APN: Bouden reçu par le président en exercice de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN et sa secrétaire générale    Ligue 1 Mobilis: le MB Rouissat et l'O.Akbou co-leaders    Rentrée sociale: volets prioritaires pour la prise en charge des préoccupations du citoyen au centre de la réunion de Sayoud avec les walis de la République    Athlétisme/Mondiaux (Triple saut): Yasser Triki termine 4e en finale    Imad Hellali, un cinéaste passionné d'œuvres à contenu pédagogique    Un partenariat entre l'AOHP et la fondation italienne Enrico Mattei pour améliorer la formation en dentisterie    L'échec du Conseil de sécurité à adopter une résolution en faveur de Ghaza, un affront de plus qui entache la conscience de l'humanité    L'Algérie dénonce le caractère "éhonté" d'une requête déposée par le Mali auprès de la CIJ    UFC: lancement des cours à travers les différentes plateformes d'enseignement à partir de samedi    Salon international de l'agroalimentaire à Moscou: Des rencontres bilatérales entre opérateurs économiques algériens et leurs homologues de différents pays    Arboriculture: développement notable et perspectives prometteuses pour la filière pomicole dans les wilayas de Batna et de Khenchela    Wilaya d'Alger: intensification des opérations d'entretien et d'assainissement en prévision de la saison des pluies    Stellantis El Djazair signe un partenariat avec "Idenet" pour équiper les taxis de solutions GPS et de taximètres    Reconnaître la Palestine sera "un moment clé", affirme le Premier ministre luxembourgeois    Le 13e Festival international de danse contemporaine s'ouvre à Alger    Chargé par le président de la République, Attaf reçoit l'Envoyée spéciale du Président ougandais    Boughali assiste à un volet des travaux de la session de formation sur "les règles et procédures de protocole"    Classement Fifa: l'Algérie à la 38e place mondiale    Sayoud appelle à la poursuite des efforts avec le même engagement afin d'atteindre les objectifs fixés    Appel à une interdiction européenne de l'équipe israelienne de football    CAN de hand U17 féminin : L'Algérie s'incline face à l'Egypte    Ligue 1 (match avancé) Le MCA n'a pas eu un match facile face au MCO    Grande affluence au pavillon de l'Algérie au Salon international de l'agro-alimentaire et des boissons à Moscou    Plus de 20 agences humanitaires internationales appellent l'ONU à intervenir d'urgence    Attaf reçoit Staffan de Mistura    Onze blessés dans un renversement de véhicule    Circoncision de quinze enfants nécessiteux    Plus de 3 500 pneus destinés à la spéculation illicite saisis, quatre individus arrêtés    L'offensive israélienne sur Ghaza est « horrifiante »    Abdelkader Djellaoui insiste sur la nécessité d'élaborer un Plan d'action immédiat    M. Bouden participe en Malaisie aux travaux de l'AG de l'Assemblée interparlementaire de l'ASEAN    Festival international du film d'Imedghassen: le film algérien « Nya » remporte le prix du meilleur court-métrage de fiction    Un géant du cinéma s'en va    Djaffar Beck, le rire comme moyen d'éducation à la citoyenneté    El Bayadh Décès du Moudjahid Kherrouji Mohamed    Nouveaux ministres et innovations    Programme TV - match du mercredi 29 août 2025    Programme du mercredi 27 août 2025    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Denis Diderot, l'encyclopédiste philosophe
« Frère Jacques ne vois-tu rien venir ? »
Publié dans El Watan le 02 - 06 - 2005

certains écrivains se font un malin plaisir d'interpeller leurs lecteurs comme s'ils ne pouvaient écrire seuls, dans le silence d'un pacte qui diffère l'acte de lecture. La pratique est évidente chez Diderot qui veut, à toutes forces, tenir éveillé son lecteur.
