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Guelma
Chasse à l'homme et fosses communes
Publié dans El Watan le 08 - 05 - 2005

Un des premiers responsables du mouvement national dans la région de Guelma, Mohamed-Tahar Brahem, dit Salah, n'a eu la vie sauve qu'en sautant du camion le conduisant, lui et ses compagnons, vers « l'abattoir ». Il nous a raconté ce qui s'est passé le 8 mai 1945. Il est mort le 23 août 1997. Que Dieu ait son âme.
Tout a commencé quand Achiary, sous-préfet de profession et bourreau de vocation, voyant rouges le croissant et l'étoile, tira en l'air. Le signal est donné. Et c'est parti pour 25 000 morts ! Tout de suite après, S. K. (Salah Ketfi), un agent de police, déchargea son PA sur Boumaza Abdallah, dit Hamed, qui tombe raide mort. Effrayés, les manifestants se dispersèrent dans les rues. Et gendarmes et policiers de tirer sur eux, de les mitrailler. C'est ainsi que trois autres furent blessés : Benchorba Lakhdar au pied, Benyahia Messaoud à l'épaule et Yallès Abdallah au-dessus du genou droit. Le soir de ce jour, on incarcéra douze personnes dans la caserne, parmi lesquelles se trouvaient Abdelmadjid Ouartsi (dit Si Mabrouk), son neveu Ahmed Ouartsi, Smaïn Abda et son frère Ali, avant-centre de l'Espérance sportive franco-musulmane de Guelma (ESFMG). Appellation qu'elle perdra quelques jours après cette tuerie pour devenir ESMG tout court. Le lendemain vers 11h, ramassés par la police, dix autres hommes, dont Mohamed-Tahar Brahem dit Salah, s'ajoutèrent aux douze premiers. Mais bon nombre de gens se trouvaient dans d'autres cellules, capturés par la milice que commandait le maire Garrivet. Auparavant, à 9h de ce même jour, avertis, les habitants de la campagne, scandant « Allah Akbar ! », accoururent de toutes parts à la ville pour venger leurs frères. Mais les deux forces étant immensément inégales, la répression fut féroce, barbare. Le jeudi, à 10h, on transféra tous les prisonniers de la caserne à la prison civile. Le vendredi 11 mai, à 18h, on en sortit douze qu'on fusilla à la porte est de la caserne, parmi les ruines romaines. Ainsi, le jour, l'armée chassait l'Arabe dans les douars, et la nuit, la police et la milice conduisaient, dans un camion ST de Lacroix, un petit groupe de prisonniers en dehors de la ville et les abattaient près d'une fosse commune, où ils étaient jetés pêle-mêle. Ensuite, on les saupoudrait de chaux avant de combler la fosse. Enfin, on damait le sol. Durant tout un mois, on bombardait les mechtas, on pourchassait les campagnards. Femmes, hommes, enfants, tous étaient bons à abattre. Inatteignables en sauvagerie, des personnes brillèrent dans les exécutions sommaires : le président de la France combattante, Garrivet, et le fermier-industriel Lavie (délégué financier). Ce Lavie trouva un lieu où le cadavre disparaît comme par enchantement, à toutes fins utiles : le four à chaux de sa carrière. Aussi, une commission d'enquête dépêchée sur les lieux plus tard n'y avait vu que du feu ou l'avait feint. Ce jour-là... Parce que le PPA, frappé d'interdiction, était dissous, les militants, entrés dans l'organisation clandestine, activaient sous la couverture des AML. La veille du 1er mai 1945, ils reçurent l'ordre de Bône (Annaba) de célébrer la fête du Travail par une manifestation pacifique. Le lendemain donc, ils quittèrent Bab Essouk, précisément El Karmette, lieudit situé en face du souk à bestiaux, où ils étaient rassemblés, brandissant des banderoles qui portaient les inscriptions suivantes : « Vive l'Algérie indépendante » ; « Libérez Messali » ; « Libérez les détenus politiques »... Et ils chantaient « Min djibalina » et « Fidaou El Djazaïr ». Par moments, des maisons fusaient de longs youyous les encourageant. Parvenu au siège de la sous-préfecture, le cortège s'arrêta un moment, puis, comme le sous-préfet ne se montrait pas, il continua vers le centre-ville, passant par la rue de la mairie. Mais à la place du théâtre, près de la bâtisse du Trésor, manifestants et gendarmes se trouvèrent face à face. Le sous-préfet Achiary était là, le feutre penché de côté. S'adressant à la foule des manifestants, ce dernier cria : « Où allez-vous ?
Au monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs », répondirent Ahmed Ouartsi et Ali Abda, tous deux responsables dans l'organisation clandestine. Tempêtant, le sous-préfet le leur refusa catégoriquement. Enfin, pensant aux impondérables, Ahmed Ouartsi se retourna et, haranguant la foule, dit : « Frères, rebroussons chemin, notre but a été atteint, les autorités ont vu et lu les banderoles. » Trois jours après, douze militants, dont deux responsables, Abdelmadjid Ouartsi dit Si Mabrouk et Smaïn Abda, furent mandés par le sous-préfet, qui, l'insulte à la bouche, les menaça de prison et même de mort si jamais ils manifestaient encore sans son autorisation. Mais il ne savait pas que l'ordre de défiler pacifiquement dans la ville le jour de l'armistice leur avait été déjà transmis. Le 7 mai, à 9h, A. F. (Abdelkrim Faci), un agent de la PRJ, vint à l'épicerie de Mohamed-Tahar Brahem, sise rue Mogador (aujourd'hui Mohamed Debabi).
