'autres, aussi importantes avec les présidents Boumediène, Chadli et Zeroual. Pour le moment, il faut en rester là et laisser cette vénérable institution au-dessus de la mêlée. Les autres préoccupations resteront vaines et sans issue; car elles sont du rang et du ressort des supputations et conjectures de salons et de politicards en veine de prophéties, de Cassandre.
-Revenons à votre parti, le FLN, parti crisogène qui fait face à des crises systémique émaillées le plus souvent de coups de force. A quoi est dû cet état de fait ?
Pourquoi dites-vous crisogène ? Trouvez-moi un seul parti où cette caractéristique n'existe pas. Le FFS, le RCD, et même le PST se sont séparés sur une crise. Le MSP y compris du temps de Nahnah.
-Pour vous, c'est donc un signe de bonne santé ?
Non. Non, c'est la réalité. Le parti n'arrive pas à trouver le bon tempo. En ce qui concerne notamment le type de direction : collégiale souvent revendiquée pour éviter le monopole de la décision ou sous la direction d'un leader unique qui veut toujours avoir les mains libres.Voila la dialectique qu'on retrouve pratiquement dans tous les partis. C'est d'abord le respect des statuts et de tous les textes y afférents et puis c'est la façon de diriger des uns et des autres qui fait qu'il y ait des conflits. Des mécanismes d'arbitrage existent et c'est lorsque ces derniers ne sont pas sollicités qu'il y a crise. Ce n'est pas exclusif au FLN. Chaque organisation traverse ses propres crises.
-Mais qu'est-ce qui fait qu'aucun des dirigeants successifs du FLN ne fut choisi (élu) et révoqué par la seule base du parti ?
Tout est fait et défait avec et par des coups de force. Chadli est venu par la voie normale. En 1979, la direction politique de l'époque, à savoir le Conseil de la révolution, devait choisir entre une conférence nationale et le congrès. Il a opté pour le congrès. Chadli a continué à diriger le parti jusqu'à l'ouverture politique.
-Etes-vous convaincu réellement que les congrès du parti étaient souverains ? Que les congressistes décidaient réellement de la vie du parti ?
Vous posez une question de néophyte. Qu'est-ce que disent les dirigeants du Parti communiste français : lorsque un congrès est décidé, il est terminé. On ne décide jamais d'un congrès, si on ne l'a pas préparé. Quand on le prépare, on sait où il va. On n'improvise pas. Ce n'est pas une aventure. On n'expose pas le parti et les militants à l'imprévu. A moins que la crise soit tellement violente que…– je ne dis pas que c'est uniforme – tout ce qui est préparé trouve un prolongement sur le terrain, non. Car il y a une dynamique interne qui fait qu'on est amené à faire des concessions sur le personnel, les statuts… C'est une dynamique permanente… La base n'est passive… Les congrès… Chadli à l'issue du 4e congrès a, bien entendu, opéré des changements : il a supprimé la fonction de coordonnateur assumée par Yahiaoui, mais sous l'autorité de Chadli. Mais après, les mouvements internes de compétition pour les postes et la direction du parti ont fait que Yahiaoui recule. Le 5e Congrès, c'était une autre démarche et lors du 6e, on est arrivé en fin de cycle : celui du partiunique. Il y a matière à discuter longuement : pourquoi une telle décision, comment ça été fait ? Pourquoi le pluralisme a connu les difficultés qu'on sait ? Pourquoi l'intégrisme ? Terrorisme ? Arrêt du processus électoral, etc. Pour résumer, au FLN, à chaque fois, ce ne sont pas les statuts qui sont appliqués, c'est presque toujours des coups de force. Mais je vous l'ai dit précédemment, ce n'est pas exclusif au FLN et ces coups de force ne sont pas valables pour toutes les périodes comme ce fut le cas avec Chadli. Ce n'est que lorsque les choses et les situations se décantent qu'on se rend à l'évidence que les successions se sont faites conformément aux textes. Et ce n'est jamais absolument à la lettre.
-Les coups de force quasi systématiques n'ont-ils pas, en définitive, miné la vie du parti ?
Toujours quand il y a un coup de force, on l'appelle ainsi pour la commodité de l'expression, il est impératif de se demander qui l'a provoqué. C'est le non-fonctionnement, le dysfonctionnement ou le fonctionnement en dehors des textes qui le provoque. Pourquoi le 19 juin a eu lieu ? Parce qu'on avait reproché à Ben Bella, SG du FLN, d'avoir accaparé les responsabilités, plusieurs ministères, de faire cavalier seul.
-Ce que Boumediene a continué à faire après lui.
Oui. Mais est-ce que vous êtes en train de chercher une excuse à Ben Bella ? Ce n'est pas une bonne analyse…Si on veut comprendre, on doit aller à la recherche des raisons des dysfonctionnements, du clash… Qu'est qui les provoque ? Eh bien, c'est le fait que celui qui détient le pouvoir a tendance à en abuser. Ben Bella a fait cavalier seul : il dirigeait le parti, dirigeait l'Etat, a pris plusieurs ministères, fait partir Khider qui était SG du FLN. Il a pris tous les pouvoirs au congrès du cinéma Afrique. Une année après, il est déposé par un coup d'Etat. Reprenez la déclaration de ceux qui ont fait le coup d'Etat : Ben Bella c'était «Etaria», le despote, El Moustabide, etc.
-N'avez-vous pas l'impression qu'il ne s'agit là que de prétextes et que le parti servait plus de marche-pieds pour parvenir au pouvoir sans égard pour le FLN en tant qu'organisation politique ?
