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Prisons : les cellules du terrorisme
Publié dans El Watan le 04 - 09 - 2015

«Depuis le début de l'année, les directeurs de prison sont sous pression. Certains prisonniers jugés extrêmement dangereux ont été transférés dans d'autres établissements pénitenciers et séparés du reste de la population carcérale. Une solution momentanée pour prévenir la formation de combattants tentés de rejoindre les rangs d'Al Baghdadi».
Cet avocat de la cour d'Alger spécialisé dans les affaires criminelles liées au terrorisme est inquiet. Et il n'est pas le seul : les services de sécurité rapportent que des recrutements pour l'organisation de l'Etat islamique ont commencé fin 2014 (lire notre article publié le 29 mai dernier).
Une source sécuritaire révèle que la direction générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion au ministère de la Justice a déjà effectué des transferts de prisonniers des grandes prisons à l'Est à l'Ouest et au Centre sur la base d'informations évoquant ces nouvelles allégeances à Aboubakr Al Baghdadi.
Depuis 1994, l'avocat sillonne le pays pour enquêter sur ses propres dossiers et accumule des documents pour les archives. «Le recrutement dans les prisons n'est, en soi, pas un phénomène nouveau. Depuis les années 90' des noms ont fait la triste gloire du GIA. Ce n'est pas non plus une tendance propre à l'Algérie.
La France, par exemple, a également été touchée en 1995 avec l'affaire Khaled Kelkal et récemment avec les affaires de Mohamed Merah et les frères Kouachi, des récidivistes radicalisés. Pour revenir au cas de l'Algérie, il m'est arrivé de trouver des similitudes avec certaines affaires que je traitais.
Certains de mes clients sont liés d'une façon ou d'une autre. Je m'explique : une affaire banale de soutien au terrorisme, l'accusé avait déjà fait de la prison et a finalement été récupéré par un groupe activant dans la région de Tébessa. Plus tard, j'ai découvert qu'il était dans la même prison qu'un condamné ayant aidé à l'introduction de combattants venus de Libye. C'est dire le détournement du rôle des prisons et l'influence sur la structuration des filières terroristes.»
Leaders
Une source sécuritaire proche de la Justice affirme que «des dizaines de détenus, de tendance salafiste, condamnés à de lourdes peines, ont brisé toutes les affiliations avec AQMI pour déclarer leur allégeance à Al Baghdadi en s'engageant sur la formation et la préparation de prisonniers. C'est leur but : renforcer les rangs et activer en Algérie après leur libération.
C'est du moins le projet qu'ont pu dévoiler des enquêtes internes menées en coopération avec des organismes sécuritaires internationaux.» Cette information a été prise au sérieux puisque «les leaders» du mouvement sont depuis leur incarcération «identifiés et surveillés» comme islamistes radicaux. «A mon avis, même si certains ont été isolés et mis dans des bâtiments individuels afin qu'ils ne puissent pas recruter, il n'en demeure pas moins que le système a ses failles. Les cellules secrètes existent dans nos prisons. La Direction générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion n'a pas fini de trembler !» regrette-t-il.
Régulièrement, le bureau d'Alger d'Interpol remet des listes et des rapports aux autorités locales afin de démanteler certains réseaux mafieux liés aux filières djihadistes activant dans le Sahel et le Maghreb. En mai dernier, certains médias ont affirmé qu'une liste d'au moins une soixantaine de terroristes algériens circule, une information qui n'a pas été commentée par Alger.
Notre source sécuritaire assure qu'il s'agirait de plusieurs rapports remis et d'une liste plus étoffée. «Il faut compter des centaines d'individus armés qui circulent entre l'Algérie, la Libye, la Syrie et l'Irak pour le compte de Daech. Les personnes recherchées sont identifiées par leur nom d'origine et d'emprunt.
Difficile de passer le contrôle depuis le renforcement de la sécurité dans les aéroports, en particulier celui d'Alger», tente-t-il de rassurer. «Les chiffres ne sont pas encore tombés, mais on parle déjà de dizaines de détentions rien que cet été. Des individus interceptés et arrivant de Syrie», précise-t-il.
Fouille
«Mon frère n'a rien à voir avec les terroristes de Daech. Avant son incarcération et sa condamnation, il travaillait chez un tôlier et menait une vie simple», se plaint Houssam H. Depuis des mois il n'a pas réussi à voir son frère. Ce dernier refuserait de voir sa famille et de recevoir des visites. «Je sais ce qui se passe !» s'insurge Houssam en hurlant au visage d'un agent de sécurité d'une prison du centre, qui lui demande de se calmer et de s'en remettre à l'avocate de son frère.
«Depuis qu'il a été déplacé ici, il refuse de me voir.» Au début de sa détention, le frère de Houssam a été placé dans une grande salle avec une dizaine de détenus avec qui il a passé la nuit.
Dès son arrivée, il a été fouillé, déshabillé et conduit à la douche avant de repasser une seconde fois à la fouille. «Mon frère est ce qu'on appelle une ‘‘qadya islamya'', c'est comme ça qu'ils disent. C'est-à-dire que son affaire est liée directement aux activités terroristes. Je ne peux pas lui rendre visite tout le temps, mais à chaque fois que je suis venu, je l'ai vu changer et se radicaliser.
C'était visible dans sa manière de parler, de porter sa tenue. Il me racontait qu'il avait trouvé la paix et de nouveaux frères qui faisaient tout pour qu'il se sente en paix. Il n'arrêtait pas de dire qu'il ne se sentait pas ‘‘en prison'' et que ça allait.» Comme le frère de Houssam, l'oncle de Mehdi a été, quant à lui, arrêté et jugé en 1994 à cause d'une voiture impliquée dans des affaires d'actes terroristes.