Dans Jacques le fataliste, le lecteur est houspillé, malmené par un auteur qui ne supporte pas qu'on l'interrompt dans son récit. A celui-là, curieux, qui pose des questions pour connaître l'identité des héros, leur passé, leur avenir, celui-ci ne répond rien. Mieux encore ! Celui qui raconte affirme son droit à l'absolue fantaisie et renvoie son interlocuteur au rôle qui lui est dévolu : écouter et suivre passivement le fil conducteur du récit qui se fera sans lui, de toutes les façons. Si bien que la question inévitable finit par se poser : pourquoi « inventer » un partenaire intelligent si c'est pour lui demander d'être bête ? La question est inévitable, et c'est bien sur elle que Diderot veut faire buter son lecteur afin qu'il réagisse et ouvre les yeux : le maître de la narration - maître tout court -, dispose des hommes et des choses comme il l'entend. L'attitude du narrateur qui exhibe, telle une provocation intolérable, sa toute puissance fictionnelle, dénonce le fatalisme et révèle l'arbitraire insupportable. De là à dire que, dans la vraie vie, il ne tient qu'à l'homme de prendre en main sa destinée, loin des leçons qui sermonnent et assujettissent, il n'y a qu'un pas que le philosophe français du XVIIIe siècle franchit allégrement en optant pour une écriture interactive. Je vois le même procédé chez Jâhiz, un auteur arabe du IXe siècle qui avait lu, paraît-il, une quantité impressionnante de livres, sans que cela lui ait rendu l'esprit chagrin et la « chair triste ». C'est peut-être tout le contraire qu'il faut constater. Grand lecteur, comme Diderot l'encyclopédiste, Jâhiz sait tout le profit ludique qu'on peut tirer d'un interlocuteur mis en texte pour donner la réplique à un auteur en mal de solitude impertinente. L'ordonnancement du monde se partage. Le regard qu'on porte alentour, les interrogations suscitées, tout cela ne peut bien se faire qu'à la manière philosophique : à deux, en un débat qui n'esquive pas le paradoxe. Premier paradoxe. Jâhiz accepte volontiers d'être un écrivain public au service de ses concitoyens. Problème des voleurs en ville ? Pas de problème. Voilà mon Classement des ruses et des voleurs qui opèrent le jour et le détail des ruses employées par les malfaiteurs nocturnes. « Tu as lu mon premier livre et tu en as retiré tout le profit possible. C'est toi-même qui me le fais savoir. D'après toi, ce livre t'a permis de combler tes lacunes, de renforcer tous tes points faibles et, en somme, de faire de grands progrès car il t'a fourni de nombreux renseignements sur les fourberies les plus subtiles et t'a ouvert les yeux sur les ruses les plus extraordinaires, à tel point que tu en sais plus qu'il n'est nécessaire pour déjouer les machinations et les subterfuges les plus adroits. » A la bonne heure ! Demandeur une première fois, le lecteur en redemande. Aussitôt commandé, aussitôt servi. La communication est si rapide et si efficace qu'elle en devient suspecte, laissant flairer l'artifice d'un écrivain rusé, coupable de publicité factice et facile. Présomption d'innocence ? Vous voulez rire ! Je veux bien, cher Jâhiz, te demander des recettes pour me prémunir contre les voleurs, ne serait-ce que pour tranquilliser les vigiles et autres gardiens de l'ordre tandis que je veille sur mon propre grain. Ce qui, soit dit en passant, voudrait déjà dire que la ville est bien mal gardée, et que je ne fais confiance à personne. Mais si l'insécurité gagne la cité, que m'importent les avares et les avaricieux ? Que ces gens-là veillent sur leur magot matelassé ! Grand bien leur fasse ainsi qu'à leurs héritiers attentifs à la moindre faiblesse du futur moribond, suspendus à un dernier souffle dont les pères Picsous ne sauraient faire l'économie. Enfin ! Que m'importent ces histoires de famille, enfin ? Toute résistance est inutile, et de force, me voilà embarquée dans Le livre des avares, dans un scénario quasi immuable où je vois des hommes manger. Invariablement, un avare invite à grands frais, et les invités jamais n'invitent à leur tour. Tout en se goinfrant, entre deux plats bien garnis, ces mêmes invités dénoncent la ladrerie et la cupidité qui sont supposées être les défauts de leur hôte dont ils louent la magnificence. Je ne suis pas à table, en dehors d'une scène de grande restauration qui se répète à l'infini. Pas faim. Pas envie de manger aux côtés de ces gens-là que l'auteur me désigne. Spectatrice, je garde dans ma main la corde de ralliement que Jâhiz noue depuis le début avec moi, lectrice d'aujourd'hui. Je déteste cet appétit servile, cette façon qu'ont les flagorneurs de se serrer les coudes pour cause de reconnaissance du ventre. Lancée voilà des siècles, la corde reste tendue et suffisamment sûre pour assurer la vision d'une perversion de ce rituel basique qu'est le partage du pain. Avec quels semblables désormais s'attabler sainement ? Quelle communauté possible pour mon auteur et moi, dans une société qui se structure sur la base d'un clientélisme mercantile ? Et c'est là, cher Jâhiz, cher Diderot, que je vous retrouve. Vous qui ne m'avez fait subir une douce violence que pour m'obliger à rester avec vous dans une communauté civique dans laquelle on apprend que ce ne sont ni les voleurs, encore moins les avares, qui sont dangereux. Mieux vaut apprendre à se prémunir contre les faux-semblants et les idées reçues. Bien voir la faille qui plonge entre les lettres imprimées et moi, l'opacité d'un protocole social qui favorise les échanges occultes, engendre les valets et autres parasites. De vous à moi, cher Diderot, cher Jâhiz, j'avoue que je préfère manger en votre compagnie. Dans notre monde, les règles sont tout à fait raisonnables. On ne mord pas la main qui nous donne à manger du papier. On ne lâche pas la corde salvatrice qui maintient le contact entre des êtres qui n'ont pas l'esprit chagrin, ni même la chair triste.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.