Ça, c'est une explication facile. De la caricature. Pourquoi le coup d'Etat a été fomenté par les Boumediene et consorts qui étaient avec Ben Bella au Bureau politique (BP) du FLN ? Boumediene était vice-président du conseil. Ils avaient préparé ensemble la Constitution. Ferhat Abbas a démissionné. Khider aussi. Parce que Ben Bella avait exagéré dans ses attributions, alors ils l'ont arrêté. Ils ont mis en place le Conseil de la révolution et ils ont tiré les enseignements. Boumediene n'a pas désigné de secrétaire général du FLN, n'a pas organisé un congrès du parti. Boumediene a gouverné…
-Sans Constitution…
Mais pourquoi vous allez comme ça si vite : la Constitution n'est pas une bible, ce n'est pas le Coran. La Constitution a-t-elle empêché Boutef (lapsus) Ben Bella d'abuser de ses pouvoirs ? Non. Pourtant, c'était une Constitution qui consacrait le parti unique, non ?!
-C'est vous qui parlez de fonctionnement en dehors des textes, des lois du parti et de la République…
Non, on ne peut pas discuter comme ça. Si vous m'écoutiez, je vous expliquerai… sinon… ça ne sert à rien. C'est qu'avec moi, vous avez l'avantage d'avoir l'analyse du militant, l'analyse de science politique, c'est mon métier, ma formation, l'analyse du juriste. Tu ne peux m'empêcher d'avoir ce regard, cette lecture scientifique. Je sais qu'il y a du subjectif, je ne le renie pas ni m'en excuse. On n'ira pas loin avec des raccourcis et des caricatures. Moi, je vous dis que si le FLN est crisogène ce n'est pas aussi simple que ça. Le programme du FLN au Congrès de Tripoli, tout le monde l'a adopté. Mais sur la question de qui va diriger, les gens se sont séparés : le «groupe de Tizi Ouzou» et le «groupe de Tlemcen». C'est ce dernier qui a triomphé. Ça été un compromis. Ce qui fait que ceux qui ont dirigé la révolution, et ce ne sont pas des moindres : les Bentobbal, Benkhedda, tout le GPRA, Ferhat Abbas, les Wilayas 4 et 2 qui n'ont pas adhéré, tout ce beau monde se retrouve «out» : ils ne pouvaient pas rester indifférents pour autant. C'est comme ça qu'ils se retrouvent dans l'opposition face à un système de parti unique qui est instauré. On ne peut pas faire table rase de ça : le FLN n'a pas été une construction théorique… Boumediene qui arrive au pouvoir par un coup d'Etat l'explique dans sa déclaration du 19 juin en disant : on veut du sérieux, du respect pour les institutions ; il faut construire l'Etat. Et tout son programme est centré autour de la construction de l'Etat. Ça c'est pour vous dire que le FLN n'était pas un marchepied. C'est lui qui conférait la légitimité du pouvoir. En dehors des élections, qu'est-ce qui pouvait lui donner cette légitimité si ce n'est le parti auquel il se réfère. Si le FLN était un marchepied, c'est que quelque part le pouvoir est handicapé de fait. Le pouvoir se revendique lui-même comme FLN. Il y a une énorme différence.Les membres du Conseil de la révolution disaient : «Le FLN c'est nous.»
-On est dans la symbolique…
Non. Non. C'est la réalité. Qui avait droit de diriger le pays, si ce n'est ceux qui l'ont libéré, à savoir le FLN.
-Je n'ai pas encore posé ma question. Le fait que les dirigeants post-indépendance se réclamaient du FLN, cet outil de la résistance algérienne… C'est de pure forme ?
Le FLN n'était pas un outil de la résistance. C'était l'agent, l'acteur de la résistance. Cette résistance ce n'est qu'un vocable, c'est le FLN qui l'a incarnée. Le peuple n'a pas résisté de lui-même, seul. Vous l'oubliez.
-Vous voulez dire que c'est le FLN qui a créé la résistance algérienne et non le contraire ?
Oui.
-Mais la résistance algérienne n'a pas attendu le FLN pour se manifester. Elle remonte aux premières heures de l'invasion-colonisation en 1830…
Nous parlons bien de 1954. C'est le FLN qui a décidé de la résistance, ce n'était pas le peuple. Le peuple n'a rien décidé du tout. Wach Bik ?
-On revient à Boumediène et au Conseil de la révolution, qui se réfèrent au FLN, mais dans les faits, ils ont maltraité le parti ?
Selon vous, ils l'ont maltraité mais pour eux non. Ils s'agissaient pour eux de construire l'Etat…
-Et le parti dans tout ça?
Le parti joue son rôle politique. Boumediène et ses collègues disaient : «Nous sommes le parti.» Il n'y avait pas de dichotomie. Il y avait d'un côté le Conseil de la révolution et de l'autre le FLN. Les gens oublient. Tous les actes du CR portaient le sceau du parti. Boumediène n'a pas minoré le rôle du parti : il a gouverné au nom du FLN. C'est un tout. Le Conseil de la révolution incarnait et l'Etat et le FLN. Si vous reveniez à la Charte d'Alger ? Celle-ci a fait un grand effort de théorisation qui n'a pas été terminé, notamment en ce qui a trait à la séparation du parti et de l'Etat. Qui a la prééminence ? Dans les textes, c'était bien évidemment le parti qui l'avait, mais en réalité, en termes d'influence, ce sont ceux qui détiennent l'Etat qui sont prééminents. Au commissariat politique, on n'acceptait pas n'importe qui. Ce ne sont pas tous les gens de l'ANP qui sont dans le parti. Certes, ceux qui ont mené véritablement le Djihad ont leur place, mais pour les autres ils sont soumis à une grande sélection. Et pour chaque décision prise, aussi bien l'appareil civil du parti que le commissariat politique se prononcent. Pour preuve : à la mort de Boumediène, qui a désigné Chadli ? N'est ce pas le commissariat politique (CP) qui s'est réuni à l'Enita ? Tous les membres du CP, des officiers de l'ALN qui ont fait la Révolution et détiennent la réalité de la force qui ont désigné Chadli, un moudjahid, il était chef de zone, il était à l'EMG et avait de la légitimité… alors c'est une erreur que de prétendre que le rôle du FLN a étéminoré, dominé par l'Etat. Ce n'est pas vrai. Parce que l'Etat n'avait de légitimité que parce qu'il est adossé au FLN. Mais à l'heure du multipartisme, le FLN ne prétend plus détenir l'exclusivité de la légitimité, il a accepté la loi de la majorité, soit le parti sorti majoritaire des urnes. En 1992 (victoire du FIS) et 1997 (élections législatives gagnées par le RND, ndlr) nous n'avons pas prétendu que nous étions le pouvoir ; ni n'avions prétendu avoir arrêté le processus électoral, ni combattu le terrorisme : ce n'était pas nous ; nous n'étions pas l'Etat, nous n'étions pas au-devant de la scène. En 1997, on avait une nouvelle majorité, le RND avec qui nous avons travaillé. Mais en 2002 (législatives), en 2007 et en 2012, c'est bien nous, le FLN, un FLN bien différent du FLN de la guerre de Libération ou du parti unique.
