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Par le recours à l'ijtihad, elles sont à l'origine d'une véritable transgression dans l'exégèse islamique
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2017

Et de noter que celles qui optent pour la relecture des textes religieux par la voie de l'ijtihad sont à l'origine «d'une véritable transgression dans l'exégèse islamique, car celle-ci est réservée aux seuls hommes».
– Le féminisme qui puise ses fondements dans l'islam que vous étudiez est-il un contrepoids au féminisme qui se prévaut de valeurs universelles telles que l'égalité des droits inscrite dans des lois civiles ?
Tout d'abord il faut clarifier ce que l'on entend par féminisme, Il concerne l'ensemble des références et des systèmes de valeurs utilisés pour lutter contre les inégalités et les discriminations subies par les femmes ainsi que le système social qui maintient la suprématie masculine. Cela étant dit, la pensée féministe n'a jamais été monolithique, d'où l'importance de parler de féminisme au pluriel.
A titre illustratif, le mouvement féministe en Algérie, dès sa création, va essentiellement s'appuyer sur les lois civiles inscrites dans la Constitution et qui consacrent l'égalité entre les hommes et les femmes, autrement dit sur la notion d'égalité des droits pour contester les discriminations à l'encontre des femmes.
Ainsi, elles vont fonder leurs revendications pour l'amélioration de la condition féminine, principalement autour de la question de la refonte du code de la famille, qu'elles perçoivent comme étant l'un des véhicules privilégiés du système social patriarcal. Tandis que le féminisme, qui fait l'objet de notre propos, va, quant à lui, puiser sa légitimité dans les différentes sources de l'islam, considérant que celles-ci portent en elles un message de justice et d'égalité entre les sexes, mais qui a été altéré par des interprétations religieuses, patriarcales, des sources scripturaires.
– Ce féminisme représente-t-il une évolution du féminisme, voire une révolution ? Sinon comment qualifieriez-vous ce phénomène qui s'enracine dans plusieurs pays musulmans et occidentaux ?
L'avènement de ce phénomène nous renseigne sur un ensemble d'évolutions qui ont vu le jour ces trente dernières années aussi bien dans les sociétés musulmanes qu'auprès des musulmans d'Occident. Pour comprendre son émergence, certaines données socio-historiques nécessitent d'être évoquées.
En effet, à l'instar de tous les courants de pensées, le féminisme musulman n'est pas un phénomène ex nihilo, mais il constitue bel et bien le fruit de l'histoire contemporaine. Autant dire que l'on ne peut pas le comprendre sans la prise en compte du revitalisme islamique que connaissent les populations musulmanes. Cette dynamique transnationale que certains théoriciens qualifient de «réislamisation» a été en partie amorcée par l'islamisme.
Rappelons que celui-ci, contrairement à la «réislamisation», recouvre un ensemble de tendances qui ont en commun l'utilisation politique de la religion. Ce qui le conduira à participer à la réactivation des normes religieuses au sein des communautés musulmanes. Cette rétrospective non exhaustive nous permet de mieux situer la genèse du féminisme musulman, mais aussi de mieux comprendre les formes d'appropriation religieuses que la réislamisation rend possible, notamment grâce à la diversité du marché religieux qui la caractérise.
En effet, dans un contexte marqué par une pluralité de l'offre religieuse, ni l'islamisme politique, ni l'islam officiel et encore moins l'islam hérité des parents n'ont le monopole du champ discursif religieux. C'est dans ce paradigme où la référence religieuse est réactivée que vont apparaître de nouveaux discours produits par des femmes musulmanes.
Elles vont se saisir des textes scripturaires comme instance de légitimité pour remettre en question les conceptions religieuses qui consacrent la ségrégation des sexes et qui les relèguent en arrière-plan, revendiquant de la sorte une égalité dans et par l'islam. Et c'est précisément dans l'apparition de nouvelles figures féministes, qui tout en revendiquant leur adhésion à une tradition du livre, bousculent de l'intérieur les institutions religieuses, que l'on peut percevoir une forme de révolution.
En effet, celles-ci se réapproprient du religieux qui, jusque-là, était un champ essentiellement masculin, pour mettre en place de nouvelles exégèses féminines, qui se saisissent de la catégorie du genre pour l'interprétation des textes sacrés, leur permettant ainsi de rompre avec les conceptions traditionnelles de la femme musulmane et des rôles véhiculés par l'islam normatif.
Ainsi, de nouvelles voix vont se faire entendre, qui déconstruisent «la catégorie femme» théorisée par les féministes «traditionnelles» puisqu'elles la considèrent comme un référent monolithique qui essentialise les femmes et invisibilise leur ancrage historique, culturel, social, ethnique et racial.