Portable
«Mon oncle avait toujours un verre dans le nez. Il aimait la vie, les jolies femmes et surtout les soirées qui ne finissent jamais. Quand il a été condamné, il s'est effondré. Il a été placé dans une cellule avec plusieurs détenus qui l'incitaient à faire la prière.
A un certain moment, les détenus ne lui ont pas parlé pendant des jours. Un autre détenu est venu le voir pour lui conseiller d'arrêter de fumer et de commencer la prière.» N'ayant pas voulu pratiquer la religion musulmane comme l'entendait l'émir de la cellule, l'oncle de Mehdi a subi de nombreuses pressions de la part du «majliss» (un comité restreint constitué de prisonniers pour les affectations des tâches) et a dû rapidement intégrer le groupe et s'initier aux apprentissages de métiers «pour qu'il s'occupe durant sa détention», se souvient Mehdi.
Un matin de janvier, une alerte a été donnée dans une prison de l'Algérois. «C'était la panique générale !» témoigne H'cicèn B., gardien de prison depuis 13 ans. Des têtes brûlées, il en a vu défiler. «Un portable circulait parmi les détenus, nous avons passé au peigne fin chaque cachette, chaque lit et chaque brèche.
Mais, finalement, nous n'avons rien trouvé. Le directeur a demandé que l'on fouille à nouveau et que l'on harcèle les détenus jusqu'à ce que le portable sorte ‘‘de terre ou du ciel'' criait le directeur. Il craignait une mutation ou qu'on le limoge.» H'cicèn ne s'en cache pas, il s'est lié d'amitié durant ces années avec certains détenus, surtout ceux purgeant de lourdes peines. «J'avais un confrère qui passait beaucoup de temps à la surveillance de ce qui se disait dans les ‘‘halaqate'' des prisonniers.
Avec le temps, il a été convaincu par le discours d'anciens terroristes jamais repentis. Il avait alors déposé plusieurs congés maladie, puis une lettre de démission est venue mettre fin à sa carrière. Jusqu'à présent, personne n'a de ses nouvelles et personne n'ose en parler, mais je sais très bien qu'il a été récupéré par les sympathisants des détenus et qu'il servait leur cause pendant qu'il travaillait avec nous», confie-t-il.
Plainte
Pour H'cicèn, un changement peut s'opérer, mais il faudrait qu'il vienne de la Direction générale de l'administration pénitentiaire et de la réinsertion.
«Le DG Mokhtar Felioune, a fait un très bon travail il est sur tous les fronts. Nous avons, grâce à lui, obtenu certains droits, mais ça reste insuffisant surtout avec les nouvelles recrues», regrette-t-il. «Les mesures prises par les centres de détention ne sont pas applicables à un détenu qui enfreint le régime disciplinaire, souligne l'avocat. Notre système n'est pas parfait, il faut l'utiliser comme un outil d'irrigation, pour empêcher toutes les tentatives d'intrusion des djihadistes, et non d'oppression. Pour repousser les dangers, il est important de trouver de nouveaux moyens de lutte. Suspendre le courrier, les visites ou la fouille aléatoire ne changera rien.
En plus, en cas de dépassement, le détenu sait qu'il peut porter plainte auprès du directeur de l'établissement pénitentiaire.» «Après mon stage, j'ai été muté dans une prison hors de la wilaya d'Alger. C'était une véritable torture psychologique». Salim Hachemi a 27 ans aujourd'hui.
Après son échec au bac, il décide de prendre son avenir en main et participe à plusieurs concours nationaux. Puis, il est repéré par son voisin policier qui lui recommande de poursuivre une formation de gardien de prison.
Confident
«A la même période, l'administration pénitentiaire avait reconsidéré la revalorisation des salaires pour ses personnels. Il me disait que c'était stable comme métier et qu'il n'y avait aucun danger pour moi.» Salim trouve sa mission intéressante. Pour ce jeune, travailler au service de son pays est «un honneur et une fierté». Jamais il n'aurait imaginé ce qui l'attendait en prison.
Dès son arrivée, il se retrouve confronté à la dure réalité : des radicaux violents, des tentatives de suicide, des règlements de comptes, des familles qui se déchirent au parloir.
De plus, le salaire de Salim n'est pas si élevé. Il décide alors de monter un dossier Ansej pour pallier les besoins de sa famille, une manière de fuir le milieu carcéral et de «se protéger mentalement».
«Quelques mois après avoir commencé mon travail, mon supérieur m'a annoncé un licenciement sans indemnités. Une enquête aurait démontré que j'avais un autre projet. Je ne comprenais pas cette décision radicale.
Faire face aux difficultés de la vie, c'est possible, gérer les tensions avec les autres gardiens et les prisonniers a été insurmontable pour moi. J'ai abandonné l'idée de faire un recours ou autre et me suis mis à mon compte.
Je ne le regrette pas ! Dans une cellule, des liens ambigus se créent entre gardiens et prisonniers. Des amitiés naissent et parfois on prend en sympathie le prisonnier qui devient confident, car il sait qu'il n'est pas au bout de sa peine, et que l'on passe, nous aussi, la moitié de notre vie entre eux et nos familles.»
Le cas de Salim n'est pas isolé, les gardiens de prison font souvent l'objet d'enquêtes internes, parfois ils se dénoncent entre eux, comme pour Saïd qui a dû abandonner son poste car soupçonné de faire entrer des denrées alimentaires a un prisonnier, qui avait participé à un massacre dans les années 1990.
«Les enquêteurs n'avaient rien pu prouver. Je n'ai rien à me reprocher. J'ai seulement apporté des gâteaux à un prisonnier enfermé pour un bon bout de temps. Il s'était repenti et a pris conscience de ses crimes… Nous ne sommes pas des juges !»


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