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Transition démocratique : Le contexte historique des relations civilo-militaires
Publié dans El Watan le 13 - 05 - 2019

La subordination des militaires au pouvoir politique figure parmi les plus vieilles questions de gouvernance humaine. L'idée qu'une armée, entité créée pour la nécessité de protéger la société contre l'ennemi extérieur, puisse représenter une menace pour celle-ci, est un véritable dilemme qui remonte à l'Antiquité.
En effet, depuis l'apparition des premières forces militaires organisées, les gouvernants se sont vite confrontés aux menaces de renversement ou de subversion de la part de leurs propres armées. La question, toujours d'actualité, est de savoir comment une société contrôle ceux qui, en son sein, détiennent la force de coercition physique. La nouvelle conception de l'armée est ainsi conditionnée par celle de l'Etat-nation, ce qui induit qu'il n'y a d'armée que là où il y a un Etat.
Dans cette perspective et relevant de l'Etat, les armées sont l'outil de la «violence légitime».
Cette première définition permet de distinguer l'armée de toutes les autres formes d'organisation armée, telles que les milices, les forces de police, les bandes armées et le mercenariat. L'idée d'une conception instrumentale de l'armée remonte déjà à Clausewitz, qui a avancé pour la première fois la primauté du politique sur le militaire dans la conduite de la guerre. Dans son ouvrage magistral, De la guerre, Clausewitz a posé clairement que le pouvoir politique fixait les objectifs politiques et que les militaires devaient rester subordonnés à la réalisation de ces objectifs.
La pensée militaire devenait un domaine autonome avec une logique et une méthode propres, il était alors possible de discuter des problèmes militaires sur une base scientifique, marquant ainsi la naissance de la pensée stratégique. Sur le plan militaire, compte tenu de l'ampleur et de la complexité croissante des conflits, aucun souverain ne pouvait plus assurer personnellement la conduite des opérations : celles-ci devaient incomber à un commandant en chef professionnel qui devait pouvoir s'appuyer sur une structure adéquate à son entière disposition.
C'est aussi la période au cours de laquelle se constitue la fonction d'état-major dans les armées. L'émergence des Etats-nations et l'avènement progressif de la démocratie ont par la suite complètement remodelé la nature des forces armées, avec l'apparition d'un corps d'officiers professionnels, recrutés selon leur mérite personnel. L'émergence d'institutions professionnelles au XIXe siècle, relatives au recrutement et à l'éducation initiale de l'officier et à l'élaboration d'exigences en matière d'éducation et de sélection, fut mise en place pour s'assurer des compétences de base de l'officier.
Ce premier constat indique que le problème du contrôle politique des détenteurs de la force de coercition, à savoir les militaires, ne se pose qu'à partir du moment où existe une force armée constituée, et qu'elle soit définie au sens instrumental du terme. C'est ainsi que la nature et les formes d'interactions entre le pouvoir politique et l'institution militaire, que ce soit en temps de paix ou en temps de guerre, ont commencé à faire l'objet d'études systématiques et seront érigées plus tard en une discipline académique autonome (CMR), après la Deuxième Guerre mondiale.
L'approche théorique des relations civilo-militaires
La théorie des relations civilo-militaires émerge alors avec les travaux de Huntington, Janowitz et S. E. Finer. C'est dans ce contexte particulier qu'apparaît l'œuvre de S. P. Huntington, The Soldier and the State, publié en 1957, et qui donne une première réponse à cette apparente contradiction entre les valeurs qui fondent une démocratie et la montée en puissance des militaires en son sein. Même s'il aborde de manière plus générale les conditions d'élaboration de la politique de sécurité nationale d'un Etat, Huntington s'intéresse tout particulièrement à la dimension institutionnelle de celle-ci, c'est-à-dire aux mesures concernant la définition des rapports entre l'armée et l'Etat et l'élaboration des choix faits en matière de défense.
Huntington souligne que la sécurité nationale d'un Etat est institutionnellement soumise à deux impératifs, l'un d'ordre fonctionnel, découlant de la nécessité de s'adapter aux menaces qui pèsent sur le pays, et l'autre d'ordre sociétal, qui émane des groupes sociaux, des idéologies et des institutions qui composent la société.
L'émergence d'un corps d'officiers professionnels, définis par la spécificité de leurs compétences en tant qu'experts du management de la violence, par le sens de la responsabilité d'assurer la sécurité de la nation, et par l'esprit de corps qui les anime, constitue pour Huntington la meilleure garantie de la soumission des militaires aux décisions des autorités civiles et de la stabilité du système politique en général.