– Féminisme et islam, est-ce compatible ? Juxtaposable ?
Ce débat sur la compatibilité de l'islam avec le féminisme ou bien la juxtaposition du mot féministe et islam a suscité beaucoup de polémiques. En effet, ces deux entités sont souvent entendues comme étant opposées, voire irréconciliables. Cette vison puise ses origines dans l'idéologie coloniale qui présuppose une supériorité occidentale se traduisant, notamment dans le statut réservé à la femme dans les pays colonisés et qui justifierait ainsi la mission civilisatrice promue par l'administration coloniale. Ce présupposé sera réactivé lors des attentats du 11 septembre.
Il sera consolidé par la diffusion de la thèse du «choc des civilisations» qui, rappelons-le, postule l'existence d'invariants qui caractérisent les sociétés et les cultures. Et, ainsi, contribuent à les différencier, en considérant que ce ne sont plus les individus qui fabriquent leur culture (bien évidement dans des processus de ruptures, de tension, destruction et innovation), mais c'est plutôt l'immuabilité de leurs cultures qui les fabrique.
Cette théorie, qui consacre le relativisme culturel va participer d'une part à véhiculer une vison stéréotypée des femmes musulmanes et de l'islam de manière générale, lesquels sont représentés dans des catégories figées et hors de l'histoire. Et d'autre part, les valeurs universelles -qui n'ont intégré la notion d'égalité entre les sexes que très récemment-, sont perçues dans cette approche comme étant un corpus de valeur essentiellement lié à la civilisation occidentale, de sorte qu'ils ne sont pas transposables à d'autres cultures.
Bien qu'il se déploie dans le paradigme religieux, le féminisme islamique va également déranger les tenants de la tradition musulmane qui le perçoivent comme un concept occidental et donc étranger au système de valeurs musulmanes. Et enfin d'autres acteurs interrogeront la légitimité de ses ambitions en tant que courant de pensée. C'est le cas pour certaines féministes universalistes qui vont le réceptionner avec défiance, le considérant comme un islamisme qui ne dit pas son nom.
– Comment est né ce féminisme ? Qu'est-ce qui le caractérise ?
Ce mouvement, qui se construit d'abord comme un mouvement intellectuel, a vu le jour dans les universités iraniennes durant les années 90, porté par des femmes qui vont revendiquer un certain nombre de réformes sans révoquer le cadre islamique érigé par le régime iranien.
Elles se sont inspirées du concept de justice sociale promue par la révolution iranienne et puisée dans la tradition musulmane. Elles vont diffuser leurs travaux dans des revues et des colloques dans lesquels elles démontrent que l'ensemble des schémas et représentations codifiés dans la jurisprudence musulmane, (consolidée au IXe siècle et qui donnera naissance aux principales écoles juridiques), que le fiqh, en tant que corpus juridique qui légitime l'infériorité du statut de la femme, est une construction humaine produite dans un contexte social et historique marqué par le patriarcat.
Cette dissociation entre ordre patriarcal et message religieux leur permet de déconstruire l'immuabilité prêtée au fiqh et envisager une réforme dans son cadre qui serait à la fois adaptée aux transformations de l'époque contemporaine et conforme avec l'égalité entre tous les êtres humains sans distinction de race ou de sexe. Autrement dit, les concepts de ce féminisme islamiste sont centrés sur l'interprétation de l'exégèse du Coran et des hadiths en neutralisant les éléments misogynes.
– Comment va-t-il se développer ?
Ce féminisme, qui s'est déployé d'abord sous la forme d'un courant intellectuel, va se transformer en mouvement social éminemment politique. C'est le cas notamment des théologiennes marocaines qui ont participé à l'élaboration de la réforme de la Mudawana. Elles sont également très actives dans l'Asie musulman tels la Malaisie et le Pakistan.
Parallèlement à la naissance de ce courant de pensée, des intellectuelles d'ascendance musulmane établies dans des universités américaines et européennes vont se revendiquer de ce mouvement et produire une littérature scientifique allant dans le sens de cette pensée, mais au-delà de la production d'un discours savant, elles vont également opter pour des stratégies d'action en se constituant en réseaux et collectifs.
On peut d'ailleurs citer le collectif national Femmes musulmanes de Belgique qui milite pour une lecture autonome des écrits religieux dans une perspective féministe, mais aussi en contexte européen ; celles-ci militent pour la normalisation de la présence des femmes musulmanes dans l'espace public européen.
– Une convergence entre le féminisme dit laïque ou universel et le féminisme d'essence religieuse est-elle concevable ?
