La chaîne Echorouk News TV suspendue pour 10 jours suite à la diffusion d'un terme à caractère raciste sur Facebook    Le blocus sioniste imposé à Ghaza tue chaque jour davantage d'enfants et de femmes    Oran : Mise en service de l'EPH d'El Kerma de 60 lits    Touggourt : quatre morts et un blessé dans un accident de la route à El-Hadjira    Comité exécutif de l'UIPA: le soutien au peuple palestinien, un engagement ferme mû par les principes de libération et de justice    Un navire chargé d'aide humanitaire vers Ghaza attaqué par deux drones de l'armée sioniste près de Malte    L'Algérie et le Ghana insistent sur le principe de solutions communes aux problèmes africains et de règlements négociés pour résoudre les conflits    Journée mondiale de la liberté de la presse: nouveaux rôles pour les médias nationaux face aux défis actuels et aux enjeux futurs    CHAN 2024: la sélection algérienne A' à pied d'œuvre à Banjul    Ligue 2 amateur: beau duel pour l'accession entre le MB Rouissat et l'USM El Harrach    Athlétisme/Championnat arabe (2e j): 17 nouvelles médailles pour l'Algérie    Le Calife général de la Tariqa Tidjania, Cheikh Ali Belarabi entame une visite au Burkina Faso    Moutons de l'Aïd importés: lancement de l'opération de vente la semaine prochaine dans toutes les wilayas    Journée internationale des travailleurs: activités diverses et hommages à des travailleur et des retraités à l'est du pays    Fête du Travail à l'ouest du pays: activités variées et hommages aux travailleurs et aux retraités    Rebiga assiste à "Hô Chi Minh-Ville", à un défilé commémorant le 50e anniversaire de la libération du Sud Vietnam    Les marchandises usagées importées appartenant à l'Etat exonérées des droits et taxes    Il y a cinq ans, disparaissait Idir après un riche parcours de près d'un demi-siècle    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    Le projet de loi présenté à l'APN    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Le championnat national de football se met à jour    Présentation à Alger des projets associatifs    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



A tire-d'aile, entre Beyrouth et Alger
Dans le ciel des milliers d'oiseaux
Publié dans El Watan le 09 - 06 - 2005

Dans le ciel des villes un million d'oiseaux. En bas, des hommes, la face burinée, dans la machine à emboutir. Bus monotones, files monocordes de voitures. De l'argent et du ciment qui corrompt la terre pour étouffer les arbres. Une journaliste pense.
Beyrouth est partagée en deux avec, à l'ouest les quartiers musulmans, à l'est les quartiers chrétiens, et, ici et là, surtout au bord de la mer, une sorte de no man's land touristique et prostitutionnel. Une journaliste pense et travaille, elle bavarde avec les ouvriers syriens exploités par les gros marchands de chantier libanais, et qui gardent le silence. Impossible de faire un papier correct, sauf à parler des oiseaux et de leur liberté. Invendable. Le début d'un reportage est déterminant, et pour la journaliste en panne, c'est la manne qui tombe du ciel un jour sans oiseaux. Le 13 avril 1975, la haine éclate. Avec une grande hache, la haine sèche et sourde coupe la ligne de partage entre les quartiers ghettos comme on coupe un ruban dans les cérémonies officielles. Trêve de séparation sourde et larvée ! La guerre civile s'affiche aux carrefours, sur les bandes d'arrêt d'urgence et de barrages impatients. Fiévreuse, la ville se charge des rencontres meurtrières entre frères désunis en citoyenneté, à coups d'anathèmes et de frustrations millénaires, contenues trop longtemps. Sur le fil du rasoir, le grand jour est arrivé. La journaliste libanaise l'a noté. Le 13 avril 1975, un prétexte est trouvé et un phalangiste tué avant d'être vengé par le massacre de trente Palestiniens dont le sang continue à moins valoir que celui d'en face. Prétexte utile et nécessaire. A partir de ce jour, un corps semble tomber par seconde. Les oiseaux se tiennent le ventre. La journaliste renonce au reportage-réalité sur les conditions de travail des émigrés syriens. Elle opte pour la