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Les massacres d'Octobre 1961 racontés par un romancier noir américain
CONTRIBUTION. THE STONE FACE DE WILLIAM GARDNER SMITH
Publié dans El Watan le 09 - 05 - 2021

The Stone Face, premier roman à raconter la féroce répression policière des manifestants algériens à Paris, réédité aux USA et bientôt traduit en français.
La première édition de The Stone Face de William Gardner Smith, paru en 1963, est aujourd'hui épuisée aux USA. La New York Review Books a donc eu la bonne idée de rééditer ce roman avec une nouvelle préface d'Adam Shatz.
Ce dernier, qui a beaucoup écrit sur Frantz Fanon ainsi que sur l'Algérie, a expliqué, lors d'une table ronde organisée le 4 mai par l'Université de Yale, son intérêt pour les parallèles qu'établit le romancier entre la répression que subissaient les Algériens à Paris et la ségrégation qui sévissait aux USA contre les Noirs.
En effet, tout au long de ce roman de 200 pages, Gardner Smith multiplie les flash back où se superposent les gestes et regards des Algériens à Paris et ceux des Noirs à Harlem ou encore les visages révulsés de rage de policiers français ou américain déversant un flot de violence verbale et physique sur leurs victimes.
Le visage de pierre (Stone Face) est justement celui des tortionnaires qui ont poussé Simeon, le narrateur, à fuir les Etats-Unis et qui hante encore sa mémoire. Comme nombre de ses compatriotes, ce jeune peintre est parti pour la France en quête d'une existence où il pourrait enfin vivre pleinement son art et échapper au racisme anti-noir. Tyler Stovall (auteur de : African Americans in the City of Light) explique que la communauté noire américaine à Paris s'est formée suite aux deux guerres mondiales, en partie du fait des soldats restés en France. Après la Seconde Guerre mondiale c'est une véritable intelligentsia noire qui se formait à Paris avec des grands noms, tels que James Baldwin, Richard Wright ou Miles Davis.
Stovall parle du «Myth of color-blind Paris», une ville où la couleur de peau n'aurait aucun impact sur la vie des habitants. C'est ce que rapporte beaucoup de Noirs américains qui y ont vécu durant cette période. Mais le mythe se désagrège quand ils prennent conscience de l'injustice et du racisme coloniaux.
La répression sanglante d'octobre 1961 est évidemment un point culminant de la manifestation au cœur de Paris de cette idéologie coloniale fondée sur le racisme. Ces événements occupent une dizaine de pages dans le roman de Gardner Smith, mais tout le roman nous y prépare par les rencontres de Simeon avec des Algériens dans les rues de Paris, dans le métro ou encore dans les cafés communautaires.
La musique qu'il y entend lui rappelle les plaintes du blues américain, et les rues grouillant de vendeurs ambulants le ramènent à ses souvenirs de Harlem. Petit à petit Simeon comprend la situation d'Ahmed, de Djamila et des autres Algériens qu'il rencontre. Si le roman n'est pas littéralement autobiographique, il est du moins largement inspiré du vécu de William Gardner Smith, journaliste à Paris durant les années 50 et 60. Lia Brozgal (UCLA) note d'ailleurs que sa description précise des manifestations et des saisissantes scènes de violence policière font largement appel à ses talents de reporter. Elle relève toutefois qu'il date ces événements du 1er octobre et non du 17. Une erreur probablement volontaire dans la prise en charge fictionnelle des événements historiques.
Brozgal, auteur de Absent the Archive Cultural Traces of a Massacre in Paris, rapporte que les premières œuvres traitant du 17 octobre sont le poème Dans la gueule du loup de Kateb Yacine et le documentaire Octobre à Paris de Jacques Panijel, toutes deux sorties en 1962. The Stone Face est le premier roman à décrire le massacre et à analyser l'idéologie raciste qui le sous-tend. «Peuple français tu as tout vu», lançait le jeune Kateb Yacine dans son poème, repris plus tard par le groupe les Têtes raides et le rappeur Médine.
C'est justement la question que se posaient les intervenants lors de la présentation de The Stone face à Yale : «Est-ce que les Français savaient ?» Tyler Stovall se souvient d'un dossier du journal Libération paru dans les années 80, dont une grande partie était consacrée au fait que très peu de Français étaient au courant de ce massacre.
Lia Brozgal, dont le dernier livre est justement consacré à l'invisibilisation de ce massacre, se souvient que récemment encore des journaux français parlaient des attentats de novembre 2015 comme des journées «les plus meurtrières à Paris depuis la Seconde Guerre mondiale» oubliant ainsi la centaine d'Algériens tués en octobre 1961. Brozgal note que l'originalité du roman de The Stone Face est que le narrateur raconte les événements en tant que témoin et victime en même temps. Il est en effet arrêté et incarcéré dans un stade, avant d'être relâché.
Le romancier colombien Gabriel Garcia Marquez, à l'époque journaliste à Paris, avait d'ailleurs été également incarcéré par des policiers qui l'avaient pris pour un Algérien. Tout au long du roman, Gardner Smith décrit avec finesse la malléabilité des identités et de leur perception. Le personnage de Simeon note que les policiers français le traitent avec égard, en tant qu'Américain, tandis qu'ils malmènent et insultent les Algériens. A Paris, il peut donc circuler librement et être traité avec respect par les diverses institutions.
Ce qui n'était absolument pas le cas dans son pays. Gardner Smith analyse finement ce qu'on appelle aujourd'hui aux USA le «White Privilege» (Privilège blanc) en ajoutant que ces rapports de force prennent différentes configurations dans différents contextes. C'est en cela que The Stone Face reste d'une grande actualité.
Alice Kaplan (Yale University), modératrice et organisatrice de la table ronde, annonce qu'une traduction française sortira chez Christian Bourgois en octobre prochain. Elle nous apprend également que l'événement, qui s'est tenu virtuellement, sera accessible sur Internet. Il reste à espérer que cet ouvrage, qui nous concerne et nous parle, sera également disponible en Algérie en réédition et qu'il sera traduit vers l'arabe.
Ce roman nous rappelle que les connexions transnationales qui pouvaient émerger parmi «les damnés de la terre» étaient un des enjeux importants de la lutte anticoloniale.

Par Walid Bouchakour
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