-A ce propos justement, et puisque vous faites bien le distinguo entre les différents FLN. J'aimerais vous voir comparer le FLN de Khider avec le FLN version Saadani.
Si je me mets à comparer les personnes, je me mets automatiquement en position de vulnérabilité. Les gens diront que je suis en train de régler mes comptes. Non. Si je dois comparer les FLN de Khider et de Saadani, il faudrait qu'on identifie d'abord les enjeux inhérents à chacune des périodes respectives. Quel était le personnel à l'époque et celui d'aujourd'hui ? Il y a une différence. On n'a plus les mêmes militants qu'avant. A l'époque, les militants étaient convaincus et avaient compris que leur mission n'était pas terminée, que le pays devait être organisé et qu'ils avaient leur rôle et en plus ils étaient tous jeunes, à peine la vingtaine entamée. Comment un militant qui avait fait ses preuves dans le feu et la braise pouvait-il renoncer à l'indépendance, alors qu'il y avait un Etat à construire. Ces militants ont trouvé ainsi une nouvelle vocation en se mettant au service de l'Etat ou au service du parti Khider coiffé des militants éprouvés, aujourd'hui celui que vous nommez a face à lui des militants nouveaux qui sont soumis à la compétition, au pluralisme et qui peut-être, n'émargent pas à la même éthique.
-Des militants soumis à la loi du marché ?
Pourquoi la loi du marché ?
-Vous parlez bien d'éthique et de valeurs qui ne sont plus les mêmes.
Je faisais référence à l'éthique de sacrifice, d'abnégation, de servir plutôt que de se servir.
-Le parti FLN est synonyme de chkara, cet argent sale recyclé en politique. Les puissances de l'argent détiennent-elles le pouvoir au FLN ?
Chez nous, c'est un épiphénomène. Il vient d'apparaître. Au demeurant, c'est un phénomène à caractère national. Il faut y faire face. La chkara n'est pas propre au FLN. Ce sont les élections qui l'ont fait surgir chez nous et chez les autres. Des partis ont commencé d'abord par monnayer leur cachet contre des places sur les listes électorales, ensuite ça s'est transformé en achat des voix à l'échelle du douar puis progressivement, d'élection en élection, la chkara a atteint les élus devenus électeurs. Je fais référence à l'élection des membres du Conseil de la nation. C'est un collège électoral réduit et les gens arrivent à acheter des voix à l'intérieur de leur parti et au sein de d'autres partis. Heureusement qu'on était sensible à ça et on avait réagi.
-Est-ce que les puissances de l'argent étaient pour quelque chose dans ladernière réunion du comité central (CC) du FLN?
Moi je ne veux pas réduire l'explication de ce qui s'est passé à ça. Si vous voulez qu'on aborde la question, on le fera de front. Je ne veux pas donner l'impression que tout est question d'argent.
-Si j'ai bien compris, le rôle des puissances de l'argent n'était pas déterminant ?
Non. Ce n'est pas ça. Vous auriez pu me poser la question tout de go.
-Alors qu'est-ce qui s'est passé à El Aurassi ? Qu'est-ce qui a donné lieu à ce clash, à cette scission qui ne dit pas son nom ?
Mais qui vous dit qu'il a une scission ? Une scission veut dire que je coupe mon parti en deux.
-Vous peut-être pas, mais Saadani et son groupe n'ont-ils pas fait courir ce risque ?
Il ne peut pas. Ma yakdrarche ! Il ne peut pas me dire : toi, tu n'es plus FLN ! Lui, publiquement, il dit le contraire : El moussalaha (réconciliation), N'lemou nass (rassemblement des militants) etc. etc. : il n'y a pas de scission.
-Dans El Khabar (édition de mardi 3 septembre) vous qualifiez la prise du siège du FLN à Hydra par le groupe de Saadani de «ihtilal», d'«occupation», je vous cite. C'est quand même fort de café ?
C'est faux. Je n'ai pas dit ça. C'est tout le contraire. Nous n'avons jamais fermé le siège du FLN à qui que ce soit. Et lorsqu'il (Saadani) est venu, moi je n'avais pas de bureau à lui passer : je n'étais pas SG. J'ai dit que la partie qu'il venait d'occuper, au sens pénétrer, non pas au sens «ihtilal», moi je n'y ai jamais mis les pieds. Je ne me suis pas considéré secrétaire général alors je n'ai jamais pénétré dans l'aile du siège où se trouvait le bureau du SG.
-Mais diriez-vous qu'au jour d'aujourd'hui, au siège du FLN, il se trouve un indu occupant, un indu secrétaire général ?
Il faut distinguer la question du local du FLN et celle du poste de secrétaire général. La question des locaux, je n'ai que faire. Maintenant, le poste est contesté auprès du Conseil d'Etat.
-Y a t il oui ou non un coup de force ?
D'abord qu'est que vous entendez par un coup de force ? Il y a une réunion illégale et une réunion illégale ne peut achopper que de choses illégales.
-Mais n'y a-t-il pas eut plébiscite à l'Aurassi ?