fiction, l'histoire de Sitt Marie-Rose, une jeune enseignante chrétienne qui épouse la cause palestinienne, indépendamment du Palestinien qu'elle aime, en dehors des clivages obligés et réducteurs, en un temps maudit où il est interdit d'avoir un jugement personnel. Tu choisis ton camp, tu ne sors pas du cours ordinaire des choses. Sinon, gare à toi ! le corps social s'affole, il dégage des anticorps pour te résorber, te tuer, te digérer. Détruire la cellule maligne qui veut vivre sa liberté. Le mécanisme, comme en biologie, est automatique et aveugle. Il s'enclenche à Beyrouth en 1973, et Sitt Marie-Rose en est la cible privilégiée par Etel Adnan, une Libanaise qui publie son récit à Paris en 1977. Je ne sais rien de cette femme. J'aime la façon dont elle parle de la raison dans une situation largement déraisonnable. Avec elle, je veux dire que Marie-Rose, toute seule dans sa salle de classe, avait raison. Raison à elle toute seule contre ces hommes qui l'ont coincée à un barrage, qui s'acharnent sur elle, oiseau de passage, oiseau pris au piège. La nouvelle de l'enlèvement de Sitt Marie-Rose a fait le tour des camps. Les uns prient Allah et les autres la Sainte Vierge pour que Marie-Rose revienne saine et sauve. Sourds-muets, les jeunes élèves de Marie-Rose ont été sortis de leur dortoir et amenés dans la classe. Rangés assis. Spectacle obligé. La maîtresse a l'air fâché. Si gentille d'habitude. En colère aujourd'hui contre les quatre hommes, en plein sous l'ampoule électrique suspendue au-dessus de l'estrade. Colère écartelée, hurlée par la spécialiste des leçons d'amour. Chrétienne crucifiée. Spectateurs, les enfants n'entendent rien. Colère suspendue à la corde qui maintient l'ampoule éteinte. Quelle est la lumière d'une journée d'exécution ? Une lumière ordinaire. Soleil d'hiver pour une enseignante de Sidi Bel Abbès, traînée hors de sa classe, placée au centre de la cour, menottée de fer barbelé au bas du dos, à genoux. Même pas froid. Peur ravalée à gorge déployée par le couteau sacrificateur. Les élèves font cercle autour d'elle et entendent le cri dans la nudité de la leçon. Lumière mordante sur la proie. Proie de valeur, impudence de femme à l'heure du démon et d'une journée ordinaire livrée aux cerveaux déracinés. La mer est restée belle. Dans mon crâne, la chaleur du jour éclate. Les ampoules électriques tournoient comme les milliers d'oiseaux dans le ciel. Un journaliste pense. Début de reportage déterminant. La réalité indissociable de la fiction pour dénoncer la prévarication, l'anéantissement des forces vives dans un corps plombé par un pouvoir obscène. Dans la tête de Tahar Djaout, des millions d'oiseaux grouillent à l'appel d'une plume féconde et zélée. Il suffit d'avoir des ailes - rieuses palmipèdes algéroises, corbeaux tumultueux d'Aden -, pour arracher le poète à la terre sèche et le faire explorateur des mots et du sens. Sensation bizarre de voler couché. Couché, voguant dans le ciel, le fou se sent bien là-haut, dans son arbre millénaire, remontant le fleuve de l'enfance jusqu'à la racine du verbe. En bas, la machine à emboutir. Lumière ordinaire et printanière. Je n'ai pas noté la date. Le ciel, tout à coup, lâche ses mouettes en déflagration. Deux ou trois coups de feu, je n'ai pas noté. La mer reste immobile, vaincue par les cercles d'oppression, de frustration, de trahison. Au centre, l'individu, maligne cellule qui ne doit pas proliférer. Les assassins ne pardonnent pas plus que le cycle du carbone. Ils lui donnent juste un coup de main pour avancer l'heure. Alors, tu écris et tu meurs. Quelle est la lumière pour une journée d'exécution ? Pourquoi tout est-il si ordinaire ? Un millier d'oiseaux au-dessus du palais dit du peuple d'Alger. Des étourneaux, des cinglés qui tournent chaque soir dans tous les sens en se payant le luxe d'inventer des tableaux. Jamais les mêmes. L'oiseleur ne peut pas les encadrer. Le ciel est libre. Me sens un peu mieux. Qu'est-ce que je serais sans les mots douloureux qui ne ratent pas leur cible ? Je me le demande.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.