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Août (1955, 1956, 1958... ), mois du sang et des promesses
GUERRE D'ALGERIE
Publié dans El Watan le 21 - 08 - 2005

Août n'est pas une date fortuite. En 1955 déjà, elle correspondait au deuxième anniversaire de la déportation de feu le sultan Mohammed du Maroc. C'est sous le signe de l'Unité du Maghreb que le Mouvement national a, depuis la fondation de l'Etoile nord-africaine, engagé sa lutte.
L'Algérie du 20 Août 1955 a montré que malgré ses meurtrissures, elle voulait rester fidèle à son serment de départ.Cette présentation n'a pas la prétention d'épuiser le sujet, mais d'aider modestement à ouvrir le chemin pour que soit écrite une véritable histoire des 20 Août 1955 et 20 Août 1956. Parce que, cette dernière date, avec le Congrès de la Soummam et les décisions capitales qui sanctionnèrent ces travaux a eu tendance à éclipser le 20 Août 1955, ses aspects sanglants, mais aussi sa riche moisson de succès politiques, nous avons voulu cette fois rétablir « un certain équilibre » dans la chronologie de ces deux dates, liées entre elles à plus d'un titre. A plus d'un titre en effet, on peut dire, par une formule non dénouée de significations, qu'il y a entre le 20 Août 1955 et le 20 Août 1956 la même relation qu'il y a entre le 8 Mai 1945 et le 1er Novembre 1954. Au-delà de la barbarie sans fin qui a caractérisé la répression engagée contre les populations de cette région de Skikda et du Nord constantinois, cet épisode se singularise par la richesse de ses enseignements, qui vont permettre à la révolution de faire un saut qualitatif marquant, et dont l'aboutissement sera le Congrès de la Soummam et la mise sur rail d'un mouvement profondément populaire, mais encore insuffisamment organisé. Comme le 8 Mai 1945, cet épisode du 20 Août 1955 a eu de multiples implications sur le parcours du mouvement de libération ; toute une série d'enseignements qui gagneraient à être répertoriés, mais surtout analysés d'une manière objective, dénuée de tout esprit hagiographique ou de complaisance à l'égard des erreurs éventuelles qui auraient pu être commises à cette occasion. Dans cet ordre d'idées, il s'avère nécessaire que les futures commémorations de cette date soient l'occasion de rencontres entre témoins et historiens, pour parfaire nos connaissances sur une date aussi marquante de notre guerre de libération. Une occasion aussi pour dépasser l'histoire anecdotique et fragmentée et accéder à une lecture globale et cohérente d'un parcours, dont les différentes péripéties ne peuvent être comprises que dans une vision exempte de tout saucissonnage. Parce que nous connaissons mieux l'épisode du Congrès de la Soummam que celui du 20 Août 1955, auquel il faudrait consacrer dorénavant plus d'intérêt, cette progression dans la lecture de notre histoire nous rappelle du même coup une dimension insuffisamment soulignée de notre révolution. La guerre de libération du peuple algérien a été, sur le terrain, une guerre qui a débordé nos frontières, pour tout dire une guerre transcontinentale. Sa singularité est qu'elle est un cas presque unique dans l'histoire de la décolonisation, où la métropole coloniale n'est pas épargnée, et subit notamment les effets d'une guerre qui, jusqu'ici, ne pouvait être que lointaine. Ainsi, le 25 Août 1958 nous donne l'occasion de rappeler un aspect souvent négligé de notre guerre et d'introduire dans son histoire l'immense contribution de notre émigration et son impact décisif sur le cours des événements. A propos de cette participation des Algériens de l'extérieur à la guerre de Libération nationale, le 25 Août 1958 aide à mieux comprendre les développements ultérieurs des méthodes de répression dont le 17 Octobre 1961 constitue l'aboutissement. Pour terminer, ces différents rappels sur des événements qui se sont tous déroulés un mois d'août, nous n'aurions pas atteint notre objectif qui est encore une fois d'avoir une compréhension globale et non plus fragmentaire de notre guerre de libération, si nous occultions un aspect symbolique mais riche d'enseignements : le 20 Août n'est pas une date fortuite. En 1955 déjà, elle correspondait au deuxième anniversaire de la déportation de feu, le sultan Mohamed du Maroc. C'est sous le signe de l'unité du Maghreb que le mouvement national a, depuis la fondation de l'Etoile nord-africaine, engagé sa lutte. L'Algérie du 20 Août 1955 a montré que malgré ses meurtrissures, elle voulait rester fidèle à son serment de départ.