Le plébiscite n'a de sens que si la réunion était légale. Tant que le Conseil d'Etat ne s'est pas prononcé, n'a pas pris ses responsabilités, il sera contesté.
-Vous voudriez faire annuler un plébiscite en vous accrochant un simple vice de forme ? Les membres du Comité ne se sont-ils pas prononcés, à main levée, en faveur de la candidature de Saadani ?
Vice de forme n'est pas un terme approprié. La justice tranche sur le fond. Ceux qui ont convoqué la réunion du CC n'avaient pas mandat pour le faire. La justice l'a confirmé. Et nous attendons toujours la décision du Conseil d'Etat puisque quinze membres du CC, parmi les plus anciens et prestigieux et à leur tête Salah Goudjil, ont introduit un recours auprès du Conseil d'Etat.
-La majorité des membres du CC ont voté Saadani. 273 membres du comité central avaient pris part à la réunion. La «realpolitik» n'est-ce pas aussi ça ?
Plébiscite ou pas, la réunion était illégale. Point à la ligne. C'est pour vous dire qu'un tel argument ne tient pas. Même s'ils se réunissaient tous ! Mais ce n'est pas possible (colère noire) ! Mais à quoi servent donc les textes du parti ?!
-Quelque part, ne vous sentez-vous pas responsable d'une telle situation puisque vous avez eut largement le temps : plus de sept mois, pour tenir cette 6e session du CC, pourquoi vous ne l'avez pas fait ?
C'est une autre affaire. Si je l'avais convoquée de suite, j'aurais coupé en deux le parti. Je leur avais donné le temps de se concerter. Voilà …
-Pourquoi d'après vous le groupe de Saadani était si pressé d'élire un nouveau SG ?
Cette question, il faudrait la poser à la personne que vous nommez.
-Vous êtes le coordonnateur du parti. Du moins légalement vous l'êtes toujours?
Pourquoi vous ajoutez légalement. Ecoutez, votre façon de discuter est à même de dérouter le lecteur. Mais moi ça ne me déroute pas, je peux vous répliquer.
-On prête à l'entourage du président Bouteflika et spécialement à son frère Saïd un rôle clé prépondérant dans l'organisation de cette 6 e session du CC. Vrai ou faux ?
Je ne comprends pas votre question.
-Said Bouteflika est-il le chef d'orchestre de la réunion de l'hôtel El Aurassi ?
Je ne sais pas. Je n'entre pas dans ces considérations. On m'a confié le parti en janvier, je l'ai dirigé jusqu'à fin août et je l'ai fait conformément aux textes. J'attendais qu'on réunisse le CC, je ne l'ai pas fait, quelqu'un d'autre l'a fait. Illégalement.
-Est-ce que Boumahdi et consorts obéissaient à des injonctions extrapartisanes, venant notamment du conseiller spécial du Président ?
Il faut leur demander à eux. A moi, personne ne m'a dit quoi que ce soit.
-Si le rôle présumé de Saïd Bouteflika relevait de la mystification, le diriez-vous ?
Ce n'est pas mon affaire. Nous, nous n'avons pas eu affaire à lui.
-Vous avez interpellé publiquement le président de la République pour qu'il intervienne, avez-vous eut un retour d'écho ?
J'ai fait un appel aux militants pour rendre compte de ce qui s'est passé. J'ai dit : nous avons l'espoir que le président de la république intervienne dans l'intérêt du parti. Cet appel, je l'ai fait à la demande des membres du CC qui ont introduit un recours. Le président Bouteflika est président du parti nous l'avons interpellé à ce titre pour qu'il prenne position. On n'a pas eut un retour d'écho. Moi, je n'attendais aucune réponse.
-Des ministres dits proches du Président n'ont pas assisté à la réunion, comment l'avez-vous interprété ?
Chacun des membres du CC se détermine selon ses convictions. Je n'ai ni abordé la question avec ces ministres ni coordonné avec eux. Il se trouve qu'ils avaient la même attitude que nous.
-Le Conseil d'Etat s'est prononcé la veille de la réunion du CC en votre faveur. Sa décision a été «annulée» par une simple décision du tribunal administratif, le lendemain. Vous décidez malgré tout d'introduire un recours auprès de cette même justice.
C'est parce qu'il a eut cette décision dont vous parlez que nous avons introduit un recours auprès du Conseil d'Etat.
-Comment une décision émanant d'une haute juridiction peut être rendue caduque par une décision d'une juridiction subalterne ?
C'est au Conseil d'Etat de se prononcer. Si vous voulez un avis doctrinaire, du point de vue du droit, c'est chose impossible. L'organe inférieur ne peut pas censurer l'organe supérieur. C'est d'une simplicité biblique.
-Cette simplicité biblique n'a pas empêché la tenue de la réunion du CC. Cet imbroglio politico-juridique, l'avez-vous pris comme une humiliation pour l'Etat, l'Etat de droit ?
Je ne le prends pas sous cet aspect. Il y a l'Etat de droit qui édicte des principes et des normes et quand ces normes ne sont pas respectées, on a recours à la justice. C'est ce que nous faisons. S'il n'y avait pas ces entorses et atteintes à la loi, on s'en serait passé des tribunaux. Ma réponse ne semble pas vous convenir puisque vous souriez !
-C'est parce que vous usez d'euphémismes et mettez des bémols dans vos réponses…
Je n'use que des mots qu'il faut. Les euphémismes, litotes et bémols font partie du genre humain. Un proverbe de chez nous (je suis de Sétif) dit : «Ma tatbakheche edem fi oujhi» (les formules choquantes vous font de suite changer la couleur du visage). Il faut y aller doucement. Un ancien ministre d'avant la Révolution française, De Choiseul (Antoine-César) disait que la diplomatie était l'art de dire toujours la vérité mais avec gentillesse. Je ne suis pas dans l'agression ni dans l'agressivité.
-Avez-vous l'impression que la justice a été instrumentalisée ?