En adoptant une approche sociologique du problème, Morris Janowitz conteste l'hégémonie du militaire professionnel évoqué par Huntington. En prenant pour exemple l'armée américaine, il montre, en effet, que deux types idéaux d'officiers cohabitent en son sein : le type du «leader héroïque», défini sur la base des valeurs traditionnelles de courage physique et d'honneur, et le type de «l'officier manager», qui se caractérise plutôt par ses compétences technologiques ou organisationnelles.
Concernant la spécificité des relations entre civils et militaires dans les nouvelles nations, M. Janowitz insiste d'abord sur l'idée que l'implication particulière des militaires dans les changements économiques, politiques et sociaux de ces pays ne peut pas être appréhendée à partir des catégories traditionnelles, principalement forgées pour rendre compte de contextes occidentaux. Une autre critique de l'approche de Huntington est formulée par S. E Finer, qui pose à nouveau la question du rôle politique des militaires à la lumière de la multiplication des coups d'Etat militaires en Amérique latine, en Afrique et en Asie.
La véritable question en la matière n'est pas selon lui de savoir pourquoi les militaires sont susceptibles d'intervenir en politique ou de s'opposer à un gouvernement civil, mais plutôt de comprendre pourquoi ils n'interviennent pas plus souvent et comment le gouvernement civil réussit-il à rester la règle plutôt que l'exception dans les systèmes politiques contemporains.
Depuis le début des années 1990, les profonds changements qui sont intervenus en Europe centrale et orientale avec la fin de la guerre froide ont eu un impact profond sur les relations entre hiérarchie militaire et gouvernements civils, concernant la transition démocratique et la réforme du secteur de la défense et de la sécurité. Albert Legault note qu'il n'existe pas ici de théorie générale. Toute tentative de transfert de normes concernant la suprématie du pouvoir civil sur le militaire se doit de considérer une panoplie de variables propres à chaque pays.
Les relations civilo-militaires en Algérie
La subordination théorique du militaire au politique a été consacrée pour la première fois avec la tenue du Congrès de la Soummam, en août 1956. L'armée occupe une place singulièrement importante – souvent qualifiée d'hégémonique – dans l'appareil d'Etat algérien, qui prend racine dans la lutte armée pour l'indépendance ; le fait est incontestable et qui distingue l'Algérie des autres pays arabes, que c'est bel et bien l'Armée de libération nationale (ALN) qui crée le premier Etat-nation de son histoire moderne.
Mustapha Benchenane constate à ce propos : «Dans ce contexte, il est impensable de séparer arbitrairement le politique du militaire. Les Wilayas s'occupaient de la lutte armée mais aussi de la formation politique, de l'action sanitaire et sociale, ainsi que de l'administration et de la justice dans les zones libérées. La primauté du politique sur le militaire doit donc être interprétée dans ce contexte : elle veut dire que tout le monde doit aborder les problèmes militaires en fonction des objectifs politiques poursuivis.»
A partir de 1947, le PPA-MTLD se fixe comme priorité la création de structures paramilitaires, comme l'Organisation spéciale (OS), qui a préfiguré l'Armée de libération nationale (ALN).
L'Organisation spéciale (OS), branche paramilitaire du PPA-MTLD, créée en 1947 pour préparer une insurrection à l'échelle nationale, avait œuvré à la constitution des premières cellules militaires armées au sein des militants du MTLD, en ouvrant la voie à la mobilisation sous certaines conditions. Elle s'était dotée d'un état-major et d'une organisation militaire et avait élaboré un programme de formation militaire destiné exclusivement aux chefs. La dynamique née de l'OS impose alors l'armée comme incarnation de la nation et comme source de pouvoir, faisant ainsi du chef de l'armée le chef politique virtuel.
L'ALN restera cependant marquée par les traits des militants de l'OS : esprit de sacrifice, attirance pour la clandestinité et le secret, dédain pour le discours et l'action politiques. Après l'indépendance, l'armée continuera à cultiver ces traits qu'elle inculquera aux jeunes officiers à qui on apprend implicitement la primauté de l'armée sur la société et l'Etat et que ce dernier ne se construit pas à partir de la société, avec ses différentes composantes, mais à partir de l'armée.
Pour le militaire algérien des années 60', le multipartisme, les élections et la démocratie ne sont qu'un subterfuge de politiciens pour maintenir l'injustice sociale et pour exploiter la crédulité du peuple. La preuve en est que si le peuple avait compté sur les partis et les élections, l'insurrection de Novembre 1954 n'aurait pas été déclenchée et l'Algérie ne serait pas indépendante. Cette perspective éclaire la conquête brutale du pouvoir, en juillet-août 1962, par l'état-major de l'ALN et la mise à l'écart du GPRA.
