Finances : M. Faid s'entretient à Washington avec la présidente de la Nouvelle Banque de Développement    Comité monétaire et financier international: M. Taleb plaide pour le soutien des pays à faibles revenus et l'allégement de leur dette    M. Boughali à Mascate pour une visite officielle au Sultanat d'Oman    L'ambassadeur de l'Etat de Palestine salue "le rôle de chef de file" de l'Algérie au Conseil de sécurité    Palestine occupée: la condamnation européenne de la violence des colons, "un pas dans la bonne direction"    Gymnastique artistique / Coupe du monde 2024 (4e étape-Doha) : l'Algérienne Kaylia Nemour en or aux barres asymétriques    Les SMA organisent une rencontre sur le développement environnemental    Le premier salon dentaire du 25 au 27 avril au Centre des conventions d'Oran    Rapprocher la recherche scientifique du marché    Un ouvrage prémonitoire du Hirak 2019    A quand la fin du calvaire ?    L'Algérie : « Nous reviendrons ! »    Entre le marteau et l'enclume    Le Moyen-Orient au bord du «précipice» d'un «conflit généralisé»    Le Président-directeur général du quotidien «El Djoumhouria» relevé de ses fonctions    Le montant des factures impayées est de 247 millions de centimes    Les huit axes directeurs des réformes politiques et économiques    Ouverture de la première session de l'APW de l'année 2024    Vaste opération de nettoyage des plages    Une personne sauvée d'une mort certaine du monoxyde de carbone à Achaacha    Football : le sélectionneur national assiste à une partie de l'entraînement du CSC    Coupe d'Algérie 2023-2024 (demi-finales) : MC Alger-CS Constantine à huis clos    Faut-il aller vers des matchs à huis-clos ?    Distinction des lauréats de la deuxième édition    Une 2e édition sous le thème « DSIGN pour un monde réel »    Sous le thème « Patrimoine culturel et gestion des risques »    Tamanrasset : Belmehdi appelle à renforcer les contacts avec les anciens élèves des zaouïas    Ligue 2 amateur : l'O Akbou cale à Batna, statu quo dans la lutte pour le maintien    Présidentielle : le mouvement El-Bina organise une conférence pour expliquer son plan de communication digitale    Création d'une nouvelle coalition politique    Participation de plus de 25 troupes à la 16e édition du Festival national culturel d'Ahellil à Timimoun    Présidence palestinienne: Le veto américain est "immoral et contraire à la volonté internationale"    Championnat d'Afrique des clubs de Handball: "Les infrastructures aux critères internationales ont motivé le choix d'Oran pour accueillir la compétition"    UNESCO: l'Algérie présentera le dossier du zellige pour son inscription sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l'humanité    Mois du patrimoine : un concours national pour le meilleur projet architectural alliant tradition et modernité    Ouverture du 1er séminaire sur "Les tribunaux de commerce spécialisés"        Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'ORDRE INTERNATIONAL OU CE MECANISME DE DOMINATION PERVERSE DES PEUPLES ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    El Tarf: Des agriculteurs demandent l'aménagement de pistes    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    L'évanescence de la paix    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Douzième anniversaire de la disparition tragique de Lounès Matoub : « Che » de Thaourirth Moussa immortel dans le cœur des jeunes
Publié dans El Watan le 24 - 06 - 2010

Nous commémorons, ce 25 juin, le douzième anniversaire de l'assassinat de Lounès Matoub. Un « pèlerinage » sur les traces du chanteur martyr montre combien est belle sa postérité. Des visiteurs continuent d'affluer par milliers d'un peu partout pour se ressourcer dans sa maison. Les jeunes restent très sensibles à sa parole, si bien que Lounès Matoub demeure en tête des ventes chez les disquaires. La Fondation Matoub lutte avec peu de moyens pour protéger son œuvre et perpétuer sa mémoire. Elle continue à exiger avec force la vérité sur les circonstances de sa liquidation physique.
Béni Douala (Tizi Ouzou). De notre envoyé spécial
Samedi 19 juin 2010. 45e anniversaire du (triste) coup d'Etat de Boumediène. Une voix domine toutes les autres dans le brouhaha du centre-ville de Tizi Ouzou. Non, ce n'est pas celle de Matoub, c'est plutôt celle de… Hafid Derradji, dont la voix nerveuse commente en boucle le match héroïque de notre chère équipe nationale face à l'Angleterre. Eh bien, les diablotins numériques du bâtiment bleu et autres cités populaires avaient déjà eu la bonne idée de pirater le match d'Al Jazeera Sport, le graver sur CD et le revendre 100 DA pièce ! Comme partout en Algérie, les mêmes images de fête célèbrent l'exploit de l'EN. Des jeunes débattent des astuces de coloration des cheveux, inspirés sans doute par le nouveau look des Ziani, Chaouchi et Yebda. D'autres se pavanent avec le maillot des Verts, et un peu partout, des vendeurs proposent t-shirts et autres produits dérivés aux couleurs nationales. L'avenue principale ainsi que les trottoirs attenant à la mythique cité des Genêts sont envahis par une faune de tréteaux, transformant la ville de Tizi en un immense bazar à ciel ouvert. Dans les cafés, les restos, les cybers, les salons de coiffure, un même sujet : la Coupe du monde. Des grappes de spectateurs sont ainsi agglutinés à longueur de journée autour d'un écran collectif pour suivre les joutes du Mondial. Ils ont tous le cœur rivé sur le prochain choc Algérie-USA.