Non, je n'insulterais pas la justice de mon pays.
-Pourquoi le tribunal administratif a été plus sensible aux arguments du groupe de Saadani qu'aux vôtres ? Pensez-vous qu'il y a interférence ?
Sensible, forcément. Pour ce qui est des interférences, Je ne sais pas. Si vous avez des éléments à nous communiquer, faites-le. Moi, je ne le dis pas et je ne le pense pas. Vous voulez quoi ? Que je dise que la justice est manipulée alors qu'on a introduit un recours et qu'on attend qu'elle nous donne raison ?
-Alors qu'est-ce qui fait qu'on ait deux décisions contradictoires ?
Parce que chaque juridiction a son autonomie. La première décision émanait du Conseil d'Etat et le tribunal administratif a pris la sienne en jugeant sur le fond. Pourquoi suspecter ?
-En janvier dernier, Abdelaziz Belkhadem, SG du FLN, a été éjecté de ce poste après plusieurs mois de contestation interne. Il en fut de même pour ses prédécesseurs Ali Benflis, Mehri, etc. Votre parti est plongé dans état de redressement permanent». Vous sentez-vous dans la posture de l'arroseur arrosé ?
Pour ce qui est de Belkhadem, si les choses avaient été faites dans l'illégalité, c'est à cause de lui. Il était élu pour un mandat de cinq ans. C'est lui qui a décidé de remettre en jeu son mandat, de poser la question de la confiance alors que rien ne l'obligeait. C'est une démarche illégale. Nous l'avons prévenu.
-Je reviens à vous, est-ce que vous vous considérez toujours coordonnateur du FLN ?
Hein ? C'est la justice qui le dira.
-Mais vous, lorsque vous vous adressez aux militants, le faites-vous en tant que coordonnateur du BP ou pas ?
Lorsque le Conseil d'Etat se prononcera, je saurai en quelle qualité m'adresser aux militants. Je suis quelqu'un de responsable. Je ne suis pas en affrontement, en conflit vis-à-vis d'une personne. J'ai assumé ma responsabilité en vertu des textes du parti. J'ai pris la décision de ne pas convoquer le CC pour que les membres de celui-ci ne se séparent pas. Je ne suis pas là pour diviser le parti. Ce que la justice ordonnera, je m'y plierai.
-Ce que dit la justice ou ce que disent les statuts du parti ?
C'est justement ces statuts-là que nous avons soumis à la justice. Que ceux qui avaient convoqué la réunion n'avaient qualité pour le faire. Je n'ai pas pour fonction de disloquer le parti. Je ne veux pas paraître comme celui qui s'accroche à la fonction. Je ne suis pas secrétaire général ni SG par intérim ou adjoint, je suis coordonnateur du bureau politique en bonne et due forme, en conformité avec la loi. C'est à la justice de mettre fin à cette situation. Ce n'est pas à moi de le faire. Du point de la justice, des attendus de la décision du Conseil d'Etat, je suis toujours le coordonnateur du BP.
-La crainte du schisme, de la dislocation du parti n'était-elle pas un faux fuyant ?
Non. Pas du tout. Le plus grave danger qui guette un parti, c'est la scission. Ce n'est pas un fantasme. Celui qui prendra la décision de diviser le FLN sera sévèrement jugé par l'histoire.
-Pensez vous qu'il y a matière à scission ?
Non.
-Alors, vos craintes de disloquer le parti ne sont pas justifiées ?
J'ai dit que je ne voulais pas d'acte de discorde. Ce n'est pas une crainte. Je m'en tiens à la loi et à la loi seulement.
-Si vous aviez plus de chance, davantage temps pour organiser cette 6e session du CC, quel aurait été votre candidat au poste de SG ?
Je n'avais pas de candidat. J'ai tenu à rester à équidistance pour rassurer tout le monde. Je n'avais pas de préférence particulière.
-Est-ce que vous auriez aimé voir un autre à la place de Saadani ?
C'est la même question posée autrement. Je ne suis pas entiché de personne(s). Moi, j'ai demandé aux candidats de ne pas rester sur l'expectative, d'aller au fond des choses, s'interroger pourquoi sommes-nous arrivés là ? Pendant trois ans, des militants ont contesté Belkhadem ; ils sont parvenus à le démettre pour l'empêcher de faire cavalier seul, de prendre des décisions qui ne sont pas en phase avec la majorité du parti dans la perspective des présidentielles et aussi du prochain congrès. J'aurais aimé qu'ils fassent œuvre constructive pour que le parti soit entre de bonnes mains. Ils avaient caressé l'idée d'une direction collégiale qui n'a pas eut les faveurs de tous bien qu'elle ait été soutenue par bon nombre de militants. Le problème était de trouver qui sera le leader mais ils ont été surpris par la réunion de l'Aurassi.
-Ce qui s'est passé à El Aurassi est en relation directe avec l'échéance de 2014, l'élection présidentielle. Est-ce votre avis aussi ?
La présidentielle n'est pas absente de cette préoccupation. Elle n'est pas pour autant en rapport directe avec ce qui a eu lieu.
-Il se dit que la propulsion de Saadani au poste de SG visait en fait à couper l'herbe sous le pied à Ali Benflis, candidat potentiel à la succession…
Il faut interroger la personne que vous nommer si cette fonction lui convient.
-Benflis ferait-il un bon SG du parti bien qu'il l'a déjà été ?
C'est au CC de décider. Encore faut-il qu'il puisse s'adresser au CC. Le comité central n'est pas demandeur : nous sommes le premier parti ; nous avons la majorité. Ce n'est pas à nous d'aller à la recherche de candidats à soutenir. Et puis manque-t-on au FLN de candidats présidentiables, des méritants parmi les membres du BP, parmi les ministres membres du BP. Nous avons d'anciens responsables du parti tout aussi qualifiés. Nous avons Boualem Benhamouda. Est-il âgé, peut-être, mais nous avons des jeunes. Avec toute cette richesse-là au CC et vous voulez qu'on soit demandeur ?