Le processus d'institutionnalisation du rôle de l'ANP
Selon Alain Rouquié, «l'institutionnalisation de la tutelle militaire indique principalement le processus par lequel le pouvoir militaire se coule purement et simplement dans l'ordonnancement constitutionnel et l'utilise à son profit pour légitimer ses ingérences directes ou indirectes dans la vie politique».
Le préambule de la Constitution du 10 septembre 1963 dispose : «L'Armée Nationale Populaire, hier Armée de Libération Nationale, a été le fer de lance de la lutte au service du pays. Elle participe, dans le cadre du Parti, aux activités politiques et à l'édification des nouvelles structures économiques et sociales du pays.»
Reprenant la même affirmation, la Charte nationale de juin 1976 précisera : «Héritière de l'ALN, l'ANP en a revêtu le caractère profond et constitue à ce titre le bouclier de l'Etat socialiste». «Elle constitue un élément moteur dans l'avancée de la révolution et l'édification du socialisme. Elle est associée dans tous les domaines à la construction de la société nouvelle.»
Les Constitutions de 1963 et de 1976 tireront les conséquences de ces affirmations de principe en disposant l'une : «Elle (l'ANP) assure la défense du territoire de la République et participe aux activités politiques, économiques et sociales du pays dans le cadre du Parti», et l'autre : «Instrument de la révolution, participe au développement du pays et à l'édification du socialisme».
Si la première grande réforme apportée par la Constitution algérienne de février 1989 a été incontestablement la désinstitutionnalisation du parti unique, le FLN et le passage de l'économie dirigée à l'économie de marché, la seconde fut très certainement la redéfinition du rôle de l'armée nationale, l'ANP, avec le retrait du haut commandement du comité central du FLN et la désignation de Khaled Nezar au poste de ministre de la Défense nationale. Alors que les Constitutions précédentes de 1963 et 1976 lui accordaient un rôle éminemment politique, et en faisaient un «instrument de la révolution», la Constitution de 1989 revient à une définition beaucoup plus traditionnelle et républicaine de ses missions en la cantonnant à sa fonction de défense nationale. Cette évolution se mesure aussi par l'importance accordée dans les textes fondamentaux à l'ANP.
Alors que celle-ci était mentionnée dans les préambules des Constitutions de 1963 et de 1976, qu'elle faisait l'objet d'un chapitre VI dans la Constitution de 1976, d'un titre IV dans la Charte nationale de 1976, elle ne fait l'objet que d'un seul article 24 dans la Constitution du 23 février 1989.
En effet, de février 1989 à juillet 1991, si l'armée n'est plus «politique», elle n'en sera pas amenée à retourner dans la rue pour faire «volens nolens» de la politique. Ce qui ne manqua pas d'entraîner une série de conséquences qui pourront aller de la crainte de voir l'armée réinstaller le FLN au pouvoir, jusqu'à l'idée que celle-ci (l'ANP) pourrait devenir, à la manière turque, en l'absence d'une culture politique consensuelle, le socle sur lequel reposerait l'édifice constitutionnel.
C'est le retour de l'armée sur la scène politique en janvier 1992 – l'Etat républicain paraissant menacé dans ses fondements mêmes par l'intégrisme islamiste armé, le processus électoral est interrompu – qui a de nouveau brouillé le rapport entre le politique et le militaire. Néanmoins, comme le précise l'ancien ministre de la Défense, ce retrait de l'armée était à l'origine loin d'équivaloir à la neutralité au sens passif du terme, dans la mesure où les problèmes engageant le destin de la nation la concernent au premier chef : «L'ANP s'interdit toute immixtion dans les fonctions dévolues aux autres autorités politiques, elle n'est ni réticente, ni opposée aux réformes politiques en cours ; elle souhaite que les élections se déroulent dans le calme et la paix, sans aucune atteinte aux droits des citoyens.
Elle se tient prête à répondre à toute éventualité puisque la défense de la Nation, confiée par la Constitution à l'ANP, implique pour elle qu'elle soit en mesure de faire échec aux dangers provenant soit de l'extérieur, soit de l'intérieur. L'armée est prête à mettre fin aux dépassements pouvant présenter un danger pour l'unité nationale. Nous interviendrons sans hésitation pour rétablir l'ordre. L'ANP est déterminée à garantir le processus démocratique.» Le sociologue Boukra lyess, à propos de la transition démocratique en Algérie, souligne : «En effet, ce n'est pas à l'armée de quitter le champ politique ; c'est le champ politique qui doit être restructuré de façon à ce qu'il n'y ait plus de place pour une intervention de l'armée.