20 Août 1955, géopolitique d'un massacre
En ce mois d'août 1955, 10 mois se sont écoulés depuis le déclenchement de la lutte armée. Alors que la Révolution algérienne s'apprête à commémorer sa première année d'existence, ce n'est pas sans un certain désarroi que les gouvernants français qui n'ont cessé depuis le 1er Novembre 1954 d'affirmer que les groupes armés qui avaient déclenché ce mouvement étaient « minoritaires et coupés de la masse algérienne » et ne tarderaient pas être réduits. De fait, « l'équipe libérale », qui présidait alors aux destinées de la France impériale, et qui a été appelée dans une période catastrophique - la chute de Dien Bien Phu - pour faire la paix au Vietnam et sauvegarder du même coup les privilèges d'un empire en pleine ébullition, n'a ménagé aucun effort pour étouffer dans l'œuf une révolution qui risquait d'embraser l'ensemble de l'Afrique. Dans une premier stade « la stratégie libérale » de Pierre Mendès France allait consister à isoler le « brûlot » algérien de son environnement maghrébin par ses ouvertures politiques concomitantes en direction de la Tunisie et du Maroc. En Algérie, le célèbre trio libéral qui présidait alors aux destinées de cette France impériale - le chef de gouvernement Pierre Mendès France, le ministre de l'Intérieur François Mitterrand et l'ancien maire d'Alger Jacques Chevalier, promu pour l'occasion ministre de la Défense nationale - allait employer toutes ses ressources militaires, mais aussi politiques, pour sauver la fiction juridique « des trois département français d'Algérie ». C'est dans ce contexte que des effectifs des forces de répression vont être considérablement augmentés dans le même moment où des tentatives politiques diverses seront entreprises pour faire « évoluer vers plus de libération » l'organisation administrative « des trois départements français ». C'est dans cet esprit que l'on procéda à la désignation le 25 janvier 1955 d'un nouveau gouverneur général, dont la notoriété était alors indiscutable. Jacques Soustelle était connu alors comme l'un des principaux responsables de la « France combattante » qui avait de surcroît conquis ses palmes d'homme progressiste par ses dispositions d'antifasciste à la veille du déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Proche compagnon du général de Gaulle, « l'homme de Brazaville » et de l'Empire libéral, Soustelle apparaissait alors, à beaucoup de progressistes français, comme celui qui était le plus susceptible de sortir « la province algérienne » d'une situation de plus en plus intenable. Mais pendant que se développaient ces manœuvres politiques, la situation sur le terrain ne cessait de se détériorer, imposant aux autorités françaises le recours à des méthodes de répression de plus en plus brutales et massives pour réduire un mouvement armé qui ne cessait de s'étendre et de s'enraciner :
ratissages ;
déplacement de population ;
ouverture de camps de concentration baptisés centres d'hébergement ;
généralisation de la torture et des « corvées de bois », cette politique répressive qui s'étend de plus en plus à l'ensemble de la population civile « coupable de complaisance à l'endroit des fellaghas » s'acharne sur une région stratégique, qui relie deux foyers importants de la « rébellions », les Aurès et la Kabylie. Une carte de la « petite vérole » est dressée à cet effet pour réduire les points chauds qui seront la cible principale de ces coups de boutoirs et des punitions collectives. En ce mois de janvier 1955, la mort au champ d'honneur du responsable de cette région, Didouche Mourad, autorise tous les espoirs des chefs politiques et militaires de la colonisation française et l'on escompte par l'accentuation de la terreur réduire définitivement « les groupes armés » de la région, condition préalable à l'éradication des foyers de Kabylie et des Aurès. Précédé d'une réputation d'homme progressiste, le nouveau gouverneur va de plus en plus donner de gages aux Français d'Algérie qui l'avaient froidement accueilli à son arrivée. De « bon libéral », sa mue progressive en fera le plus ultra des ultras colonialistes. A son arrivée, il se fait accompagner d'un certain nombre de collaborateurs choisis pour leur esprit d'ouverture que pour leur connaissance du terrain (Germaine Tillon et Vincent Monteil en particulier...). Très vite, il va pourtant faire son choix entre : - « les pieds-noirs (qui) se montraient de moins en moins prêts à abandonner leurs privilèges au nom de l'intégration » ;
et ses proches collaborateurs qui le mettent en garde contre cette dérive totalitaire et les graves conséquences de ces punitions collectives.