-Tout ce beau monde-là, ces noms que vous citez peuvent être des candidats potentiels…
Le FLN n'est pas à la recherche d'un candidat. Ce sont les candidats qui doivent être à la recherche du FLN. Par ailleurs, et les statuts du parti le stipulent, si le président (Bouteflika) se porte candidat, logiquement la préférence et le soutien du CC lui seront confirmés. Alors pourquoi devront nous nous poser des questions qui n'ont pas lieu d'être.
-Le choix est donc fait au niveau du parti. Le FLN soutiendra le président Bouteflika s'il se représente ?
Votre question est vicieuse. La question est tranchée si le Président se représente. Pourquoi devrons-nous chercher des candidats en dehors du parti alors que nous ne manquons pas de candidats potentiels.
-Six mois nous séparent théoriquement de la présidentielle. Nous avons un président de la République quasi-absent qui n'assure plus la plénitude de ses fonctions ; un Conseil des ministres qui ne s'est pas tenu depuis plusieurs mois ; une loi de finances complémentaire à laquelle a renoncé le gouvernement et un Parlement qui tient une session à blanc parce qu'aucun projet de loi n'est adopté par un Conseil des ministres impossible à réunir. Comment voyez-vous l'évolution de la situation politique et institutionnelle ?
Le président a-t-il le droit d'être malade ? A-t-il le droit à une convalescence ? Pour la loi de finances complémentaire est-ce une obligation ? Non.
-Pour M. Belayat, l'Etat et ses institutions fonctionnent normalement ?
Mais où voyez-vous de dysfonctionnement ?
-Un Conseil des ministres qui ne se tient pas depuis huit mois, n'est-ce pas là la preuve d'un flagrant dysfonctionnement ?
Non. Est-ce que la sécurité du pays est assurée ? La défense nationale est-elle assurée ? Est-ce que les services publics fonctionnement normalement, oui ou non ? La rentrée scolaire se fait-elle normalement? Ce qui vous cause problème, c'est juste le fait que le Président ne préside plus le Conseil des ministres.
-Vous avez été ministre et vous savez très bien que «rien» ne se fait sans l'aval du Conseil des ministres. C'est là où se font tous les grands arbitrages, du point de la Constitution, du moins. Tous les projets de loi doivent être adoptés d'abord en conseil des ministres. L'Etat fonctionne-t-il normalement ? Pour vous reposer ma question…
C'est parce que le président est malade. Il est convalescent. C'est la réalité. Ce n'est pas un dysfonctionnement. Le président Roosevelt était sur une chaise roulante. Mao Tsé-toung a dirigé la Chine pendant des années et d'autres chefs d'Etat aussi. Cette question est entre les mains des autorités compétentes.
-Votre réponse signifie-t-elle : «Circulez ! Il n'y rien à voir» ?
Ça, c'est votre conclusion à vous. Moi, je n'ai pas dis ça. Si vous voulez des médisances sur le fonctionnement de l'Etat, adressez-vous à l'opposition, moi je suis fait pour soutenir le président de la République et je fais mon travail.
-Je reviens au rôle du FLN vous disiez précédemment que le parti a été au pouvoir et qu'il n'a pas eut lieu de le minorer. Le FLN assume toutes ses responsabilités historiques et politiques quant au bilan de 50 ans d'indépendance ?
Il n'y a pas de pouvoir sans couleur politique. Le parti ce n'était pas le PAGS, ni les islamistes, ni les oulémas, ni autre, c'est le FLN. Le FLN était le pouvoir, ceux qui ont gouverné l'Etat étaient sous la conduite, l'orientation et le contrôle du parti. Je vous dis ça parce que beaucoup de personnalités qui ont eu un rôle imminent dans la conduite du pays, à des postes importants dans l'Etat et le Parti cèdent à la facilité en disant à tort que le FLN n'a jamais été au pouvoir. S'ils entendent par le Parti l'appareil administratif, bien évidemment le FLN n'a jamais été au pouvoir. Le pouvoir s'exprimait dans les fonctions de l'Etat : la présidence de la république, les ministères régaliens. Le Parti ne gérait pas les fonctions de l'Etat mais l'action de ce dernier est inspirée et contrôlée par le Parti. En la personne de Boumediène, président du Conseil de la révolution, le FLN était au pouvoir. Le FLN a été au pouvoir de 1962 jusqu'en 1992.
-Il en assume l'entière responsabilité ?
Totalement. Il assume le système du parti unique, l'absence des libertés, politiquement nous les assumons. Individuellement, ce sont des personnes qui en sont responsables pas le Parti en tant que tel. Je vous dis qu'il assume ses fautes. Par exemple les gens qui ont été détenus pour des motifs politiques. Je suis très prudent : je ne vous dis pas que Felan (untel) et Felan a été assassiné, le FLN n'a jamais ordonné qu'on tue quelqu'un. On a eu notre indépendance, un point c'est tout. Si quelqu'un qui n'émarge pas au Parti et qui fait de la subversion politique, vous voudriez qu'on l'embrasse sur les deux joues ? C'est la logique du parti unique. Nous assumons, moi personnellement, j'assume tout ce qui a été fait sauf l'assassinat de personnes. Moralement, le parti ne peut pas endosser ça. Car il s'agit là d'acte personnel. De 54 à 62, c'est une logique de guerre. Que ceci plaise ou pas, Melouza ou pas Melouza, l'histoire jugera.
-Pourquoi parlez-vous spécialement de Melouza ?
Parce que les Français sont venus massacrer les villageois et ensuite mettre ce massacre sur le compte des luttes FLN-MNA. C'était un piège. Donc tout ce que le FLN a fait, il l'assume politiquement. De toute façon, nous on a dépassé cela. Nous sommes entrés dans le pluralisme depuis 20 ans. Nous n'avons pas été au pouvoir de 1992 à 1997. De 1997 à 2002, nous n'étions pas la majorité.
