Une foule agglutinée autour d'un magasin d'alimentation générale, des queues interminables des l'aube pour un simple sachet de lait, tel le spectacle triste et affligeant auquel se donne chaque matinée les Algériens depuis plusieurs semaines. Sur leurs lèvres, une seule requête qui revient comme une complainte : donnez-nous un sachet de lait ! Mais ce dernier se fait rare ces derniers temps dans de nombreuses villes du pays suscitant des lors une terrible angoisse au sein de la population. En dépit des assurances présentées mercredi par le Comité Interprofessionnel du Lait (CIL) concernant la disponibilité de la poudre du lait, les citoyens assistent chaque matin, la peur au ventre, à une pénurie de ce produit vital pour l'alimentation. Joint par téléphone, un haut responsable du groupe public Giplait a reconnu que la filière lait est en proie à une crise sans précédant. "La production du lait ne correspond pas à la demande très forte. Je ne sais pas si le CIL dit vrai à propos de la disponibilité de la poudre, mais la pénurie du lait est bel et bien là. Pour notre part, nous faisons de notre mieux pour exploiter toutes nos capacités. Tout le lait collecté, nous le transformons en lait pasteurisé en sachet (LSP). Il n'en demeure pas moins que nous couvrons uniquement 50 % du marché national. Et force est de constater que la demande est nettement plus élevée que l'offre", confie cet interlocuteur sous le couvert de l'anonymat. Si le groupe Giplait, fort de ses 19 filiales de production, reconnaît l'existence d'une pénurie de sachet de lait, qu'en est-il alors des producteurs privés ? Et ben, ces derniers ne cachent plus leur colère et s'en prennent violement à l'Office national des industries laitières (ONIL), coupable à leurs yeux, de tous les maux que génère cette énième crise. "Nous assistons là, souligne un responsable de la laiterie privée Betttouche, à une des plus graves rupture des stocks de poudre de lait depuis des années. A notre niveau, nous n'avons produit aucun sachet de lait depuis le début de novembre. Alors que notre quota de poudre est de 500 tonnes par mois, nous n'avons reçu qu'une vingtaine de tonnes depuis le 20 octobre". Plus grave encore, notre interlocuteur assure que la production du plus important producteur privé de lait a chuté de 200 mille litres par jour jusqu'à 500 litres depuis octobre. La poudre de lait manque tellement à l'appel, que des laiteries privées se sont retrouvées carrément à l'arrêt. Un autre producteur privé basé à Alger nous a assuré que son unité de production fait face à une "catastrophe". "On ne sait plus ce qui se passe au CIL. Personne ne veut nous expliquer pourquoi il n'y pas de poudre. Les ruptures sont devenues quasi fréquentes. Chaque trois mois, on vit ce scénario. Quelques fois, ce sont leurs machines d'emballage qui tombent en panne sans que personne ne s'empresse de les réparer. Et à cause de cela, les livraisons de la poudre de lait sont retardées", explique-t-il. D'autres professionnels nous ont assuré qu'une seule poudre, communément appelée la zéro, est livrée pour le moment aux producteurs. Mais celle qu'on désigne par la 26, une poudre d'une meilleure qualité et la plus utilisée pour la production du LSP, est en rupture de stock depuis octobre. C'est, d'ailleurs, soulignent de nombreux interlocuteurs, ce qui explique l'acuité de la pénurie de lait observée à travers le pays ces derniers jours. On le voit bien, contrairement au discours trompeur des autorités publiques, le lait souffre réellement d'une grave pénurie en ce moment. Une pénurie qui vient relancer le débat sur la politique suivie et appliquée depuis des années dans la filière lait. Une pénurie qui va jusqu'à remettre, une fois encore, en doute les compétence des dirigeants d'un Etat incapable même de fournir du lait à sa population !