Pourtant, la Constitution est suffisamment claire. Pourquoi alors les médias lourds ne font rien pour émettre des programmes d'éducation civique, citoyenne et républicaine et condamner publiquement les discours religieux haineux et les appels à l'assassinat ? Je me souviens, au début de l'ère où l'on massacrait la société algérienne sous le regard bienveillant et encourageant du président François Mitterrand, alors ministre de l'Intérieur, qui avait durant la guerre de libération ordonné l'assassinat de Ben Mhidi, et, dans le silence complice d'institutions et organismes occidentaux et orientaux, un conseiller proche du président patriote Zeroual me demanda ce que je pensais de l'article 2 de la Constitution : «L'islam est la religion de l'Etat». C'était au moment où l'on s'apprêtait à réviser encore une fois la Constitution. Ma réponse fut claire, en faisant remarquer que cet article confère au législateur algérien le droit de donner un contenu républicain et humanitaire à la religion musulmane, qui est une croyance traditionnellement adoptée par la grande majorité de la société. C'est en se référant à cet article 2 que l'on peut organiser ce culte de manière à lui donner une compréhension libérale ouverte à toutes les croyances pacifiques et à toutes les formes d'entraide et de solidarité humaine sans distinction de race ni de croyance . L'islam, fragmenté et instrumentalisé dès ses premiers pas par le pouvoir des hommes forts, a été pris en charge à partir du XVIe siècle par les puissances coloniales émergentes. Il le fut systématiquement depuis la découverte des hydrocarbures au Moyen-Orient, où l'on vit surgir du néant des petits Etats féodaux provoquant la dislocation de l'Empire ottoman, laquelle fut achevée après la Première Guerre mondiale. On assista ensuite au partage du monde après la Deuxième Guerre mondiale, où l'on vit la puissance américaine (USA) prendre le contrôle du monde et soutenir les mouvements d'indépendance pour en faire des Etats qui évolueront dans son giron impérialiste. L'islam et Israël devinrent alors les instruments de prédilection de cette puissance émergente. Leurs bureaux d'«Intelligences services», en l'absence d'un ordre clérical hiérarchisé, eurent la tâche facile pour faire de cette religion l'arme fatale en mobilisant tous ses adeptes contre le communisme afin d' affaiblir ou abattre la puissance soviétique. Evidemment, l'Algérie de Boumediène, en tant que membre du «Front des durs» (Syrie, Irak, Algérie ), était inscrite sur la liste des Etats à déstabiliser. D'ailleurs, les retombées de cette guerre américaine en Afghanistan contre les Russes touchèrent en premier lieu l'Algérie. Ce sont les milliers d'Algériens entraînés par les Américains et le financement via Ben Laden qui furent le bras armé du FIS. Heureusement que dans notre pays l'armée républicaine, les patriotes, les gardes républicaines et communales, avec l'appui agissant d'une population exsangue, sauvèrent le pays d'une extermination certaine par des hordes sauvages au service de cette «intelligentsia impérialiste». Aujourd'hui, les massacres d'une sauvagerie inhumaine qui se réalisent sous nos yeux, tous les jours que Dieu fait, contre les musulmans et les non musulmans, sont concoctés par leurs laboratoires qui endoctrinent les prophètes wahhabites et arment les salafistes. Des Etats musulmans sont en train de s'effondrer les uns après les autres, laissant place au chaos, en permettant une mainmise totale sur leurs ressources énergétiques naturelles. Les guerres ont été fomentées par ces bureaux dans le cadre d'une stratégie économique de guerre qui engendre un profit énorme pour les puissances financières mondiales et les pouvoirs locaux. C'est dans ce cadre, par exemple, que le Hamas palestinien a été créé de toutes pièces pour diviser la résistance palestinienne et faire croire au monde que cette résistance est de nature religieuse. Un Etat républicain nationaliste doit faire face à ce complot islamiste concocté par ces «Intelligences services» «en ouvrant l'esprit des citoyens vers la modernité, l'altérité et le ‘‘compter sur soi''» et en engageant une lutte ferme contre ces agents qui sèment la haine et la discorde et exhortent les actes criminels au nom d'un