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Commune de Boukram (Bouira) : Entre insécurité et enclavement
Publié dans El Watan le 31 - 03 - 2010

Depuis des décennies, la population locale est livrée à son sort. La commune se morfond dans le dénuement le plus absolu.
Entre le mont Bouzegza et Zbarbar, surplombant l'ouest et le sud de la région de Lakhdaria, des villages vivent dans l'extrême pauvreté. Ces hameaux, ayant les frontières avec la wilaya de Blida et Boumerdès, rappelons-le, sont devenus, en 1985, la commune de Boukram, relevant de la daïra de Lakhdaria (ex-Palestro), 42 km à l'ouest de Bouira. Depuis toutes ces longues années, ces bourgades oubliées ont sombré dans une profonde léthargie. Au fil du temps, la situation ne s'est pas améliorée et la population y est abandonnée à son triste sort. En plus de la déchéance qui a prévalu des années durant, l'avènement du terrorisme n'a fait, en réalité, qu'empirer les choses.
Partant, Boukram et les autres communes ayant pris racine au cœur de l'Atlas blidéen tout comme Guerrouma, Mâala, Zbarbar, Bouderbala, pour ne citer que les municipalités appartenant à Bouira, sont devenues, à partir des années 1990, le bastion du terrorisme islamiste. Le nom de ces montagnes donnait froid dans le dos. Le souvenir de ces années-là, témoignant de l'apogée de la « folie humaine », resurgit continuellement. C'était l'horreur. À cette époque-là, des personnes aveuglées par une idéologie intégriste, tuaient, saccageaient, terrorisaient. D'autres gens innocentes, emmurées dans leur profonde peur, une mort gratuite et absurde leur était réservée. L'insécurité y régnait.
Les semeurs de la mort rôdaient toujours dans les forêts voisines. Le dernier accrochage, qui a eu lieu dans cette région, remonte au 24 février de l'année en cours. Trois terroristes ont été éliminés dans une embuscade de l'ANP au niveau du village Essebt, situé entre Boukram et Bouderbala. Boukram est une commune de montagne, située à près de 1000 m d'altitude, 25 km à l'ouest de Lakhdaria. Par conséquent, on ne va pas s'attendre à de vastes champs de blé ou à des zones d'activité florissantes.
Une commune dans le dénuement
Il n'y a que la solitude de la montagne et la précarité qui règnent en maîtresses absolues. Par une journée ensoleillée de la mi-mars, nous avons pris le chemin menant aux villages, autrefois impénétrables. Une heure de route nous suffisait. Le CW2, avec ses panneaux de signalisation inexistants, semble interminable de par son escarpement. Ainsi, la géographie de la région permet à un épais brouillard d'ensevelir toutes les collines environnantes. Nous avons alors traversé le CW2 sans pour autant voir les hameaux relevant de la commune de Bouderbala. Soudainement, à la limite du brouillard matinal, le chef-lieu communal de Boukram, mine grise, fît son apparition.
En voulant atteindre le siège de l'APC, nous avons fait fausse route et on s'est retrouvé à Kerbach, village dominant toute la région. Du haut, nous pouvions tout voir. Aucun immeuble, ni autres bâtisses indiquant l'existence d'une municipalité. Ce qui veut dire qu'à Boukram, aucun programme de logement n'a été réalisé durant ces trois dernières décennies.
Idem pour les autres programmes de développement. Cela semble très évident ; plus on s'éloigne du chef-lieu de wilaya, plus on se rend compte que la situation laisse à désirer. Nous étions frappés aussi par l'absence flagrante de structures de santé, bureau de poste ou autres équipements pouvant alléger la souffrance des citoyens qui se rendent jusqu'à la ville de Lakhdaria. « Pour prendre un café, il faut aller à Lakhdaria », ironise-t-on. « À Boukram, il n'y a pas de différence entre un enseignant ou fonctionnaire et les autres paysans. L'agriculture concerne tout le monde », nous dit un jeune berger qui suit de son regard un troupeau composé de sept vaches, sur les hauteurs de Kerbach.
Direction Ferkioua, localité située à la sortie ouest de la commune. Parler de développement local dans une commune comme Boukram, cela risque de s'avérer vain, voire délirant. « Nous sommes abandonnés dans ces douars de misère », finit par lâcher un octogénaire qui conduit son troupeau de moutons, probablement vers un pâturage du coin. Le vieux ne semble pas trop bavard. À maintes reprises, il fuyait nos questions tout en souriant. En d'autres termes, son regard et ses hésitations en disent long sur la souffrance que subissent les habitants de ces villages.
