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Pages d'Orient et tableaux d'Arabes
Etienne Dinet, la toile et le texte
Publié dans El Watan le 17 - 11 - 2005

Dinet peint. Vingt-trois tableaux du peintre français converti à l'Islam figurent en noir et blanc dans un livre réimprimé en 2002 par le ministère de la Culture (sans doute à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France), sur la base d'une première impression réalisée - en couleurs ? -, en 1928 par une maison parisienne : L'Edition d'art.
En fait d'art, il n'en est point, si l'on s'en tient à la méchante photocopie des tableaux d'Etienne Dinet, en un contraste qui a l'avantage tout de même d'accentuer la réalité des personnages : on a l'impression que ce sont des photos prises sur le vif par un appareil figeant au vol un sourire volé, un regard, un geste inachevé. Dinet peint. Son talent est indéniable, il montre qu'il est capable de faire mieux qu'un appareil, puisque après tout, c'est bien sa main qui donne l'illusion du réel. On souhaite cependant voir les tableaux en « vrai » ou presque, ne serait-ce que pour justifier l'appellation de livre d'art. A défaut, il faut se rabattre sur les textes d'accompagnement qui sont écrits à deux mains : Sliman Ben Ibrahim Bamer et Léonce Bénédite. Dinet a peint et deux de ses amis l'accompagnent, m'interdisant désormais de dire que seule l'œuvre compte en regard de commentaires plus ou moins bienvenus. Aragon critiquait ses commentateurs, leur déniant le droit de parler d'une poésie qui se suffit à elle-même. Idem pour la peinture, serais-je tentée de dire, incommodée par des discours d'experts qui me font voir ce que je ne vois pas. J'ai cru que la peinture, comme la poésie, se goûtait sans souffrir de commentaire. Et puis, je suis tombée sur ce livre : Tableaux de la vie arabe, édité à Paris en 1928 et réédité en 2002 à Alger. Vingt-trois tableaux de Dinet sont accrochés sur vingt-trois pages du livre, vingt-trois tableaux arabes présentés dans leur ensemble par deux préfaces, avant qu'une série de textes particuliers ne viennent s'appareiller à chacune des toiles, sous forme de Tableaux arabes écrits.
La part du Diable
Des préfaces, je dirais quelques mots. Elles opposent de manière explicite ce qu'on appelle un discours de type orientaliste et un discours « vrai » d'un homme qui sait de quoi il parle, et pour cause. « Mozabite, croyant, religieux, rigoureux observateur de la sainte loi », si l'on en croit Léonce Bénédite qui signe la seconde préface, Sliman Ben Ibrahim affirme que l'Islam n'interdit pas les images peintes qui sont pour lui « le plus beau témoignage de vénération que l'homme puisse offrir au Créateur, car elles prouvent l'admiration qu'il ressent pour Son œuvre et pour Ses créatures, dont il cherche ainsi à perpétuer le souvenir ». Le peintre poursuivant la belle œuvre de Dieu et laissant aux incultes la part du diable ! Quelle belle idée qui entame la déconstruction des clichés qui collent à la peau des Orientaux habitant des régions confusément orientales - fussent-elles à l'ouest et maghrébines du Sud -, férocement musulmanes et forcément fanatiques, avec ce rien de sauvagerie qui les maintient dans un état de nature éternel comme de bien entendu. On comprendra, dans ces conditions, combien la défense de la culture par un pur produit de l'Islam est la bienvenue au moment de dévoiler les discours prêts à emploi, le contreplaqué masquant la façade d'un Orient que les Occidentaux - appelons-les ainsi et rapidement à défaut de pouvoir ici affiner l'analyse, en rappelant qu'Edward Saïd lui-même les désignait ainsi et globalement dans sa thèse sur L'Orientalisme -, fabriquent aux mesures de leurs fantasmes. Et c'est là où je voulais en venir, car Léonce Bénédite, croyant devoir baisser sa garde en gage de bonne foi, nous livre volontiers dans son texte des images factices d'autant plus orientalement irréelles qu'elles sont destinées à donner de la valeur, de la vraie, à