Coran dont ils ignorent même la signification essentielle et humaine. Comment peut-on, dans un Etat républicain, tolérer des discours hystériques religieux qui condamnent d'autres religions ou croyances ou non croyances. Il faut crier haut et fort que tout Algérien n'a aucun droit d'exiger de son concitoyen d'être un musulman comme lui l'entend, car malheureusement, comme chacun le sait, en l'absence d'une organisation ordonnée de cette religion, l'islam est devenu une immense nébuleuse de sectes lancées dans une enchère infernale vers la mort et l'absurdité. L'Etat doit réagir en urgence devant toute forme de manifestation de ce phénomène de violence morale et verbale, qui fait peur à nos jeunes filles qui se voilent pour échapper à des remontrances d'individus abjects, ce phénomène qui fait la distinction entre hommes et femmes, qui considère la femme comme une honte sans empêcher ses adeptes d'en user et abuser au nom de leur Dieu. Il faut qu'on arrête de réciter ou de faire réciter à nos petits enfants dans les écoles ou en famille les versets de la violence et de la haine d'un autre temps, d'une autre époque et hors contexte, comme le fait judicieusement remarquer Boukrouh Nourredine dans ses chroniques. On sauvera l'avenir de l'Algérie en enseignant plutôt à nos enfants l'amour de la patrie pour laquelle sont morts et ont combattu leurs grands-parents, en leur enseignant l'amour du travail propre et bien fait, en leur apprenant à aimer la vie, la culture, le savoir, la peinture, la sculpture, le théâtre, la danse, la musique… Et surtout on doit leur apprendre comment respecter l'autre quelle que soit sa foi, quelles que soient ses conditions. Il est impératif que tout Algérien sache qu'il peut choisir librement la foi qui lui sied et qu'il doit bannir à jamais l'idée qu'un autre Algérien ne peut pas avoir une autre religion. Le mal est là : le musulman algérien semble et le prouve par la violence de l'acte et du verbe, par son comportement quotidien, que ses concitoyens ne peuvent pas être des non-musulmans ou des non-croyants.Il faut mettre un terme à cette aberration, l'être humain est libre de croire à ce que la science et la connaissance rationnelle ne peuvent prouver, à la seule condition de respecter la croyance et la liberté des autres. Maintenant nous pouvons nous interroger sur l'intérêt qu'a le pouvoir actuel à laisser se perpétuer une telle situation au point qu'on le soupçonne d'être de connivence avec ceux qui appellent au meurtre, d'autant plus que ce pouvoir est prompt à réagir ou s'autosaisir contre ceux qui veulent s'exprimer librement ou exercer un culte différent de ceux qui ne savent pas ce que croire veut dire.Alors pourquoi ce pouvoir, tenu par le droit républicain d'assurer la liberté et l'exercice de tout culte, protéger et garantir la liberté de conscience et d'opinion ne réagit-il pas ? Se rend-il compte que dans sa passion obstinée de vouloir exercer éternellement le pouvoir en négligeant de faire respecter par son autorité le droit constitutionnel et défendre les droits fondamentaux de la République qu'il creuse la tombe de l'Etat algérien, un Etat déjà fortement endommagé par une corruption élargie à la population ? Les partis politiques, les associations civiles, les parents, les lettrés arabophones, au lieu de se soucier de la maladie du Président et de sa succession, doivent se rendre à l'évidence qu'il y a le feu en la demeure lorsque des médias algériens deviennent des haut-parleurs des appels au crime, à la violence et à l'intolérance. Aujourd'hui plus que jamais, des voix politiques doivent s'élever haut et fort pour défendre les libertés républicaines sur le terrain. Tous les médias doivent se mobiliser dans un élan nationaliste conforme aux valeurs défendues par le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques (MTLD), mouvement qui, à travers une longue lutte et de lourds sacrifices, a conduit notre pays à la conquête de ses libertés fondamentales.Il faut mettre un terme à la déviation du cours révolutionnaire de notre histoire, lequel a été républicain et moderne dès ses origines, lequel n'a jamais accepté de mélanger la foi à la politique, et a, de tout temps, considéré la foi comme une affaire strictement personnelle.