Tout semble manquer à cette région. À part le réseau routier et l'électricité qui rendent un grand service aux populations locales, les autres programmes comme le PPDRI, FNDRA…etc, n'ont pas encore vu le jour. « Nos responsables locaux ne font rien du tout et quand on annonce la visite du wali dans la commune, on les voit courir dans tous les sens », nous a confié Mohamed, la quarantaine entamée, originaire de la région qui venait s'enquérir de son oliveraie.
L'arboriculture, l'apiculture, l'élevage bovin et ovin, ce sont autant de filières agricoles qui restent à développer dans cette partie de l'Atlas blidéen. Car entre ce que les responsables du secteur agricole avancent et la réalité du terrain, il y a tout un paradoxe. D'aucuns disent que personne n'a bénéficié d'un projet d'agriculture. D'ailleurs, à travers les différentes localités que nous avons pu visiter, on n'y voyait que quelques ruches et des petits jardins cultivés uniquement pour ne pas mourir de faim. Les grands projets d'investissement, foutaise !
Mustapha, un jeune transporteur nous fait part de son calvaire quotidien. En 1991, il fuyait le terrorisme, lui et sa famille, pour revenir onze ans plus tard, soit en 2002. Cela fait bien 8 ans qu'il est revenu, toutes ses demandes pour bénéficier d'une aide agricole restent lettre morte. Pourtant, ce dernier a ouvert une permanence pour Bouteflika, lors des dernières élections présidentielles. « Je suis un fellah, toute ma famille vivait de la terre, mais je n'ai bénéficié de rien à ce jour », a-t-il dit. Durant la décennie noire, des dizaines, voire des centaines de familles ont quitté Boukram pour aller vivre dans des grandes villes, notamment Alger, Boumerdès, Blida et Médéa. Plusieurs villages, à l'image de Ouled Allal, Kerbach, Mekhchen, Mehouen, Ouled Khlil, Ferkioua, ont été touchés par l'exode rural. Et tous ceux qui ont fui la région ne sont pas encore revenus. « Les familles qui ont fui la région durant les années du terrorisme ne sont pas encore revenues. Elles préfèrent habiter dans un bidonville à Khemis El Khechna plutôt que de retourner dans ces villages maudits », a dit Mohamed qui, lui aussi, n'a pas revu son village natal depuis qu'il l'a quitté au milieu des années 1990.
La population poussée à l'exode
La région devient de plus en plus hostile. Après les années du terrorisme, viennent celles du sous-développement. « À vrai dire, rien n'a été fait de la part des pouvoirs publics pour permettre à ces familles de revenir », a-t-il ajouté. Quant à Mustapha, le retour de ces centaines de personnes ne peut pas se faire si l'Etat ne met pas les moyens nécessaires. « Je suis revenu en 2002 dans l'espoir de recommencer à vivre, mais la réalité des choses ne m'a réservé que déception », raconte-t-il. « Et depuis, poursuit-il, ma demande pour bénéficier de l'aide à l'habitat rural traîne à ce jour ». Faut-il tout de même souligner, que le projet de Mustapha a été lancé en 1991. Mais, un accrochage entre l'armée et les terroristes, qui a eu lieu tout près de chez lui l'a contraint de s'exiler, lui et toute sa famille, pendant toute une décennie à Bab Ezzouar, Alger. Il y a forcément plusieurs personnes qui vivent ce calvaire.
« Je ne suis pas le seul, dit Mustapha, là où j'habite il y a près d'une quarantaine de maisons inhabitées, leurs propriétaires ont juré de ne plus y remettre les pieds. Je trouve qu'ils ont raison. À quoi bon de revenir quand on n'a pas les moyens ? » Sur un autre ton, plein de regret, notre interlocuteur lâche : « Une seule chose me fait beaucoup de mal, c'est quand on entend nos responsables discourir sur l'amélioration des conditions de vie des régions de montagne. » « Où sont-ils leurs programmes de développement », s'interroge Mustapha. À cette situation de grande précarité s'ajoute le problème du chômage. Les jeunes, ne savent quoi faire de leur temps libre, quittent très tôt leurs villages pour ne revenir qu'à la nuit tombante.
À travers les routes des villages, des femmes portent sur leurs têtes de petits jerricans remplis d'eau. D'autres conduisent un troupeau de moutons ou de vaches. Cependant, une autre image nous a terriblement frappé. C'est au niveau d'une décharge publique déversée au bas-côté du CW2, deux femmes, l'air traîne-misère, fouillant dans le détritus à la recherche de quelque chose…à manger. Sur cette image désolante, nous avons quitté la commune de Boukram, en laissant sa jeunesse qui n'a en tête que l'espoir de décamper, ses écoliers qui s'entassent dans un seul bus après avoir marché de longs kilomètres, ses villages enclavés au cœur angoissant du mont Zbarbar.
Bref, la population de Boukram attend, désespérément, tout ; que le développement local soit lancé, que l'eau potable étanche leur soif et le gaz de ville atteigne leurs lointains villages.


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