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Nathanel Amar. Chercheur en politique comparée Asie (Sciences po, Paris) : A Pékin, du passé comme des hutongs, faisons table rase
Publié dans El Watan le 02 - 07 - 2010

Comme de nombreuses villes en développement dans le monde, Pékin subit de violentes restructurations urbaines.
Les hutongs, composés de siheyuan (résidences à cour carrée) sont les habitations traditionnelles pékinoises, dont l'architecture vernaculaire a perduré jusqu'à aujourd'hui. Pouvez-vous retracer l'histoire de ces habitations jusqu'à la restructuration radicale que subit Pékin ?
Le terme de hutong renvoie aux ruelles traditionnelles de Pékin, étroites et dont l'architecture symbolise véritablement la spécificité de la capitale. Les hutongs sont d'ordinaire composés de siheyuan, des habitations formées autour d'une cour centrale censée protéger l'intimité des familles et offrir une protection sur le monde extérieur. Si les siheyuan du centre de Pékin ont longtemps étaient l'apanage des familles riches, une certaine mixité sociale s'est peu à peu imposée, notamment dans les quartiers proches de la muraille entourant la ville. L'action de Quatre générations sous un même toit, du célèbre romancier Lao She, se déroule entre les murs d'un siheyuan pékinois, où une famille de commerçants côtoie des intellectuels, des vendeurs de rue ou des tireurs de pousse-pousse. Avec l'arrivée au pouvoir des communistes en 1949, l'habitation est sortie de la sphère marchande pour être distribuée par le pouvoir aux travailleurs en fonction de leur unité de travail (danwei). Les ouvriers et prolétaires ont ainsi investi les siheyuan, les agrandissant au fil des naissances.
Avec l'enclenchement des réformes économiques à partir de 1979, l'habitation est redevenue progressivement un objet marchand, susceptible d'être échangée, vendue et achetée. C'est ainsi que les hutongs ont progressivement laissé la place aux grands buildings de l'est et du sud de Pékin, tandis que dans les quartiers historiques, destructions et réhabilitations contribuent à la spéculation immobilière. Déjà en 1990, le rockeur He Yong se plaignait dans une chanson des destructions qui touchaient le quartier de la Tour de la cloche et du tambour. Vingt ans plus tard, la dynamique est toujours à l'œuvre.
Le mois de juin 2010 a été marqué par le lancement de plusieurs chantiers dans ces quartiers. Existe-t-il une corrélation entre la libéralisation économique des années 1990 et l'extrême restructuration de la capitale chinoise ?
Depuis juin 2010, une partie des hutongs du quartier de la Tour du tambour, au nord de la Cité interdite, sont en train d'être détruits. Des chantiers impressionnants se mettent en place. Les réformes économiques qui ont marqué la vie des Chinois depuis les années 80 ont contribué à ces changements urbains : l'immobilier est devenu un objet de spéculation, en particulier dans le centre de Pékin où les terrains coûtent de plus en plus cher. L'expropriation des maisons des habitants de Pékin est devenue chose courante et bien souvent tragique ; or l'indemnisation de ces derniers est souvent bien inférieure au prix réel, ce qui oblige les Pékinois à s'installer à la périphérie de la ville, où les habitations sont moins chères.
Pouvez-vous établir une carte sociologique des habitants de ces vieux quartiers pékinois ? Existe-t-il des mouvements de contestations organisés ? Quelles sont les conditions de relogement des habitants ?
Effectivement, la sociologie de ces vieux quartiers change. Au départ populaires, les habitants du vieux Pékin n'ont plus les moyens de se loger dans les siheyuan réhabilités, où de nombreux étrangers viennent habiter, à prix d'or. Certains hutongs sont encore aujourd'hui peuplés d'ouvriers, de marchands de rue ou de vieux pékinois, mais la sociologie du Pékin historique change. Tandis que l'est est devenu un quartier d'affaires qui n'a rien à envier aux centres occidentaux, le centre de Pékin est relativement protégé mais se heurte à une « gentrification » de plus en plus poussée. Les expropriations ne se déroulent pas sans heurts bien entendu. Les habitants s'opposent à un relogement vers la périphérie qui entraînerait la fin d'une vie communautaire à laquelle ils étaient habitués. Des manifestations, des protestations et même des violences ont accompagné ces expropriations, mais aucune association structurée n'a pu voir le jour à cause de la mainmise du Parti communiste sur la société. De nombreux hutongs ne sont bien entendu pas aux normes de l'hygiène moderne (toilettes et douches en commun, propreté douteuse), le gouvernement entend ainsi légitimer le relogement de ces habitants pour des motifs hygiénistes, ce qui n'est pas sans rappeler la restructuration de Paris au temps d'Haussmann. Mais ce relogement s'accompagne d'une perte de l'identité pékinoise, puisque logés à la périphérie de la ville, les habitants des hutongs doivent faire face à une disparation des liens communautaires et affectifs qu'ils ne retrouvent pas dans les tours d'habitation modernes.
La destruction de vieux quartiers, dont le poids historique et symbolique est fort, dans les grandes villes mondiales en voie de développement semble être une récurrence. Quel est le particularisme de ces quartiers ?
A l'instar de La Casbah à Alger ou encore de l'ancien mellah juif marocain, la proximité spatiale, le partage d'un espace commun participent à la création de liens interpersonnels forts. Si la socialisation dans les hutongs pékinois a été caractéristique du pouvoir disciplinaire maoïste qui a su créer un espace où travail, habitation, loisir et études étaient intégrés afin de surveiller les relations sociales, les habitants se sont emparés de ces conditions de vie pour les réinterpréter. Il n'est donc pas rare que ces habitants mythifient l'époque maoïste, synonyme d'une plus grande égalité sociale, mais également d'un contrôle plus intense. Ces habitants ne se battent pas seulement pour leur lieu de vie, mais également pour leur lieu de sociabilité et pour une certaine conception de l'« habité ». A travers les restructurations urbaines qui touchent toutes les villes du monde, c'est cette sociabilité qui est menacée par l'individualisation et la privatisation de l'espace. Comme Mike Davis le rappelle dans Los Angeles, city of quartz, le libéralisme économique a tendance à détruire les lieux de vie collectifs pour créer des espaces réifiés et plus segmentés.
Comment l'Etat chinois et la municipalité pékinoise gèrent-ils ces mouvements de populations obligés de se retirer à la périphérie de la ville ?
L'Etat chinois se préoccupe peu des relogements, il laisse le soin au marché immobilier de répartir les populations expropriées. Faute de moyens, ces dernières sont obligées de se loger loin du centre-ville, où l'immobilier est bon marché. Mais avec l'immigration massive de travailleurs de la campagne vers les villes, les conditions de logement sont devenues un problème central de la municipalité pékinoise qui, pour l'instant, ne tente pas de régler cette situation et préfère laisser les populations s'installer là où elles trouvent de la place. Il n'est donc pas rare de voir ces ouvriers migrants habiter sur les chantiers ou encore dans des chambres sans confort payées à prix d'or. Il est certain que l'avenir de Pékin dépend en grande partie de la gestion de l'espace et des populations. Avec les Jeux olympiques organisés en 2008, Pékin tente de donner au monde une façade moderne, mais il ne faut pas oublier que si tous ces grands stades et équipements sportifs ont été construits en un temps record, c'est grâce à des expropriations massives et au travail sous-payé des travailleurs migrants.


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