Un génocide froidement programmé et ratifié au plus haut niveau
C'est ainsi que, « les soi-disant camps d'hébergement se remplissent de plus en plus d'innocents et que l'armée détruit, bombarde et exécute sommairement... » Cette protestation de Vincent Monteil écrite sur un ton véhément n'est pas contredite sur le fond par le préfet Dupuch lui-même qui, dans son rapport confidentiel, reconnaît que « sur 200 hébergés, 167 sont des innocents... » L'intérêt de ces citations puisées aux sources même du pouvoir colonial est de mieux situer une ambiance et un climat de brutalité qui, poussé à son paroxysme, ne pouvait déboucher que sur une insurrection populaire générale. Déjà le remplaçant de Didouche dans la zone, Youcef Zighout, ne pouvait que conclure, devant cette généralisation, de la répression qui prenait maintenant l'aspect d'une guerre totale : « Qu'à la politique de répression collective du colonialisme, il fallait répondre par des représailles collectives contre les Européens, militaires et civils unis dans les crimes contre le peuple algérien. » Un soldat français, qui a participé aux opérations du 20 Août 1955, rapporte dans un livre interdit en son temps par la censure : « Nous avons ouvert le feu dans le tas à mesure que nous avancions et que nous trouvions d'autres cadavres, nos commandants de compagnie nous donnèrent l'ordre de tirer sur tous ces Arabes que nous rencontrions... Pendant deux heures, tout ce que nous entendions, c'était des armes automatiques crachant le feu dans la foule en dehors de quelques traînards fellaghas, les armes à la main, que nous devions abattre, il y avait 150 Boukaks (terme de mépris pour désigner les Algériens). » (ndlr) « ... A midi, de nouveaux ordres : prenez des prisonniers, cela compliquait tout, c'était facile tant qu'il s'agissait simplement de tuer... ». « A six heures, le lendemain matin, toutes les mitraillettes et les mitrailleuses étaient alignées devant la foule des prisonniers qui se mirent immédiatement à hurler. Mais nous avons ouvert le feu ; dix minutes plus tard c'était pratiquement fini. Il y en avait tellement qu'il a fallu les enterrer au bulldozer. » « Alors, vous voyez pourquoi il reste si peu de gens dans la ville. Les quelques survivants européens sont encore si paralysés par la peur qu'ils restent chez eux et les indigènes qui vivent encore font de même. » « Personnellement, je ne peux pas attendre de partir en permission ». L'auteur d'un livre (1), pourtant peu soupçonné de sympathie envers le FLN, qui a reçu le récit de cet épisode localisé, commente ainsi : « Il semble improbable qu'il se soit agi là simplement d'un incident isolé. » C'est toujours le chasseur Leuliette qui, pour expliquer la liquidation des prisonniers musulmans, ajoutait sur un ton significatif : « Les Européens, qui ont survécu au massacre, ne nous l'auraient jamais pardonné... Ils seraient venus et les auraient fini eux-mêmes. » Commentant ce témoignage, le même auteur anglo-saxon affirme : « Dans bien des cas, c'est ce qu'ils firent. » L'administration permit aux colons de s'armer et de se constituer en milices. Des milices dont les méfaits ont été dénoncés alors ainsi par le grand journalistes américains Edward Behr : « A Philippeville, les pieds-noirs ‘'des comités de vigilance'' assassinèrent sommairement des musulmans, les ensevelirent secrètement, tandis que des civiles armés tenaient à distance les correspondants trop curieux... » Ce mur du silence n'empêcha pas entièrement certaines fuites, dont certains poursuivaient un but de désinformation. Ainsi, même s'il a fait grand bruit, un film d'actualité de l'époque fut en ce sens l'arbre qui voulait cacher la forêt de la fureur génocidaire en cours et de minimiser le volume de l'hécatombe. « Dans cette séquence, on voyait un jeune soldat français abattant un Algérien non armé sur une route, puis rechargeant tranquillement son fusil tandis que l'homme agonisait tenant son ventre à deux mains... » Ce furent là les seules images douteuses qui purent percer