Cette transformation qualitative qu'impose la démocratie n'est possible qu'à deux conditions : premièrement, la naissance d'un champ politique où le règlement des conflits ne se fait plus par la violence ; deuxièmement, la naissance d'un champ politique où le caractère républicain, la démocratie, le pluralisme politique, l'alternance au pouvoir et le respect des libertés individuelles ne peuvent être remis en cause. A son tour, la réalisation de ces deux conditions passe par l'émergence d'une nouvelle élite politique.»
Méthodologie d'approche des relations civilo-militaires
L'expérience récente des pays d'Europe centrale et orientale, avec des résultats variables enregistrés d'un pays à l'autre en fonction de contextes historiques et sociaux différents, montre qu'il n'existe pas de modèle de référence des relations civilo-militaires. Cependant, on peut dégager des dénominateurs communs considérés comme essentiels par de nombreux experts. Concernant l'Algérie et dans le cadre de la restructuration de sa politique de défense et de sécurité nationale, on pourrait dès lors prendre en considération une approche méthodologique constituée des éléments suivants :
– Premièrement, une structure législative et constitutionnelle définissant clairement les responsabilités des uns et des autres, et un équilibre de pouvoirs approprié entre les différentes institutions nationales.
– Deuxièmement, un ministère de la Défense et un appareil militaire soumis à un contrôle civil clairement établi grâce à la présence de fonctionnaires civils à des postes influents.
– Troisièmement, une surveillance de la politique et des dépenses de sécurité exercée non pas à la légère, mais très minutieusement par le Parlement.
– Quatrièmement, un processus de prise de décision assez transparent pour permettre une vérification publique approfondie des affaires de défense. Il est normal que certains programmes de défense exigent une part de confidentialité, mais celle-ci ne doit pas dépasser le strict minimum et surtout ne doit en aucun cas nuire à la responsabilité démocratique.
– Cinquièmement, un débat national bien documenté sur la sécurité, auquel participent notamment des experts du gouvernement, des représentants de la formation médias, des partis politiques, de même que des conseillers et des évaluateurs indépendants accrédités auprès d'instituts de recherche. Une fois ces conditions réunies, les militaires disposent des éléments nécessaires pour jouer le rôle qui leur incombe dans une société démocratique ; par ailleurs, des forces armées solidement ancrées dans une telle société constituent une barrière contre le risque de militarisation du gouvernement, où pourraient couver des ambitions nationalistes ou même personnelles.
La convergence de la formation des élites civiles et militaires
La transformation radicale de la nature de l'activité militaire, l'interdépendance des dimensions économique, diplomatique, juridique et militaire militent en faveur d'une culture stratégique commune. Pour atteindre cet objectif, il faudra faire converger les formations délivrées aux élites dirigeantes civiles et militaires. Sans pour autant nier les spécificités de domaine d'activité, cette convergence conditionnera la qualité du dialogue, favorisera le croisement des compétences et rendra plus efficace l'action collective.
La complexité de l'environnement international de la sécurité et de la défense exige de doter les futurs cadres de l'armée d'une vaste culture générale, qui leur confère une réelle aptitude critique. Cette formation générale qui représente environ 30% du programme global des grandes écoles militaires consiste en :
– Intégrer les valeurs de la société au sein des forces armées et de diffuser les valeurs propres de l'armée dans la société.
– Développer la personnalité de l'officier grâce à une formation multidisciplinaire et intégrée dans les domaines académique, militaire, caractériel et déontologique.
– Apprendre à opérer dans un cadre multinational et multiarmées.
Perspectives
On assiste donc à une mutation en profondeur de la place et du rôle de l'ANP qui, du pilier central et inamovible de l'appareil d'Etat, se recentrerait, à l'instar de ce qui se passe dans les pays démocratiques, à sa mission initiale de défense du territoire et des intérêts stratégiques nationaux.
Pour autant, l'image communément répandue faisant jusqu'à présent des militaires les véritables détenteurs du pouvoir ne correspond pas à une réalité beaucoup plus complexe mais aussi évolutive, où le contexte local, dans ses dimensions politiques et historiques, influe fortement sur la nature et l'intensité de cette place et ce rôle. D'un point de vue normatif, théorique et universel, la transition démocratique exige, nécessairement, une réforme militaire.
La réforme du secteur de la défense et de la sécurité devrait s'intégrer dans un processus global de démocratisation touchant également la réforme politique et la réforme économique.
