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Entre nostalgie et résignation
Les vieux immigrés et le Ramadhan
Publié dans El Watan le 24 - 10 - 2005

Le mois de carême est un moment très pénible pour les « anciens », seuls, vivant souvent dans des foyers ou dans des hôtels. La solitude prend des tournures pathologiques. Dîner avec quatre retraités en mal d'Algérie.
Da Boussad se régale à l'avance. Les odeurs du poulet sont un délice et une agression olfactive. Ail et épices envahissent l'espace, une chambre de moins de 10 m2, équipée d'une douche et de toilettes. Sa cuisine est un petit four électrique posée sur un frigo de salon. Il est 18h30, l'adhan est dans moins d'une heure. Da Boussad s'impatiente. La cuisine collective se trouve à 15 m de sa chambre.
Dans ce foyer Sonacotra sur les hauteurs du XXe
arrondissement de Paris, les résidents ont reçu une interdiction formelle de faire la cuisine dans leurs chambres. Pourtant, fours et plaques chauffantes fleurissent. La direction ferme les yeux. Pour l'instant. Au pied de son lit, par manque d'espace, est posée une grande marmite. « La chorba sera prête dans 15 minutes. Je n'aime pas manger froid. Puis, j'ai des invités aujourd'hui. Des amis vont venir casser le jeûne avec moi. Ce n'est pas tous les jours qu'un journaliste vient nous voir », ironise le jeune retraité. A près de 60 ans, l'ancien employé du bâtiment est mis en retraite forcée. Ses trois invités sont arrivés ensemble. Ahmed, Lounis et Saïd ont sensiblement le même âge que Da Boussad. Ils viennent tous de la même région de Kabylie. « Fort national », précise Da Boussad. « Non, on dit maintenant Larbaâ Nath Irathen », le reprend Saïd, tatillon sur les détails. Ce soir, ce sera chorba, poulet-spaghettis et raisins. « La chorba, c'est vraiment exceptionnel. Je n'ai appris à la faire que depuis trois ans. Nous, l'ancienne génération, nous ne sommes pas hédonistes », confie Da Boussad. « Epicuriens, il veut dire », le reprend Saïd. Le jeu ne s'arrêtera pas de toute la soirée. Dans cette chambre, l'histoire du Ramadhan en France « Nous faisons partie de l'histoire de la France. A nous quatre, on totalise plus de deux siècles et demi. Nous avons dû passer près de 180 Ramadhan ici, soit 45 mois chacun ici. L'histoire du Ramadhan en France se trouve dans cette chambre », note Lounis. Ils ont toujours passé ce mois de jeûne entre hommes. Aucun d'eux n'a pensé à ramener sa famille en France. « Je ne connais pas l'ambiance du Ramadhan en Algérie. On m'en parle souvent mais je n'ai jamais eu l'occasion de le passer là-bas. Ça viendra certainement maintenant que je suis à la retraite », note Da Mohand. Difficile de pousser les murs. On s'assoit comme on peut autour de la table improvisée en écartant les autres meubles. « Je tiens à préciser que je n'ai pas fait carême aujourd'hui, ni hier ni jamais. Je suis athée même si je crois à une force supérieure. Je viens dîner avec mes amis, pas casser le jeûne. Que les choses soient claires. C'est un moment de convivialité, sans plus », dit Si Ahmed. Les amis avouent que, jusqu'à peu, ils n'ont jamais observé le jeûne pendant tout un mois. « A notre arrivée, on ne faisait que des boulots pénibles dont personne ne voulait. Ne pas manger est impossible car on avait besoin de toutes nos forces. Nous n'avions pas la chance, comme la nouvelle génération, de travailler dans des bureaux », résume Da Boussaïd. Ses amis acquiescent. Même Saïd évite de le chambrer. « Nous n'avions pas le droit de faire à manger dans nos chambres. Nous habitions tous près de Saint-Michel. Les patrons d'hôtel étaient très stricts. Ils voulaient que nous prenions nos repas tous les jours dans leur restaurant. Si on les avait écoutés, on n'aurait pas mis un centime de côté », se souvient Lounis. Avec des fortunes diverses, ils ont effectué des parcours similaires. Pendant de longues années, leur ordinaire se résumait à des pommes de terre à l'eau, avec un steak quelquefois, et des pâtes. « Il fallait penser tout le temps au bled, à la famille. Je ne vois mes enfants qu'un mois par an. Je ne peux pas y aller durant le Ramadhan sinon personne ne profiterait réellement de mon séjour, ni mes enfants ni moi-même », constate Da Boussaïd.
L'opéra des dominos
Une fois le café bu, tout le monde se met d'accord pour aller faire une partie de dominos au Café de l'avenir. La chambre était trop exiguë. « Nos Ramadhans s'accumulent et se ressemblent. Maintenant que nos cheveux ont blanchi, paradoxalement, on veille plus. Nous sommes tous en préretraite ou en retraite. Nous avons beaucoup de temps. Et jouer aux dominos reste un loisir à notre portée », remarque Da Mohand. Il promet que ce sera son dernier carême en célibataire. « Je rentrerai définitivement en Algérie. Je ne reviendrai ici que pour le renouvellement de mon titre de séjour et pour les démarches administratives. Je profiterai de ma retraite », tranche Da Boussaid. « C'est ce que nous disons tous. Pourtant, même retraités, on continue de vivre en France. Nous ne pouvons plus nous adapter en Algérie. Même notre progéniture ne nous supportera pas. Nous avons pris nos habitudes et eux les leurs. Nous sommes un peu étrangers chez nous. Et ici d'ailleurs », note, avec beaucoup d'amertume, Si Ahmed. Le Café de l'avenir abrite toutes les solitudes. Il est fréquenté essentiellement par des vieux. Les dominos sont le jeu favori. A travers le vacarme des pièces, abattues avec grande force sur les tables, fusent des cris et des rires. La solitude transperce de partout. Les rires sont fatigués, comme les visages. L'ambiance oscille entre nostalgie et résignation. Les clients du café ne semblent pas heureux. Plutôt fatalistes. La musique du raï et de la vieille chanson kabyle n'arrive pas à égayer l'atmosphère. Comme si la douceur a déserté les lieux, effarée par l'absence de jeunesse.
« L'Algérie sera peut-être notre eldorado »
« Nous sommes condamnés à vivre en France. C'est notre véritable pays, même si on a peur de nous l'avouer. Et je vous prie de croire que cette condamnation n'est pas légère. On est rejetés ici et chez nous on voit en nous des euros sur deux pattes. C'est triste », confie, dans un moment de relâchement, Saïd. Cette fois-ci, il ne cherche pas les mots savants. « L'Algérie sera peut-être notre Eldorado, pour nous reposer. Si on arrive à trouver la paix. Car passer encore des ramadhans comme celui-ci ici est au dessus de mes forces. La France aime la jeunesse et se moque des vieux », analyse Da Boussaid. Ses amis opinent de la tête. « C'est notre dernier Ramadhan à Paris », affirme Si Ahmed. Jusqu'au prochain. Rendez-vous est pris pour l'année prochaine.


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