Lem'alem (le patron) demande à voir Mabrouk Ouartsi et Smaïn Abda, lui dit-il.
Qui est ce patron ? demanda Brahem.
Tu le connais.
Je ne le connais pas, ton patron, s'obstina Brahem, qui simulait l'ignorance afin que l'autre le nomme lui-même.
Le sous-préfet Achiary.
Dis-lui que nous sommes un parti légal et que nous voulons une convocation officielle, répliqua Brahem, parlant au nom des AML. A 15h, retour de F. A. (Abdelkrim Faci), chez celui-ci. Même refrain. A 16h, les deux hommes en question, Mabrouk Ouartsi et Smaïn Abda, arrivèrent chez Brahem, qui aussitôt les mit au fait. Après réflexion, ils se rendirent à la sous-préfecture. Brahem leur avait recommandé de ne rien lui dire de la prochaine manifestation, de n'en rien laisser entendre. Mais, pressé par les menaces hostiles d'Achiary, l'un d'eux laissa échapper que les militants n'avaient à répondre de rien si les gens faisaient la manifestation d'eux-mêmes. Le jour même, à 20h, une réunion regroupa les six chefs de l'organisation clandestine, Smaïn Abda, Yazid Benaïssa, Abdelmadjid Ouartsi, Abdelkader Boutesfira, Lakhdar Khelalfa et Mohamed-Tahar Brahem, à l'issue de laquelle il fut décidé ce qui suit :
Abdelkader Boutesfira devait se rendre à Bône, le lendemain matin de bonne heure, afin d'informer le responsable Mustapha Salhi des menaces d'Achiary et afin de savoir s'il fallait faire la manifestation.
Ahmed Seraïdi fut chargé d'organiser cette dernière.
Ali Abda et Smaïn Ouartsi furent désignés chefs de file.
On devait dire aux autorités, en cas de barrage, qu'on allait au monument aux morts pour y déposer une gerbe de fleurs.
S'en tenir aux directives, ne rien avoir sur soi, pas même le plus petit canif. Et, de fait, le lendemain, à 5h, Abdelkader Boutesfira partit pour Bône. Mais la réponse n'arrivera à Guelma qu'à 17h30 ; il faut faire la manifestation coûte que coûte même si l'on y meurt. Que s'était-il passé ? Pourquoi ce retard de plus de dix heures ? A Bône, où l'on devait également manifester, ce fut difficilement qu'il put joindre le responsable. Arrivé à Aïn Berda vers 17h30, à mi-chemin entre Bône et Guelma, Abdelkader Boutesfira, voyant qu'il regagnerait Guelma très tard, jugea opportun et utile de téléphoner à Saïd Seraïdi, qui, à son tour, en informa Mohamed-Tahar Brahem. Auparavant, à 8h, ce dernier avait ordonné à toutes les fractions de se tenir prêtes, chacune dans un café différent, et à leurs chefs de le contacter toutes les demi-heures. Donc, ayant été au courant, les militants montèrent aussitôt sur les hauteurs de la ville, à El Karmette. Se joignirent à eux, alertés discrètement par quelques militants, les badauds qui faisaient cercle autour du kiosque à musique de la place Saint-Augustin, écoutant la fanfare qui jouait sa musique depuis le début de l'après-midi. A 17h45, plus de 10 000 hommes avaient rejoint ce lieu. Il faisait beau. A 18h précises, c'est le départ du cortège. Ils avaient les mêmes banderoles que lors de la manifestation du 1er mai. Ils se mirent à chanter « Min Djibalina ». Mais cette fois-ci, ils brandissaient les couleurs nationales (vert, blanc plus croissant et étoile). Il y avait trois drapeaux qui étaient disposés en alternance avec ceux des Alliés. Le défilé emprunta l'itinéraire suivant : El Karmette - rue d'Announa - rue Medjez Amar - rue Saint-Louis (aujourd'hui SNP Abdelkrim) - rue des Combattants (aujourd'hui rue du 8 Mai 1945). Pendant qu'ils marchaient, les Européens, de leurs balcons, lançaient des quolibets, et à certains endroits, des bouteilles vides, ricanant. Mais cela ne leur fit pas perdre leur sang-froid, ni n'en détourna aucun. Arrivé dans la rue des Combattants, au niveau du croisement avec la rue Sadi Carnot (aujourd'hui 1er Novembre), le cortège s'arrêta, hésitant, car gendarmes et policiers les y attendaient de pied ferme. Comme il fallait s'en douter, il y avait à leur tête le sous-préfet Achiary. Même scène que le 1er mai.
Où allez-vous ? cria Achiary
Déposer une gerbe de fleurs au monument aux morts, répondirent les chefs de file. Débordement de la foule des manifestants, qui, excités, voulaient briser le barrage. Tout à coup, un certain Fauqueux, un socialiste connu pour son racisme à fleur de regard, lança à l'intention du sous-préfet :
Alors, y a la France ici ou pas !
Si ! Y a la France ! repartit Achiary fougueusement. Puis, avec son zèle de colonialiste apeuré, il tira plusieurs coups de semonce. Feu ! C'est l'hallali et la curée commence.


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