La démocratie ne peut être ni décrétée, ni imposée par la force de l'extérieur : elle doit naître de l'intérieur. La dynamique des rapports politiques internes demeure déterminante pour toute démocratisation.
En dépit de sa faiblesse, la société civile en s'autonomisant davantage est appelée à jouer un rôle déterminant avec d'autres acteurs politiques, dans la démocratie naissante de l'Etat algérien.
Le régime politique algérien peut suivre avec un décalage et des variantes culturelles propres certaines phases de la transition démocratique des pays de l'Europe du sud et de l'Amérique latine.
Les militaires chiliens et argentins ont su passer des pactes de compromis avec les partis démocratiques de leur pays, qui ont permis le retour au pouvoir de partis en s'appuyant sur le suffrage universel avec une garantie de l'immunité pour les forces armées.
Si elle garde toute sa spécificité, l'institution militaire ne peut plus être appréhendée désormais comme un ensemble fermé et isolé de la société. Situer le modèle des relations civilo-miltaires en Algérie par rapport aux modèles occidentaux traditionnels se révèle très délicat en cette période de transition démocratique caractérisée par la faiblesse des institutions civiles. C'est donc bien l'évolution des rapports entre différents groupes socioprofessionnels (militaires, société civile, partis politiques, médias) qui constituera la transformation significative des relations civilo-miltaires en Algérie.
C'est ce que souligne le sociologue algérien Boukraa Lyes : «L'armée algérienne d'aujourd'hui n'a rien à voir avec celle des années 80' et du début des années 90'. L'ANP a beaucoup changé : par les méthodes de recrutement, par le niveau scientifique et intellectuel de ses cadres, par les relations structurelles entre les grades, les fonctions et les compétences l'armée a manifesté aussi une grande ouverture sur la société. Les gens n'ont pas voulu voir arriver à des postes stratégiques de jeunes généraux issus de l'ANP, pas de l'ALN. Et ces jeunes généraux doivent tout à leurs compétences. C'est aussi une armée qui se modernise de plus en plus, et qui a rompu avec l'esprit communautaire et corporatiste.»
L'évolution des relations civilo-militaires sera vraisemblablement déterminée par les facteurs suivants :
– La stratégie de communication institutionnelle pour consolider les liens avec la société par l'organisation de débats au Parlement au niveau des deux Chambres sur les questions relatives aux questions de défense et de sécurité nationale.
– Formation d'experts civils dans les domaines stratégiques et de défense au niveau de l'Ecole supérieure de guerre.
– Changement structurel dû à la montée de la proportion de femmes militaires : ainsi, la féminisation des armées a été favorisée par la conjonction de divers facteurs internes et externes à l'institution militaire.
– Banalisation du métier des armes à travers la conformité de l'institution militaire aux règles de fonctionnement des grandes organisations civiles.
– L'augmentation du nombre de fonctionnaires civils dans les structures du ministère de la Défense nationale. Quatre critères, caractérisant l'ANP, paraissent à l'analyse déterminants dans cette faculté à exercer son libre arbitre :
– La nature de sa relation avec le pouvoir politique.
– Son implication dans la vie économique de l'Etat ; cette implication dépend de l'importance du secteur militaro-industriel et de la part de la défense dans le PIB national.
– Son niveau d'éducation.
– Son ouverture aux armées étrangères.
Il est notable que dans les dernières années, la réponse des sciences sociales sur ce point a évolué : on est passé d'une analyse de l'armée comme institution «totale, close et relativement isolée, caractérisée par une culture propre et un contrôle total sur la vie de ses membres, à des analyses tentant de mesurer le degré de convergence/divergence de institution militaire avec le reste de la société.
La séparation du politique et du militaire est aussi conditionnée par celle du religieux et du politique. Cette problématique est intimement liée à la relation particulière et historique qu'entretient l'ANP avec la construction nationale et l'institution étatique. En revanche, le retrait de l'ANP en tant que groupe social hégémonique apparaît irréversible, tout en restant un élément central et non exclusif de l'Etat algérien. Ceci est dicté aussi bien par des facteurs internes que par le contexte géopolitique externe.
Ainsi, l'actualité immédiate fait de l'ANP la garante et l'accompagnatrice du long processus de transition démocratique pour le sécuriser, le fortifier et le conduire jusqu'à son terme, dans la paix et la stabilité. Dans le cadre constitutionnel, l'ANP en a les valeurs, la mission, l'organisation et les moyens. C'est tout le sens donné au mot d'ordre du hirak : «Djeich, Chaab ! Khaoua, Khaoua».


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