Algérie-Canada: perspectives prometteuses pour le renforcement du partenariat économique dans l'énergie et les mines    Attaf reçoit un appel téléphonique de son homologue indien    France : le parti LFI exige le départ du ministre Bruno Retailleau    Gymnastique/Coupe du Monde-2025: Kaylia Nemour brille une nouvelle fois, avec deux médailles d'or et une d'argent en Egypte    Le rôle de la zaouïa Reggania dans l'ancrage des valeurs d'unification et de tolérance souligné à Adrar    Coupure de courant en Espagne et dans d'autres pays européens : aucune interruption du service Internet en Algérie    Décès de l'ancien journaliste à l'APS Djamel Boudaa: le ministre de la Communication présente ses condoléances    APN: M. Boughali se réunit avec les présidents des groupes parlementaires    Changer l'approche de la gestion des structures des jeunes pour les rendre plus attractives    Merad salue les efforts des services de la Protection civile    Hadj 1446/2025 : Belmehdi appelle à intensifier les efforts pour une saison réussie    Une délégation ministérielle qatarie en visite à l'USTHB    Ligue 1 Mobilis/USMA-ASO: les "Rouge et Noir" sommés de réagir    CHAN2025/Algérie-Gambie: les Verts poursuivent leur stage à Sidi Moussa    Ghardaïa: 5 morts et 14 blessés dans un accident de circulation près de Mansoura    Conseil de sécurité: débat ouvert trimestriel sur le Moyen-Orient, y compris la question palestinienne    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Le CS Constantine ne peut s'en vouloir qu'à lui-même    L'USMH conserve la tête, l'IRBO relégué en Inter-Régions    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Premier festival de la cuisine halal    La DSP et les gestionnaires des EPH joignent leurs efforts pour une prise en charge des patients    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Présentation à Alger des projets associatifs subventionnés par le ministère de la Culture et des Arts    Constantine commémore le 64e anniversaire de la mort en martyr de Messaoud Boudjeriou    Saâdaoui annonce la propulsion de trois nouvelles plate-formes électroniques    Les renégats du Hirak de la discorde    Mise au point des actions entreprises    Ça se complique au sommet et ça éternue à la base !    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    Sept produits contenant du porc illégalement certifiés halal    Se présenter aux élections ne se limite pas aux chefs de parti    Un art ancestral transmis à travers les générations    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mohamed Gouali. Expert en finances : «Total s'implique implicitement dans une position hostile à l'égard de Sonatrach»
Publié dans El Watan le 02 - 06 - 2019

La major américaine Occidental Petrolieum va racheter Anadarko qui possède des actifs très importants en Algérie (opérateur des blocks 404a et 208) avec une participation de 24,5% dans le bassin de Berkine (champs de Hassi Berkine, Ourhoud et El Merk) dans lesquels Total détient déjà 12,25%. En 2018, la production de ces champs a été de 320 kbep/j de pétrole. Mais Total annonce avoir signé un accord engageant avec Occidental en vue de l'acquisition des actifs d'Anadarko en Afrique (Algérie, Ghana, Mozambique et Afrique du Sud) pour un montant de 8,8 milliards de dollars, dans l'éventualité d'un succès de l'offre en cours d'Occidental pour le rachat d'Anadarko. Quels sont, selon vous, les enjeux de cette acquisition ?
Ce qui se passe entre Anadarko, Occidental, Total, et… Sonatrach est très commun dans le monde des fusions-acquisitions. Je voudrais d'abord synthétiser le problème pour que vos lecteurs prennent l'exacte mesure de ce qui se passe et l'impact de cette transaction sur Sonatrach, c'est-à-dire sur l'Algérie. Les actionnaires d'Anadarko ont voulu se désengager de cette entreprise et ont choisi l'option de vente à une tierce partie.
Cela arrive couramment. Après avoir annulé les négociations avec Chevron (au prix fort), le management a trouvé un accord avec le groupe Occidental. Occidental rachète Anadarko car elle veut compenser la faible production de ses sites en prenant la décision de se renforcer dans les zones géographiques où elle est déjà présente : USA (avec en particulier l'un des plus importants sites de production de pétrole de schiste au Texas), Amérique latine, et pays du Moyen-Orient : Oman, Qatar, Emirats arabes unis pour l'essentiel.
Anadarko, quant à elle, a une relative bonne présence aux USA, dans le Golfe du Mexique, en Amérique du Sud et en Afrique (Algérie, Ghana, Mozambique). Elle offre donc de bonnes synergies avec Occidental, sauf pour la zone Afrique qui ne fait pas partie de son scope. Par conséquent, il est tout à fait normal qu'Occidental choisisse de désinvestir en Afrique (corollairement, cela lui permet d'utiliser l'argent ce cette vente pour réduire ses dettes).
Les synergies géographiques sont donc un facteur structurant de cette transaction. Elles le sont aussi pour Total qui, a contrario, a une présence très forte dans nombre de pays africains et en particulier en Algérie. Pour Total, la cession des parts d'Anadarko dans le Groupement Berkine l'associant à Sonatrach est une formidable opportunité pour devenir la première société étrangère opérant dans le Sahara algérien, aussi bien dans l'amont que dans l'aval, et dominer du fait de sa puissance financière et technologique la société nationale. Ce qu'elle n'a pu réaliser auparavant du fait de la diversification partenariale opérée par Sonatrach depuis les années 1970.