Le féminisme islamiste est pluriel, certaines de ses actrices puisent leurs références aussi bien dans les écrits que dans les valeurs universelles pour négocier les termes de leur libération, estimant que celles-ci ne sont pas antinomiques. On peut, en effet, considérer que la démarche entreprise par ces deux types de féminisme diffère en termes de corpus mobilisés par chacun d'eux mais qu'ils poursuivent une finalité commune qui est l'égalité entre les hommes et les femmes.
Cette convergence d'objectif ouvre la possibilité vers des alliances, cela a d'ailleurs pris forme, notamment dans certains pays où des féministes laïques et islamistes ont travaillé ensemble pour promouvoir leurs droits. C'est le cas notamment pour les féministes au Maroc et en Iran. Cette alliance objective a été également portée dans le milieu intellectuel où plusieurs ouvrages ont été consacrés à la manière avec laquelle ces deux courants de pensée peuvent collaborer et s'enrichir mutuellement.
– Comment expliquez-vous que ce féminisme n'a pas trouvé d'intellectuels (les) et universitaires pour le relayer et l'alimenter en Algérie, contrairement au Maroc voisin ?
A la différence de pays, tels que le Maroc, le Pakistan et la Malaisie. …Les féministes algériennes ne convoqueront pas le registre religieux pour réclamer un changement dans les rapports sociaux entre les hommes et les femmes. Les pionnières du mouvement féministe algérien qui verront le jour dans les années 1980 trouveront dans les ambivalences du projet nationaliste algérien des outils profanes leur permettant de réclamer un changement en direction de leur statut.
En effet, le nationalisme algérien portera à la fois des référents religieux hérités du mouvement réformiste, mais il inclura également dans son idéologie des registres de provenance universelle empruntés aux idéologies séculières. L'autre élément explicatif, selon nous, puise ses origines dans l'histoire coloniale algérienne.
Les effets de la politique coloniale en Algérie continueront de peser sur l'Algérie post-coloniale. Cela se traduit dans les faits par l'inexistence de centres de production du savoir religieux, les institutions religieuses ayant été détruites par l'administration coloniale, contrairement au Maroc ou à l'Egypte dont les institutions d'autorité religieuses ont été préservées. Ce qui contribuera dans ces deux pays à la production d'une élite religieuse locale constituée également de femmes théologiennes qui vont pouvoir militer pour leur droit à partir de ce registre.
Quant aux femmes algériennes, qui appartiennent à des associations religieuses ou bien à des partis politiques islamistes, ne produisent pas de discours qui remettent en question la ligne de leurs partis, d'ailleurs certaines d'entre elles vont même militer pour le maintien et le renforcement du code de la famille. Nous pensons également que l'expérience islamiste algérienne dans sa traduction violente va d'une certaine manière participer à cette désaffection du religieux par les féministes algériennes.
– Une question, plus personnelle. Comment avez-vous été amenée à vous intéresser à ce féminisme, vous qui avez été élevée par une mère féministe laïque ? Ne considérez-vous pas son combat et celui des Algériennes appartenant à une génération qui a vécu et combattu les affres du terrorisme islamiste et qui militent pour le remplacement du code de la famille par une loi civile comme dépassé ?
Mon héritage maternel a été fondamental pour la construction de ma conscience féministe, mais j'appartiens à une autre génération, et donc à une autre Algérie. En effet, contrairement à ma mère qui a vécu dans une Algérie où subsistaient des foyers de laïcité, où cette parole laïque n'était pas encore confisquée par le régime et par les islamistes, son approche constituait un référent opératoire dans les milieux universitaire, culturel et politique en Algérie.
Cependant, l'expérience islamiste que va connaître l'Algérie conjuguée à la contre sécularisation menée par le régime pour endiguer les formes contestataires de l'islamisme auront comme conséquence la réislamisation du champ social algérien. Cela étant dit, ma curiosité intellectuelle s'est orientée vers l'observation et l'analyse de ces changements qui structurent le paysage socio-culturel de l'Algérie d'aujourd'hui.
Les postures qui appréhendent cette réislamisation comme un recul en termes de droits des femmes, me semblent restrictives car elles occultent les avancées opérées par les femmes algériennes réislamisées aussi bien dans l'espace public que privé. En effet, leurs nouvelles fonctions religieuses, politiques, économiques indiquent d'importants bouleversements dans les rapports sociaux qui sont à l'œuvre.
Cela revient à dire que même si pour l'instant les femmes réislamisées ne produisent pas de discours revendicatifs, elles bousculent par leurs pratiques les stéréotypes de la femme dans la tradition patriarcale. D'où cette question dans le cadre de la thèse que j'effectue actuellement : les jeunes femmes universitaires travailleuses algériennes n'expérimentent- elles pas, par les nouvelles fonctions qu'elles occupent, des formes de socialisation du féminisme islamiste ?


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