l'œuvre d'un Dinet rien moins qu'orientaliste. D'un côté, dans la tête de Léonce Bénédite, au loin, les contes de la sultane Schéhérazade, les noms des capitales d'Afrique et d'Asie, de l'autre et plus proche, « le parfum des pastilles du sérail que des juifs tunisiens ou des Maures d'Alger, coiffés de tarbouchs ou de turbans bariolés, faisaient fumer devant leurs boutiques, dans l'illumination de la foire ». Odeurs, sons et visions, sensations et couleurs en vrac d'un Orient impossible qui prédestinent à l'orientalisme. En contrepoint, comme une trouée de lumière et de vérité dans le fatras de pacotille, les tableaux de l'ami Dinet qui retrouverait « telle qu'on la rencontre seulement dans les premiers âges, cette vraie simplicité, ce naturel précieux qui a tant de grandeur chez l'homme et tant de grâce chez la femme, ce mélange de noblesse et de familiarité, de dignité et d'aisance qui semblaient n'appartenir en propre qu'aux héros des épopées homériques ou aux personnages mythiques des ancêtres pasteurs de l'Ancien Testament ». En vrac, noyées dans un humanisme vaguement typé, des valeurs qui font tomber Léonce Bénédite dans l'orientalisme le plus plat, et avec lui, en même temps et du même coup, Etienne Nassereddine Dinet et ses Arabes qui ne seraient, en fin de compte, que des bons bougres de pâtres grecs touillés dans la mixture insipide d'une humanité générale, simple et grande. Heureusement Slimane Ben Ibrahim vient sauver la situation et le livre. C'est lui le maître de l'œuvre et du commentaire principal.
Une beauté stupéfiante
Le premier des tableaux de Dinet est exposé au début du livre. Seule, isolée entre les deux préfaces, La baigneuse représente une jeune femme d'une beauté stupéfiante. La robe légère dénudant le bras orné de bijoux et ne laissant rien voir d'un sein qui se dévoile à peine, la jeune et belle est saisie par le peintre dans son affolante sensualité. L'effrontée regarde le peintre, mais qui osera la regarder cette « baigneuse » de Dinet qui ne se baigne pas ? Sliman Ben Ibrahim l'ignore et passe à autre chose. le printemps, Le grand-père, le cheval... Les tableaux défilent et l'homme de lettres les commente de belle manière, en leur donnant un prolongement inattendu sous forme de récits poétiques et passionnés. Les toiles augmentent et le livre prend forme. Je croyais la baigneuse oubliée, et puis soudain, dixième tableau, d'autres baigneuses - de vraies - surgissent et me la rappellent. Le tableau s'appelle Filles de djinns et met en scène des petites filles en train de jouer dans l'eau. Innocence des jeux et des personnages qui ne collent pas avec le commentaire : des « cuisses qui reluisent comme les mousses de velours des fontaines » ; une fille qui se repose sur « la lèvre de la falaise », et « l'oued, éhonté, qui se précipite pour caresser avec ivresse ces seins rigides et ce ventre couleur d'amande ». Il y a comme un décalage entre la toile et le texte, quelque chose qui me rappelle la première baigneuse qui ne se baignait pas, sensuelle et splendide. Une vraie djennia. Le désir qui ne pouvait s'énoncer face à la provocation de la femme séductrice se débride au détour d'un autre tableau dont la sensualité est édulcorée par la fraîcheur de nymphes en leur premier âge. La cohérence du livre d'art se confirme, me donnant à penser que Sliman Ben Ibrahim s'est adonné, lui aussi, comme Léonce Bénédite à la pratique de l'esquive. La différence est que chez l'Arabe, elle révèle une culture et une subjectivité qui nous placent au cœur de la réalité arabe. La culture du Français fait écran et empêche de voir ce que sont les choses quand elles sont réellement vécues. Dinet peint et son ami arabe commente. La collaboration est excellente. L'homme de lettres perpétue le souvenir des vivants en les nourrissant de sa vie. L'Arabe poursuit ainsi « le plus beau témoignage de vénération que l'homme puisse offrir au Créateur ».


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