L'enjeu est donc éminemment stratégique.
En voulant capter les parts d'Anadarko qui viendront s'ajouter à ses 12,5% et cumulés à tous les projets qu'il a acquis en Algérie, Total s'implique implicitement dans une position hostile à l'égard de Sonatrach, et qui aura in fine des répercussions préjudiciables, stratégiquement et même politiquement, sur l'Algérie.
Faut-il rappeler que des dizaines de trillions de dollars et des millions de victimes ont résulté des guerres d'Irak, de Syrie, et de Libye dont l'objectif principal est l'accaparement de leurs ressources énergétiques. Pour l'Algérie, cette transaction sera d'autant plus maligne qu'il n'existe pas de réciprocité en la matière qui aurait permis à Sonatrach par exemple d'acquérir des actifs stratégiques de Total en France ou ailleurs. C'est donc un jeu à somme nulle. Un Total gagnant implique une Sonatrach perdante.
Le ministre algérien de l'Energie a annoncé que l'Algérie va faire valoir le droit de préemption et s'opposer à cette transaction avant de se raviser et parler plus de compromis. Quelle est la marge de manœuvre de l'Algérie dans cette affaire ? Comment ce ministre peut-il parler de compromis alors qu'il n'est même pas assis à la table de négociations ?
Il semble avoir réagi instinctivement alors que le premier dossier qu'il aurait dû étudier est le fait qu'Anadarko avait des velléités de vente et avait reçu une offre d'achat de Chevron depuis le début avril. Il me semble qu'il n'y a pas eu d'anticipation de Sonatrach sur cette affaire.
Fondamentalement, il n'est pas aisé de répondre à votre question sur la marge de manœuvre de l'Algérie sans avoir lu précisément les termes contractuels entre Sonatrach et Anadarko concernant ce point. Si c'est un «Right Of First Offer», cela veut dire qu'Anadarko doit obligatoirement et en bonne foi proposer à Sonatrach l'achat de ses actions, avant de s'adresser à une tierce partie (Total en l'occurrence).
Si c'est un «Right Of First Refusal», cela signifie qu'Anadarko se doit (mais n'est pas obligée de le faire) de proposer ses actions à Sonatrach après avoir reçu une offre de Total. Charge ensuite pour Sonatrach de s'aligner sur l'offre de Total. Par conséquent, vous voyez que de la structure de la clause dépend l'issue finale.
Ce qui importe de noter, c'est que quel que soit le schéma, Sonatrach est théoriquement prioritaire dans l'acquisition des actions d'Anadarko. Elle l'est soit en négociant un prix qui convient à Anadarko, dans le premier cas, soit en s'alignant sur l'offre de Total. Sonatrach reste quand même maîtresse du jeu si la clause contractuelle a été rédigée dans le sens que j'ai expliqué. Cela expliquerait en partie la réaction prudente et diplomatique de Total aux premiers propos du ministre algérien.
Le patron de Total était jeudi dernier en Algérie ou il a été reçu par le ministre de l'Energie. Quels sont, selon vous, les compromis possibles permis par le droit international ?
Je voudrais d'abord souligner qu'en fait, tout dépendra de la volonté du gouvernement. Veut-il asseoir l'avenir stratégique du pays sur des actifs réels et défendre les intérêts à long terme de l'Algérie, ou veut-il négocier la stabilité du système et éviter de contrarier ses interlocuteurs et leur gouvernement, en se contentant de bénéfices à court terme, comme cela a été fait durant les vingt dernières années ?
Quant aux négociations entre les parties algérienne et française, il y a à mon sens trois scénarios essentiels qui pourraient être discutés et à partir desquels peuvent se développer différentes variantes. Le premier scénario revient, comme je l'ai développé précédemment, à voir Sonatrach exercer son droit à racheter prioritairement les actions d'Anadarko et prendre en charge directement et solidairement le Groupement Berkine.
Le second scénario verrait une Algérie et une Sonatrach volontaires, et stratèges. Cela voudra dire que Sonatrach viendrait renchérir sur l'offre de 8,8 milliards de dollars de Total pour acquérir les sites du Mozambique, du Ghana, et d'Afrique du Sud.
Cela donnera une dimension continentale à Sonatrach et c'est bien un légitime objectif que d'être un leader sur son propre continent. Cela est d'autant plus faisable que ces pays ont toujours eu une relation historique amicale et fraternelle avec notre pays. Mais cela suppose des dirigeants une autorité de tutelle et un gouvernement visionnaires, stratèges et bien préparés pour saisir cette opportunité.
Le troisième scénario consiste à réaliser un partage équitable entre Total et Sonatrach des actions d'Anadarko tout en veillant à maintenir inchangée la part globale de Total en Algérie.
Ceci revient à dire qu'éventuellement Total devra se désengager et renoncer, au prorata, à ses autres projets en Algérie. C'est une transaction gagnant-gagnant qui aura un double effet : ne pas créer de rupture hostile dans le positionnement stratégique de Total en Algérie, et consolider un climat de confiance en dehors de tout calcul suspicieux dans un pays où le peuple cherche à changer les fondations d'un système politique connu pour être notoirement incompétent et corrompu.
Et ce changement peut aller jusqu'à remettre en cause les engagements politiques, économiques et culturels pris par un gouvernement déclaré illégitime par la volonté populaire.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.