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Yasmina Khadra, fiction et effet de réel
A quoi rêve l'agneau ?
Publié dans El Watan le 30 - 06 - 2005

Qu'est-ce qui peut bien pousser un écrivain à dire des vérités ? La frontière entre le sérieux de la réalité et la fantaisie affabulatrice existe bel et bien, et rien ne peut obliger personne à prendre pour argent comptant ce qui n'est qu'une fiction, si ce n'est le talent d'un écrivain maniant les mots à la manière d'un illusionniste sur scène.
Le contrat paraît commode, avantageant les écrivains qui souhaitent dire ce qu'ils ont sur le cœur sans avoir à supporter les foudres institutionnelles que fait tomber la censure, les inimitiés personnelles éveillées par une lecture avisée. Malgré l'encodage, le risque de l'attaque est grand comme en témoigne par exemple, la polémique soulevée par le fameux Da Vinci code de Dan Brown qui est traité de menteur et s'en réjouit dans le silence, pendant que son œuvre poursuit sa route, arrogante comme savent l'être les vainqueurs. Exemple parmi tant d'autres que la bonne fiction n'échappe pas à l'effet de réel, surtout si son auteur manifeste des intentions de vérité. Je laisse de côté les déclarations trompeuses d'un Choderlos de Laclos qui sait faire exploser la bombe des Liaisons dangereuses comme un militaire rompu aux manœuvres de diversion. Plus divertissante et plus subtile est la méthode adoptée par Cervantès qui raconte que les personnages de son Don Quichotte sont vrais pour appâter un lectorat curieux de découvrir qui se cache derrière le masque de l'Hidalgo et de sa chère dulcinée. Comme on le sait, le stratagème réussit, tel le « buscapié » qui éclaire le chemin devant la troupe de soldats. Ruses de guerre ! La vérité fait vendre et fabrique des auteurs en mal de publicité. Plus proche de nous, le cas de Yasmina Khadra vient troubler ce scénario. Lorsque Yasmina Khadra publie L'Ecrivain, il est déjà célèbre grâce aux aventures du commissaire Brahim Llob qui pense que rien ne sert d'avoir le plus beau pays du monde. Encore faut-il le mériter. Coup sur coup, Morituri, Double blanc, L'Automne des chimères se saisissent d'un large public, surtout à l'étranger tandis qu'ici, à l'intérieur, la terre des cimetières n'est pas assez vaste pour abriter le peuple des morts. Dans l'œil du cyclone, les Algériens s'enterrent par centaines, et le commissaire Llob se démène pour tenter de tuer la bête dévoratrice qui finira par avoir sa peau. Nous étions nombreux à l'aimer ce héros incorruptible, et voilà que son créateur le faisait disparaître au troisième acte d'une série romanesque, laissant le champ libre aux hommes de l'ombre, mafieux et arrogants comme savent l'être les vainqueurs. Pour un coup d'essai, ce fut un coup de maître. Yasmina Khadra collait à la réalité algérienne et faisait recette. Au jeu de la fiction vraie, celui dont tout le monde ignorait l'identité véritable n'avait plus qu'à continuer sur sa lancée, Les Agneaux du seigneur, A quoi rêvent les loups... Sous un ciel inclément, les agneaux étaient livrés aux couteaux sacrificateurs, et les loups hurlaient à la vie, à la mort dans les maquis, aux portes des villes, sur les grandes artères d'un pays exsangue. Et Yasmina Khadra pendant ce temps, furieusement, continuait d'accoucher. « D'un coup, la majuscule se soulève dans un ressac fougueux, les phrases s'enlacent dans des ébats houleux tandis que l'encre transpire sur les volutes de sa muse. La feuille vierge se déshabille sous ses yeux, et plus rien ne le dissuade de la posséder. Haletant, tremblant, ne sachant de qui tenir, de l'ange ou du démon, à chaque page tournée, il faisait un enfant. » L'enfant était viable et le père anonyme pouvait en être fier. Sans nom patronymique, l'œuvre de Yasmina Khadra s'assurait une réussite nourrie par les brûlures de l'actualité algérienne et le pseudonyme derrière lequel se cachait un homme. Les mains étaient visibles, tandis que le visage restait dans l'ombre. Et puis, vient le jour où l'écrivain fait un pas en avant et se découvre. Brusquement toute la scène se noie de lumière. A la place du petit « buscapié » de Cervantès, on a un véritable feu d'artifice qui explose dans le ciel médiatique, faisant plus d'effet que la bombe de Laclos. L'écrivain est un ancien officier de l'armée algérienne. Il va parler et dire qui tue qui. Sur les plateaux de télé, sur les ondes de la radio, Yasmina Khadra s'expose en France et refuse de servir un discours réchauffé par plus d'un transfuge en mal de reconnaissance. Le militaire écrivain s'intéresse à ceux qui sont tués, ses adversaires à ceux qui tuent et qu'ils connaissent bien sûr : la junte militaire et tutti quanti. Guerre des tranchées. Le fossé se creuse et se referme sur Yasmina Khadra qui ne dit pas les bonnes vérités à entendre. Les invitations se font rares et boudent l'empêcheur de tourner en rond qui éprouve l'impérieux besoin de mettre les choses au point dans L'Ecrivain. Il faut solder le passé, sommer le militaire de ne pas faire de l'ombre à l'écrivain. Le militaire ? Un gosse de 9 ans engagé involontaire dans l'Ecole nationale des cadets de la Révolution, lâché par son père qui voulait un fils militaire et qui perdra le fils et le militaire. Moulessehoul ? Un militaire lâché par sa hiérarchie qui se méfie des écrivains. « Juste le droit de garder la tête droite à condition qu'elle ne dépasse pas celle des autres. » Comme au défilé. Pas de parade personnelle. Lâché par les siens, l'écrivain ne lâche rien. Respectueusement, il prend tout, le bon comme le mauvais, sans rancune. Juste un coup de gueule de temps en temps. « C'est quoi au juste votre problème ? Qu'est-ce que vous voulez ? Ecrivain, je suis écrivain, écrivain je reste, et à mort la bêtise !... » Grosse colère rétrospective, mais pas de rancune. L'homme est heureux, il est devenu ce qu'il voulait être. Alors pour fêter l'événement, il peut bien s'offrir un monde en appelant à son secours un formidable « buscapié », un petit garçon qui illumine le retour en arrière de l'adulte, entre fiction et réalité. Sanglé dans son uniforme d'orphelin qu'il n'est pas, le matricule 129 fait défiler à un pas rêveur, le président Boumediène et une voyante de Meknès qui lui prédit un avenir exceptionnel, des vrais cadets comme Bébé Rose ou Morsli le diable, le faux commissaire Llob qui parle comme l'officier Moulessehoul qui planifiera deux embuscades pour neutraliser Saïd Mekhloufi, un ex-cadet promu au grade de commandant de l'Armée islamique du salut. Cet enfant est doué. A son âge, sur son île, il est bretteur et rimeur comme un autre cadet, non pas de Koléa, mais de Gascogne : Cyrano de Bergerac au nez si vilain qu'il évitait de se montrer de peur d'effrayer sa belle. Comme lui, l'enfant devenu un homme à 13 ans, fait l'écrivain public pour assurer une conquête féminine aux amis de chambrée. A la fin de l'envoi, Yasmina Khadra nous touche.

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