l'étanchéité du mur du silence établi par l'armée française et les milices des pieds-noirs. Admettant que les représailles furent sévères, le gouverneur général Soustelle avance le chiffre de 1273 morts, dont 71 Européens victimes du FLN. Du côté des victimes musulmanes, qualifiées ici de « rebelles », les chiffres avancés par Soustelle sont de 1273, dont « les 2/3 ont été tués pendant l'attaque ». L'auteur commente ainsi ces chiffres officiels : « On constate, comme toujours, des différences dans le nombre de victimes. » « On soupçonnera toujours qu'un plus grand nombre de musulmans innocents furent tués dans le choc en retour que l'on a voulu l'admettre. » Et d'ajouter : « Le FLN, donnant noms et adresses, avance le chiffre de 12 000. » La narration qui est faite par ce soldat des vérités de Décourneau ne laisse aucun doute sur la programmation d'une tuerie froidement décidée par les plus hautes instances et implacablement exécutées 24 heures paraissent les premiers massacres exécutés eux « à chaud » et qui, de l'aveu de Soustelle même, avaient fait déjà 1273 victimes. Le 8 Mai 1945 porte en estampille les grands noms - civils et militaires - qui se sont tristement illustrés à cette occasion ; le général Duval, le colonel Bourdilla, le préfet Lestrade Carbonnel, le sous-préfet Achiary...
De quelques « hommes illustres » des massacres du 20 Août 1955
Le 20 Août 1955 ne déroge pas à la règle avec son chapelet de criminels de guerre qui symbolisent le plus la fureur génocidaire qui s'est abattue sur une trentaines de localités de la région. Dans ce lot de criminels émergent plus particulièrement les noms de Jacques Soustelle, du maire de Skikda Benquet Crevaux - paradoxalement classé jusqu'alors comme libéral - et le maître d'œuvre de ce génocide le colonel Ducournau à la tête des « troupes d'élite » du 18e régiment de chasseurs. Le colonel Ducournau a été l'un des premiers officiers de haut rang à être engagé dès le lendemain du 1er Novembre 1954. Son poste de commande se situait alors à Arris. Il fera pratiquement toute la guerre d'Algérie et se distinguera particulièrement dans l'épisode de l'arraisonnement de l'avion qui transportait les cinq dirigeants du FLN vers Tunis. Il était alors le premier attaché militaire de Robert Lacoste. Comme pour le 8 Mai 1945, la tendance à résumer « l'événement » le fait de circonscrire à un certain nombre de centres témoins - Sétif, Guelma, Kherrata -, les massacres du 20 Août 1955 ont été souvent accouplés avec la ville de Skikda, accessoirement d'El Halia. Dans la réalité, ce furent une trentaine de localités qui payèrent un lourd tribut et qu'il faudra réhabiliter autant par exigences morales que pour une meilleure appréhension de cette page de notre histoire. L'histoire du 20 Août 1955 reste à écrire dans ses tenants et ses aboutissants, en particulier sur les conditions qui ont présidé à l'explosion de cette insurrection populaire, de son caractère spontané ou en partie organisé, toutes choses que les prochaines rencontres auront à élucider. En attendant, un survol rapide des immenses acquis politiques, fruits des immenses sacrifices de la population, n'est pas sans intérêt. « Si horrible que cela puisse être, il n'est pas douteux, suivant le principe exposé par Marighela (3), ce nouveau Sétif, écrit le publiciste anglo-saxon Alistair Horne, allait représenter un gain net pour le FLN. »
Les missions du 20 Août 1955