-Vous parlez de majorité, croyez-vous vraiment en les résultats des élections successives ?
Les élections sont un mécanisme obligatoire que ce soit dans un système pluraliste ou dans un système de parti unique. Chaque élection à ses circonstances. Les élections de juin 1990 (élections locales gagnées par le FIS) avaient leur propre contexte. Nous venions d'être au pluralisme. Ces élections devraient avoir lieu en décembre 1989, nous ne les avons pas tenues en date, parce que les partis politiques étaient quasi inexistants. Nous aurions fait des élections pour nous-mêmes. Ces élections auraient sans doute été boycottées et nous les aurions certainement gagnées : nous ne l'avons pas fait. C'est à l'avantage du FLN. En juin, nous avions pas été les vainqueurs bien que nous étions en position de force : nous étions au pouvoir, nous contrôlions les ministères etc. Nous avons accepté les résultats. Ni coup d'Etat ni coup de force. Nous continuions et nous sommes allés aux législatives de juin 1991. Le FIS ne voulait pas y aller parce qu'il savait qu'il n'allait pas gagner. Après l'état de siège, on fait sauter notre chef du gouvernement, membre du comité central et qui prend position contre nous. Au premier tour, on perd parce que tout le monde s'était ligué contre nous. Ils n'avaient pas peur du FIS. Après qu'il les a roulé dans la farine, ils viennent nous voir pour arrêter le processus électoral. Nous ne l'avons pas fait. C'est du courage politique. Nous étions décidés à aller au deuxième tour. Nous avions nos chances : 300 recours. Nous étions les seuls à pouvoir contester la victoire du FIS dans 300 circonscriptions. Nous étions présents dans 178 circonscriptions au deuxième tour. J'y étais. Nous savions qu'on allait pas avoir la majorité mais nous étions décidé à combattre le FIS au sein des institutions. Puisque nous avions voulu le pluralisme. Ça n'a pas été fait. Nous n'avons pas pris le maquis. Nous n'avons pas empêché les institutions de fonctionner.
-Est-ce que vous diriez comme le président Bouteflika que l'arrêt du processus électoral était une «violence» ?
Ça c'est sa responsabilité à lui. Il fait de la politique.
-Le pouvoir aurait-il dû laisser le FIS gouverner ? Puisque le FIS pouvait être combattu à l'intérieur des institutions ?
Non. Ce n'est pas la même chose. Nous ne nous l'avons pas fait par respect à notre rôle. Nous, nous n'étions le parti au pouvoir. Nous organisons les élections pour ensuite les annuler. Vous imaginez, on aurait supprimé le FLN en faisant ça.
-On aurait dû laisser le FIS gouverner…
Moi je vous parle du FLN, il a pris la bonne décision. Ils sont tous venus nous trouver, en courant, pour se couvrir derrière le FLN.
-Etiez pour ou contre l'arrêt du processus électoral ?
C'est différent. L'arrêt du processus électoral était nécessaire, vital, salutaire. Si on ne l'avait pas fait, l'Algérie serait balayé aujourd'hui. On aurait sans doute un système à l'iranienne. Mais en tant que parti politique on ne pouvait pas faire ça. On ne aurait pas essayé de l'empêcher en tous les cas parce qu'on se serait discrédités. Ceux qui avaient décidé d'interrompre le processus ne nous ont pas consultés ni associés. En tant qu'homme politique, l'arrêt du processus était salutaire. Ça vous semble peut être contradictoire mais c'est ainsi.
-Le FLN est-ce un parti du passé ou se projette-t-il dans l'avenir ?
C'est un parti qui ne se démarquera pas du passé. Le FLN agit sur le présent et sera un parti de l'avenir. Si vous estimez que la référence au passé est une tare, les électeurs eux, ne le l'entendent pas ainsi.
-Que pensez-vous des appels récurrents à la mise au musée du FLN ?
Ces appels sont et seront toujours vains. Je ne les crains pas. Je ne crains pas le musée. Je crains des pratiques au sein du FLN ; les recrutements au sein du parti. Je crains le changement de références. C'est ce qui précipitera sa mise au musée. Peut être, la mise au musée sera une gratification. Je crains une destination plus humiliante que le musée. Nous ne voulons pas que le FLN se transforme dans son idéologie, dans ses référents, dans son éthique. Je crains plus de ceux qui sont à l'intérieur du parti et qui font en sorte que le FLN ne soit plus accepté. Ces gens là qui par leurs pratiquent agissent pour l'expédier au musée, on risque de ne pas les voir attendre.
-Vous craignez qu'il soit «piraté» dans son idéologie, dans son éthique. Vous pensez à quel type péril au juste ? Qu'il soit débordé par ses courants de gauche, de droite, si cette terminologie est exacte ?
Oui. Je crains le rapt, le hold-up. Je ne pense ni à la droite ni à la gauche, mais à ces pratiques qui sont loin de la morale politique. De l'affairisme et autres. De la perte de la notion de militantisme. De l'opportunisme et des petites ambitions personnelles. Militer pour le FLN, c'est le désintéressement, l'oubli de soi, servir une cause à savoir installer la société algérienne dans la modernité. Nous devons rester vigilants, réactifs. Je n'ai pas peur que le FLN devienne une relique. Non. On a un grand pays. Nous avons l'histoire. Nous avons libéré le pays d'une des plus grandes puissances coloniales. Nous avons des richesses. Nous sommes supérieurs au autres : les tunisiens peuvent mourir de faim. Les Egyptiens n'ont que le Nil mais ils sont plus de 85 millions. Le Maroc, c'est un régime féodal, vendu à l'étranger ; la Libye, un conglomérat de petites tribus. Nous ne pouvons laisser cet héritage s'en allercomme ça. Il faudrait avancer, en composant avec les autres partis. On ne choisit pas toujours ses partenaires. Ce n'est pas un bal où on a le choix de son partenaire de danse.