Flingué en pleine coupe du monde
Lounès Matoub fut assassiné, rappelons-le, en pleine Coupe du monde 1998 (remportée par la France de Zizou contre le Brésil 3 buts à 0). C'était exactement le 25 juin, vers 13h30, alors que Matoub rentrait de Tizi Ouzou. Il venait de déjeuner au restaurant Le Concorde avec sa femme Nadia et ses deux belles-sœurs, Farida et Ouarda. D'ailleurs, ses trois accompagnatrices seront grièvement blessées. Les quatre passagers tomberont dans une embuscade meurtrière tendue à Tala Bouanane, à mi-chemin entre Tizi Ouzou et Beni Douala. Ils seront littéralement arrosés de balles. En se proposant de revenir un peu sur le parcours et l'héritage symbolique de Lounès Matoub, notamment auprès des jeunes, un pèlerinage à sa maison de Thaourith Moussa s'impose. Des portraits de l'artiste nous accueillent dès le village d'Ath Aïssi, à quelque 15 km de Tizi Ouzou. « Matoub Lounès : la voix de tout un peuple », peut-on lire sur l'un d'eux. On le voit de prime abord : dans le giron du Djurdjura, Matoub est l'icône absolue. La Kabylie est un pays dans un pays et Matoub est son prophète.Nous voilà enfin devant la maison du chanteur au mandole rugissant, celle qu'il érigea lui-même. Na Hamama, une vieille femme fort affable, nous souhaite la bienvenue. Nous apprenons d'emblée que ni Na Aldjiya, la mère de l'artiste, ni sa sœur Malika ne sont présentes. « Elles sont en France », indique un proche de Matoub qui lui ressemble d'ailleurs comme deux gouttes d'eau. « On ne sait pas trop pour le moment comment va se faire la commémoration », dit-il, perplexe. Malika Matoub, la présidente de la Fondation, est dans un état de santé assez critique, apprend-on. Nous lui souhaitons un prompt rétablissement. Sa mère a dû la rejoindre précipitamment. Na Hamama, la gardienne des lieux, nous invite gentiment à prendre nos aises. Dans un garage dont l'accès est protégé par une grille gît une Mercedes 310 criblée de balles. C'est la fameuse voiture du chantre qu'il conduisait au moment du guet-apens fatal. « Prière de ne pas toucher au véhicule. C'est une pièce à conviction », prévient une pancarte. L'image est troublante. Emotion. Frissons. Sur le capot est accolée une feuille énumérant les impacts de balles, 78 au total ! A l'extérieur, sur une esplanade, s'étale le tombeau de Matoub, taillé dans le marbre. Derrière l'imposante sépulture se dresse un mur tapissé d'une fresque de photographies à l'effigie des martyrs du Printemps noir.
Un « Berbère Pluriel »
Au rez-de-chaussée de la villa se trouvent les locaux de la Fondation Matoub. « La mission principale de la Fondation est de protéger l'œuvre artistique et politique de Matoub », explique Juba Laksi, secrétaire général de la Fondation Matoub (lire interview), avant de souligner : « Ce lieu est l'un des plus visités en Kabylie. Nous recevons en moyenne 150 visiteurs par jour. Les gens viennent pour se ressourcer et pour réclamer la vérité sur l'assassinat de Lounès. » Juba a tout juste 24 ans et déjà toute la fougue, la passion militante et la force de conviction de son idole. Il respire Matoub, parle avec ses « isefra », ses poèmes, ses chansons, cite ses discours de mémoire… Même la sonnerie de son téléphone portable se veut une mélodie de Matoub. Etudiant en psychologie, ce militant associatif a été propulsé il y a deux ans, âgé d'à peine 22 printemps, secrétaire général de la Fondation. Pour Juba, c'est la preuve du rajeunissement de l'association et surtout de la pérennité de l'héritage de Matoub en termes de transmission. « Nous comptons 156 membres. La moyenne d'âge au sein du bureau exécutif est d'à peine 30 ans », se félicite le fringant SG. Justement, un groupe de jeunes, entre filles et garçons, débarque. Ils scrutent avidement les nombreuses photos qui recouvrent les murs et qui fournissent au visiteur une biographie condensée de Matoub. Une bio en images, en somme. Une enseigne plantée au-dessus de l'encadrement d'une porte, on peut lire : « Bienvenue aux pèlerins chercheurs de la vérité ». Une famille est venue au complet spécialement de Ath Abbas, dans la wilaya de Béjaïa, pour visiter ce « mausolée laïc » qui dispute leur aura à moult sanctuaires maraboutiques. Juba reçoit ses hôtes dans le bureau de la Fondation où se trouve accrochée une photo qui attise particulièrement la curiosité des fans de Matoub : on y voit