Deux mois après ces sanglants massacres, les effectifs de l'ALN doublent et « de toute la guerre, cette région allait rester l'une des plus fortement contaminées sur le tableau que l'armée avait dressé de la ‘'petite vérole'' ». Et mi-désolé, mi-cynique, le gouverneur Soustelle, premier responsable de cette hécatombe, admettait les conséquences en ces termes : « Un abîme s'était bel et bien creusé, au travers duquel coulait une rivière de sang. » Comme en écho à ces propos, un autre homme politique d'envergure, François Mitterrand, situait cet épisode du 20 Août 1955 comme le point de départ du « Cercle infernal » qui allait balayer les espérances de ces deux plus grands défenseurs du projet d'intégration de l'Algérie à la France. Une manière de rejeter sur ses successeurs, un échec qui fut aussi et d'abord le sien... Effectivement, un mois seulement après ces tragiques événements, c'est un pan entier de cette politique qui va spectaculairement s'effondrer. Le 25 septembre, les 60 représentants musulmans (auxquels il faut ajouter un Français du premier collège) tirent concrètement les leçons de ce qu'ils dénoncent comme une « répression aveugle », condamnent la politique de « responsabilité collective » menée par les autorités françaises, et rejettent le concept d'intégration en faisant remarquer que « la majorité écrasante de la population soutenait l'idée de l'Algérie nationale... » Du côté des Français d'Algérie, le représentant de « l'aile libérale », Jacques Chevallier, maire d'Alger et ministre du gouvernement précédant, admettait dans un article retentissant, publié dans l'édition du 5 octobre du Monde, que ce qui s'était passé dans le Nord-Est constantinois rendait la politique d'intégration « comme pratiquement inapplicable ». Et de ce désolidariser publiquement de l'homme qu'il avait personnellement contribué à mettre en selle. Enfin, H. Hammon et P. Rotman dans Les porteurs de valise évaluent ainsi les conséquences du 20 Août 1955 : « L'impact sur l'opinon française est brutal ; depuis plusieurs mois, les plus hauts responsables du pays répétaient que ces troubles en Algérie ne provenaient que de quelques bandes rebelles, coupées de l'immense majorité de la population. Or, les événements du Constantinois, à l'heure où les Français sont en vacances, ont montré un véritable mouvement populaire, violent incontrôlé, sanglant mais massif. Pour beaucoup de Français, la guerre d'Algérie débute ce jour-là. » Sur le plan international pour la première fois, le problème algérien était inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée générale des Nations unies et la délégation française obligée de se retirer en signe de protestation. Cette décision a été commentée par Soustelle comme « valant plus qu'un convoi d'armes au FLN ». C'est à la même période que l'année française enregistre sa première défection dans celle d'une unité de tirailleurs revenus d'Indochine. L'importance de l'épisode sanglant du 20 Août 1955 est sans doute dans la nature des massacres, leur étendue autant que leur caractère de « punition collective ». C'est du moins cette idée qui a été d'abord retenue par de nombreux observateurs et publicistes français et étrangers, lorsqu'ils ont qualifié ces massacres de « nouveau Sétif ». Ils voulaient, ce faisant, souligner qu'à onze ans de distance, les Français récidivaient dans l'horreur aussi bien que dans l'erreur. Dans l'horreur, le 20 Août 1955 fut à bien des égards une répétition générale de Mai 1945. Dans l'erreur, le sang généreux qui coula à flots à cette occasion, loin de stopper le mouvement de libération, ne fit qu'amplifier sa course et générer d'inestimables moissons sur les plans politiques, diplomatiques et militaires... A l'occasion des différents séminaires qu'elle a réuni depuis 1990, la fondation du 8 Mai 1945 s'est attachée à réunir toujours plus d'informations et d'enseignements sur Mai 1945, pour ce faisant, aider à mieux lire cette étape de la lutte du peuple algérien. C'est ce même esprit qui nous guide en proposant que soient organisées des rencontres et des journées d'études spécialement consacrées à cet épisode marquant, mais encore insuffisamment exploré, tant dans son aspect événementiel que dans ses différentes implications sur la marche de notre Révolution.
Fondation du 8 Mai 1945 - Alger
(1) Alistair Horne, Histoire de la guerre d'Algérie, traduit de l'anglais et publié par les éditions Albin Michel.
(2) Pierre Leuliette, St Michel et le dragon, édition de Minut, 1961.
(3) Chef de guerre de guérilla brésilien des années 1960.


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