-La parenthèse Abdlehamid Mehri, SG du FLN, où le parti s'était vraiment autonomisé du pouvoir, vous en avez la nostalgie ?
Ni regret ni nostalgie. Vous parlez d'autonomie, je voudrais vous rappelez que c'est le pouvoir qui a cessé de s'identifier à nous. Le pouvoir est devenu un pouvoir de fait le jour de l'arrêt du processus électoral. La veille, nous étions le pouvoir. Le 11 janvier 1992, nous ne l'étions plus. Le pouvoir a cessé d'être FLN. L'armée a pris le pouvoir en son nom et n'avait pas besoin la couverture du FLN. J'étais au BP. On était sur cette position jusqu'à novembre 1994, janvier 1995 lorsque Mehri a voulu aller à Sant'Egidio. Ce n'était pas une décision du CC ni du BP. C'est une décision personnelle. Aucun des membres n'était d'accord excepté peut être Belkhadem. Il y est allé seul en comptant sur son prestige et son amitié avec Ben Bella et Aït Ahmed. On n'était pas d'accord pour une raison simple : la communauté chrétienne de Sant'Egidio s'est distinguée par le règlement des conflits africains. C'était nous ravaler à la situation africaine, du Mozambique et autre. Le pouvoir du président Zeroual et par delà l'Algérie, ne pouvait y aller sans courir le risque de porter atteinte à la souveraineté nationale. C'était inacceptable. Comment s'asseoir à la même table qu'Anouar Haddam qui tire sa gloire de l'attentat du boulevard Amirouche. On ne pouvait accepter de rabaisser l'ANP au niveau des terroristes intégristes. On ne voulait pas traîner le FLN dans ça et nous y avons mis fin. Sans l'aide de qui que ce soit. C'est lors d'une réunion organique, ordinaire, convoquée par le SG lui-même que ça s'est fait. A l'ordre du jour nous avons ajouté la question de confiance, inscrite à notre demande. Quand Mehri a vu que la confiance lui avait été retirée – il a reconnu lui-même n'avoir pas démissionné mais qu'il a été démis – il a demandé à ce qu'on change de suite le bureau de la session pour continuer à travailler.
-On avait pourtant parlé d'un «coup d'Etat scientifique» ?
Ça c'est eux qui l'ont ajouté. Nous avons élu un nouveau SG en la personne de Boualem Benhamouda avec une différence de six voix. C'était une élection démocratique. En tous point incomparable avec l'actualité (élection de Saadani, ndlr).
-Vous déniez au FLN de Mehri le droit de se réunir à l'étranger alors que ce n'était pas la première fois. Vous diriez qu'on était en guerre mais le FLN s'était toujours réuni à l'étranger ?
Ce n'est pas bien de votre part. Mais on est indépendant. Vous voulez emmenez le président de l'Algérie indépendante à l'étranger. Aya khelina !
-Vous évoquiez la réunion de Sant' Egidio. En 1999, en 2005, le pouvoir n'a-t-il pas négocié par les groupes islamistes armées. Non pas avec les politiques comme Haddam mais avec des émirs, des chefs terroristes ?
Vous mélangez tout. Ça c'est une autre affaire. Ce n'est pas le FLN. C'est l'Etat.
-La charte pour la réconciliation nationale n'est-elle pas une version «light» de Sant'Egidio ?
Cette question n'a pas lieu d'être. Sant'Egidio c'est la capitulation. La réconciliation nationale c'est autre chose. C'est un processus inévitable dans lequel nous n'avons perdu ni nos principes ni nôtre âme. Récompenser ceux qui ont pris les armes contre leur pays, c'est dangereux. Mais desconcessions, il faut en faire sans jamais sacrifier l'Etat, ni mettre sur le même pieds d'égalité, l'autorité, l'armée et ceux qui ont choisi les extrêmes. Ceux qui prétendent que la réconciliation devait se faire avec les préalables de «vérité» et « justice», ceux qui criaient «non, contre un Etat théocratique, non contre une dictature militaire», rabâchent des slogans. Ceux qui avaient pris le maquis, s'y maintiennent toujours, voulaient et veulent asservir les Algériens ; ils veulent nous renvoyer à la période antéislamique. A ce titre, Aït Ahmed s'est trompé de voie. Il était programmé pour un être vrai leader du pays. Il était le meilleur d'entre tous. C'est lui qui ne le voulait pas. Il pouvait tout aussi bien être ministre des affaires étrangères, un président : les Algériens l'adoreraient, le vénéreraient avec ses sept langues, sa pureté, son parcours immaculé de révolutionnaire, de responsable de l'OS. Il n'a ni chipé, ni détourné, ni tué. Mais il s'est fourvoyé dans le FFS, il s'est enfermé, même pas dans la Kabylie mais dans ce «trief» du FFS. A l'ALN, nous le vénérions. Les journalistes m'avaient déjà interrogé sur lui et je leur répondu que je ne savais pas ce qui était le plus vrai en lui : est-ce un intellectuel qui s'est fourvoyé dans la Révolution ou un révolutionnaire qui s'est fourvoyé dans l'opposition ?
-Quand vous dites Aït Ahmed s'est fourvoyé dans l'opposition, en somme qu'il s'est trompé de combat, voulez-vous dire par là que les questions que le FFS a soulevé depuis 50 ans à savoir notamment les questions de légitimité, des libertés démocratiques, des droits de l'homme sont un combat d'arrière garde ?
Non, elles sont toujours d'actualité. Le combat de cet homme est toujours d'actualité. Parce que les pouvoirs ont toujours tendance à abuser (…).
-Alors pourquoi dites vous qu'il s'est fourvoyé dans…
Vous faites de ces associations d'idées. Vous croyez qu'Aït Ahmed n'en avait que pour les libertés démocratiques ? Ait Ahmed s'est trompé en prenant en otage toute une région. Il a fourvoyé avec lui le colonel Mohand Oulhadj. Il aurait pu mener son combat à l'intérieur du système pour le rendre démocratique.


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