l'auteur d'Aghuru en compagnie de sa première femme, Djamila (car Matoub s'est marié trois fois, Nadia étant sa dernière épouse). Dans la discussion qui s'engage, un jeune homme pose d'emblée la question qui tue : « Où en est l'enquête ? » Il demande aussi s'il n'y avait pas quelques inédits de Matoub, quelques albums posthume en gestation. Juba se montre fort disponible. Il cite abondamment son maître à penser, agrémentant ses réponses de nombreuses citations et autres strophes empruntées à l'aède mythique. « Matoub a vécu son après-mort avant sa mort », lance-t-il à un moment donné avec philosophie. « Matoub est un berbère pluriel. Il a largement dépassé nos frontières. » Et de commenter : « Ce sont souvent les mêmes questions qui reviennent. Les gens veulent surtout connaître la suite de l'affaire Matoub. » Faisant sienne la boutade d'un militant berbériste, il résume : « Il y a deux vraies tribunes libres en Kabylie : l'auditorium de l'université de Hasnaoua et la maison de Matoub Lounès ! »
Numéro 1 des ventes
Une autre pancarte attire notre attention : « On a besoin de vos dons pour que la Fondation Lounès Matoub survive ». Juba développe : « Nous refusons toute subvention publique afin de préserver notre indépendance. Cela nous a valu des difficultés financières, à tel point que parfois nous peinons à payer la facture d'électricité. Heureusement que la présidente ainsi que Na Aldjiya sont là et aident à fond la Fondation. » En dehors de Thaourirth Moussa, l'œuvre de Matoub a à l'évidence autant de succès et d'audience. Mohand, 27 ans, transporteur à son compte sur la ligne Taourirth-Beni Douala, lance, catégorique : « Pour moi, Matoub est au-dessus du lot. » Dans sa voiture, c'est pourtant Lotfi Double Kanon qu'il écoute, symbole d'une jeunesse qui refuse la « ghettoïsation ». Kamel, 40 ans, disquaire à Beni Douala, raconte : « Moi, j'ai connu Matoub. Je travaillais à l'époque dans un café qu'il fréquentait beaucoup. Lounès était un sacré blagueur. C'était également quelqu'un de franc. Il n'avait peur de personne et disait ce qu'il pensait ». Dans sa petite boutique, Kamel a réservé un rayon entier aux CD de Lounès.
Matoub est resté numéro 1 des ventes. C'est une valeur sûre. Les jeunes, les moins jeunes, les femmes, les vieux, tout le monde écoute Matoub. En été, avec l'approche de la date de la commémoration de sa disparition, ça cartonne. C'est aussi le cas avec le rush des émigrés. » Y a-t-il une relève en vue ? « Non, il y a des jeunes qui arrivent comme Mohamed Allaoua qui fait un tabac aussi, ou quelqu'un comme Mourad Guerbas. Ils font de la chanson rythmée, des chansons de fêtes surtout. Aujourd'hui, Matoub a provoqué une crise d'identité au sein de la chanson kabyle. Il est bien difficile de le dépasser. Il faudra longtemps avant de dénicher un autre comme lui. » En septembre 2008, Malika Matoub nous avait aimablement reçus sans rendez-vous au siège de la Fondation. Nous évoquâmes avec elle, entre autres, l'idée de créer un musée Matoub Lounès et Malika Matoub d'insister sur la dimension universelle du chanteur véhément. Ainsi, loin d'être ce berbériste « chauvin » cloîtré dans sa culture, Matoub se révèle un artiste d'une immense sensibilité, un cœur généreux ouvert sur toutes les causes : « Lounès a beaucoup fait pour le rapprochement entre le chaâbi et la chanson kabyle, mais personne n'en parle », déplorait Malika, avant d'ajouter : « Matoub a défendu l'Algérie toute entière.
Les non-berbérophones ne connaissent pas le fond de son combat ni ses textes, hélas ! Ils n'ont que des clichés folkloriques en tête. Il fallait enfermer Matoub uniquement en Kabylie pour ne pas être entendu ailleurs. Or, Matoub, c'est la transition entre deux cultures, la musique arabo-andalouse et la musique berbère. Ceux qui écoutent Matoub vont plutôt écouter El Anka. » Cette dimension artistique, souvent reléguée au second plan, est tout de même au cœur de la vie de Matoub, suggérait sa sœur qui nous disait tout son désir « d'arracher cette mémoire aux politiques pour que Matoub retrouve sa véritable dimension. » « Il faut qu'on arrive à sortir du ghetto dans lequel ils nous ont enfermés. Pour moi, une chose est sûre : même si on ne connaîtra jamais les auteurs de son assassinat, je les empêcherai de s'emparer de sa mémoire ! »


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.