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Ces «constantes nationales» qui divisent les Algériens
Publié dans El Watan le 07 - 09 - 2014

En guise d'intro, Ahmed Ouyahia, voulant rassurer la classe politique, déclarait quelques jours avant le coup d'envoi de ces «mouchawarate», que le président Bouteflika n'a posé «aucune limite préalable au projet de révision constitutionnelle hormis celles relatives aux constantes nationales et aux valeurs et principes fondateurs de la société algérienne».
Comme quoi, des «lignes rouges», il y en a tout de même. Mais quelles sont ces «thawabit el wataniya» auxquelles se réfère continuellement la littérature officielle ? Qui mieux que le FLN pour nous éclairer sur le sujet ? Saïd Bouhadja, chargé de communication du parti joint par nos soins, citera, en l'occurrence, «le caractère républicain de l'Etat, l'islam comme religion de l'Etat, les trois éléments constitutifs de l'identité nationale, à savoir l'islam, l'arabité et l'amazighité. Il y a également l'unité nationale», détaille-t-il. «Le drapeau national tel qu'il est aujourd'hui est un symbole intangible», ajoute notre interlocuteur en soulignant que ces «thawabit» renvoient aux «spécificités de la société algérienne».
Les éléments évoqués par Saïd Bouhadja recoupent dans une large mesure l'article 178 de la Constitution qui, sans citer explicitement le mot «constantes», énumère un certain nombre de principes immuables. Que dit cet article ? «Toute révision constitutionnelle ne peut porter atteinte : 1 – au caractère républicain de l'Etat ; 2 – à l'ordre démocratique, basé sur le multipartisme ; 3 – à l'islam, en tant que religion de l'Etat ; 4 – à l'arabe, comme langue nationale et officielle ; 5 – aux libertés fondamentales, aux droits de l'homme et du citoyen ; 6 – à l'intégrité et à l'unité du territoire national ; 7 – à l'emblème national et à l'hymne national en tant que symboles de la Révolution et de la République.»
«Beaucoup de sang a coulé pour ces valeurs»
Question légitime : qui a décidé du contenu de ces «constantes» ? Celles-ci semblent, à l'origine, constituer un repère pour une nation en pleine construction et engagée dans un processus de différenciation vis-à-vis du récit colonial. Au sortir de la Guerre de libération, les pères de l'indépendance entendaient ainsi doter le pays, fraîchement affranchi du joug colonial, d'un socle identitaire. Comme l'explique Saïd Bouhadja, le concept de «thawabit el oumma» a été forgé dans le creuset du mouvement national. «Elles trouvent leur fondement dans la Révolution» assure le porte-parole du FLN. Saïd Bouhadja s'empresse toutefois de préciser que ce socle de valeurs «renvoie aux premières résistances populaires (à l'occupation française, ndlr) depuis l'Emir Abdelkader».
Pour lui, «ce sont des valeurs indiscutables». «Ce n'est pas l'affaire de Bouhadja, comme le pensent certaines formations politiques microscopiques. C'est une question cruciale pour laquelle beaucoup de sang a coulé pour affirmer les spécificités fondamentales de la société et de l'Etat-nation algériens.» Comme en écho à cette assertion, dans le préambule de la Constitution, on lit : «Aboutissement d'une longue résistance aux agressions menées contre sa culture, ses valeurs et les composantes fondamentales de son identité que sont l'islam, l'arabité et l'amazighité, le 1er Novembre aura solidement ancré les luttes présentes dans le passé glorieux de la nation.»
Ben Bella : « Nous sommes Arabes !»
En creusant un petit peu, il apparaît que nos chères constantes censées cimenter la nation sont, en réalité, un objet hautement idéologique et fortement clivant. Ces valeurs consensuelles trahissent, à bien y regarder, les représentations des tenants du pouvoir et traduisent un contenu identitaire imposé par le haut. C'est un secret de Polichinelle : le clan qui s'empara du pouvoir en 1962 était «chaperonné» par Nasser et son chef du renseignement, Fethi Dib. A peine libéré, Ben Bella se rend au Caire, sa ville de cœur, avant d'aller à Tunis scander : «Nous sommes arabes ! Nous sommes Arabes ! Nous sommes Arabes !» Dans la Constitution qu'il fera concocter à la salle Majestic de Bab El Oued, il est clairement dit : «L'Algérie se doit d'affirmer que la langue arabe est la langue nationale et officielle et qu'elle tient sa force spirituelle essentielle de l'islam.»
La dimension amazighe de notre identité est complètement occultée. Dans la Constitution de 1976, un aliéna de l'article 19, consacré à la révolution culturelle, stipule que celle-ci a pour objectifs, entre autres, de veiller à «adopter un style de vie en harmonie avec la morale islamique et les principes de la révolution socialiste, tels que définis par la Charte nationale».
Cette vieille antienne, qui passe pour être la chasse gardée de la «famille révolutionnaire», est en réalité revendiquée par un segment plus large de la société que certains désignent sous l'étiquette : «Les islamo-conservateurs».
«Mettre sur la défensive les forces modernistes»
Dans un texte intitulé : Les intellectuels algériens et la crise de l'Etat indépendant et où il dresse un comparatif entre élites arabophones et francophones, Lahouari Addi écrit : «L'élite arabophone, à l'inverse des francophones, ne se limite pas à sa fraction servant dans les appareils centraux de l'Etat. Elle est aussi fortement présente dans la société où elle se pare du discours religieux dans lequel se reconnaît le petit peuple. Intervenant très souvent à la télévision, les intellectuels arabophones y défendent les valeurs sociales à partir de la morale religieuse et y défendent ce que le discours politique appelle en Algérie les constantes nationales (ettawabite el watania) qui sont principalement au nombre de deux : la langue arabe et l'islam.»
Pour Hamid Ferhi, coordinateur national du MDS, ce discours sur les constantes est destiné à faire échec au projet moderniste. «Il n'y a aucun doute que ce concept renvoie à un discours idéologique inventé par le système pour mettre sur la défensive les forces modernistes et de progrès. Exactement comme le vocable de ‘famille révolutionnaire' qui est venu voler à l'ensemble de la société la révolution de Novembre. Une sorte de mot d'ordre à l'opposé de ‘un seul héro le peuple'» analyse-t-il. Et de poursuivre : «Cette façon de définir l'identité s'oppose à l'identité moderne, l'algérianité. C'est à dire une synthèse de toute notre histoire avec ses autres dimensions, africanéité, méditerranéité, etc. Elle s'oppose surtout à son intégration dans l'universalité.» «Nous partageons avec nos voisins ce triptyque. Accepterions-nous d'être confondus avec les Marocains ou les Tunisiens ?» interroge-t-il.
«La meilleure façon de protéger et de promouvoir ces ‘constantes', c'est de les mettre à l'abri de tous les enjeux et manipulations politiciens en séparant clairement le politique du religieux, en garantissant de manière effective la pratique religieuse, en donnant le statut officiel à tamazight…» préconise Hamid Ferhi.
Benghebrit et Mohamed Aïssa dans le collimateur des salaf'
Force est de le constater : loin de constituer ce cadre rassembleur, les ‘constantes' divisent les Algériens. Traditionalistes et modernistes s'écharpent à la moindre confrontation. Et il en est ainsi de tous les sujets «sensibles» à caractère sociétal. Qu'il s'agisse du statut de la femme, du code de la famille, de la réforme de l'école, des programmes des chaînes de télévision, de l'officialisation de tamazight, de la place de la langue française dans la société («cette langue étrangement algérienne», comme dit Khaoula Taleb Ibrahimi), la question des «valeurs de la nation» rejaillit avec fracas. On l'a constaté encore à l'occasion de ce Ramadhan. Pour la deuxième année consécutive, des «déjeuners républicains» sont organisés en Kabylie en revendiquant la liberté de culte et de conscience.
Ali Benhadj réplique en allant prier à Tizi Ouzou. Abdallah Djaballah s'en émeut avec véhémence en qualifiant ces citoyens d'hérétiques (interview accordée au site http://www.alhadath-dz.com postée le 9 juillet 2014). Chargeant les partisans de la laïcité, il martèle : «La laïcité est la plus grande hérésie de l'histoire de notre nation, et la réclamer vous exclut de la religion.» Dans une caricature mémorable, Dilem, brocardant le même Djaballah à propos de sa position sur l'officialisation de tamazight, se fend de cette bulle : «Pour que le tamazight soit conforme à nos valeurs arabo-musulmanes, il faut qu'il soit écrit et parlé en arabe.»
Dans le même registre, on a vu le flot de critiques qui se sont abattues sur le nouveau ministre des Affaires religieuses, Mohamed Aïssa, de la part des salafistes, trop libéral à leur goût. Son seul tort est d'avoir fait preuve de tolérance en clamant son respect des non-jeûneurs et pour s'être dit favorable à la réouverture des synagogues. Qu'on se souvienne aussi de la campagne soulevée par la nomination de Mme Benghebrit à la tête de l'Education nationale. Au-delà du procès qui lui a été intenté sur ses prétendues origines juives, c'est son projet pour l'école qui dérange. Autre pomme de la discorde : la réconciliation nationale. Dans le brouillon de la nouvelle Constitution, la «moussalaha» est nommément érigée au rang de «constante».
Ce qui a provoqué l'ire des familles des victimes du terrorisme et des familles des disparus. «Cela revient à consacrer l'impunité et couvrir les crimes à venir», dénonce un chef de parti. Et si la vraie constante, finalement, était le changement ? Un mot dont le régime ne veut surtout pas entendre parler…


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