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«La contagion démocratique va toucher l'Algérie»
Ahmed Benbitour. Ancien chef de gouvernement
Publié dans El Watan le 22 - 01 - 2011

L'ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, dresse un constat accablant suite aux dernières émeutes qui ont secoué notre pays en chargeant le système de gouvernance de l'équipe au pouvoir. Dans la foulée, il propose un nouveau processus politique avec, à la clé, une feuille de route s'étalant sur 15 mois et devant être sanctionnée par l'adoption d'une nouvelle Constitution et des élections présidentielles anticipées. Entretien.
-Avant tout, comment analysez-vous, Monsieur Benbitour, la situation politique actuelle ? Et quel a été, selon vous, le véritable ressort du soulèvement du 5 janvier 2011 ?
La situation politique se caractérise par un paradoxe détonnant. Des potentialités de développement énormes (une masse de cadres de niveau très appréciable pour un pays de taille intermédiaire, hydrocarbures, des richesses minières, agricoles, une démographie maîtrisée, une infrastructure qui couvre tout le territoire…) d'un côté, et des conditions de vie quotidienne difficiles, avec des perspectives inquiétantes, surtout pour la jeunesse, de l'autre. Les événements du 5 Janvier 2011 ont été menés par des jeunes d'une moyenne d'âge de vingt ans, c'est-à-dire des jeunes qui sont nés dans la décennie de sang et qui ont grandi dans celle de la corruption. Alors, face à l'impasse et au désespoir, il ne leur reste pour s'exprimer que la violence. J'avais déjà averti que la violence est en train de devenir le seul moyen de règlement de conflits parmi les individus et entre les individus et l'Etat.
-Vous avez lancé, dans la foulée des dernières émeutes, une initiative en forme d'appel «pour un rassemblement des forces du changement». Avez-vous eu des échos à votre initiative de la part d'organisations politiques ou syndicales, de personnalités nationales ?
Oui. Des responsables de petits partis m'ont appelé pour me dire : «Face à la fermeture de l'espace politique, vous êtes notre recours, faites quelque chose !» Il y a aussi des organisations de la société civile qui ont réagi, et bien sûr, beaucoup de personnalités, d'anciens ministres, d'anciens sénateurs, qui m'ont appelé ou qui sont passés me voir, sans compter tous ceux qui travaillent avec moi sur la Toile. Aujourd'hui, j'œuvre à rassembler un certain nombre de personnes pour un nouvel appel avec des actions plus ciblées.
-Est-ce une manière d'injecter du politique dans des émeutes présentées comme «dépolitisées» et souvent réduites par le régime à de simples «jacqueries juvéniles conduites par des voyous ?
L'expression «jacqueries juvéniles conduites par des voyous» est un indicateur de la profondeur du gap qui sépare le pouvoir de la jeunesse. C'est également l'expression maladroite d'un profond mépris. Notre responsabilité est de faire en sorte que ces dégâts ne se comptabilisent pas en «pertes et profits» et de travailler à réaliser les conditions du changement pacifique. Cela nécessite la réunion de trois facteurs : une pression forte, soutenue et en progression, de la part de la société civile sur le système de gouvernance ; une alliance stratégique entre les forces du changement, et un élément déclencheur. Avec ces événements, nous avions la pression, l'élément déclencheur, mais l'alliance entre les forces du changement a manqué. D'où mon insistance sur la construction de ces alliances.
-D'aucuns désespèrent de voir le changement advenir par des moyens pacifiques tant le régime s'entête à empêcher toute expression et toute manifestation non violente voulant s'inscrire dans la légalité. Comment envisager, de votre point de vue, une action politique pacifique et efficace dans un contexte dominé par l'état d'urgence, le verrouillage de la vie politique et la répression, comme le démontre l'arrestation du syndicaliste Ahmed Badaoui ?
Ici, vous avez deux discours : celui des pessimistes qui disent : «C'est le pouvoir en place qui a mis le pays dans une impasse, il n'a qu'à se débrouiller avec.» L'autre suggère que «si le pouvoir est la source des problèmes, il est le seul à détenir les instruments de leur règlement». Il s'agit bien sûr de deux discours à rejeter. Il est vrai que la solution la plus rapide et la moins coûteuse est celle d'un changement organisé dans le cadre d'une consultation entre les éléments sains du pouvoir et les forces qui comptent dans la société.
Vous avez appelé dans les colonnes d'El Khabar à la tenue d'élections présidentielles anticipées dans un délai de quinze mois. Peut-on en savoir davantage sur cette nouvelle proposition ?
Merci de m'offrir l'opportunité de clarifier ce point. En réalité, il s'agit d'un processus de changement qui doit commencer dans les meilleurs délais, et qui aboutira au bout de 15 mois à des élections présidentielles anticipées comme consécration d'un travail de sauvegarde de la nation. Voici le schéma de ce processus : il démarre par la sélection dans le cadre d'une collaboration entre les éléments sains du pouvoir et les forces émergentes du changement, d'une équipe compétente, en dehors du pouvoir, et représentative des différents courants de la société. Cette équipe aura pour mission d'élaborer une feuille de route pour la sauvegarde de la nation et la préparation du changement du système de gouvernance. Elle veillera également au lancement d'un vaste programme de communication pour expliquer la mission de l'équipe.
Cela s'accompagnera par l'ouverture des médias lourds (TV et radios) au débat contradictoire et la levée de l'état d'urgence. Elle s'attachera en outre à la sélection et à la préparation à la nomination des membres d'un gouvernement qui aura pour mission la mise en œuvre de la feuille de route arrêtée par l'équipe. Ce gouvernement s'appliquera à exécuter les missions rigoureusement consignées dans des feuilles de route établies pour chaque secteur. De même qu'il s'attellera à la mise en place d'un système de contrôle pour la réalisation des objectifs qui lui sont assignés par l'équipe. Ce travail sera couronné par une nouvelle Constitution et des élections présidentielles anticipées.
-Seriez-vous prêt à vous présenter à ces présidentielles anticipées si ce processus politique venait à être adopté ?
Je n'exclus pas la possibilité de m'y présenter au terme d'un tel processus. Mais ce n'est pas mon objectif. Car mon objectif est de travailler à l'émergence d'une nouvelle génération de dirigeants qui auraient autour de 40-50 ans parce que les problèmes à régler sont tels qu'il faut plus de deux mandats de cinq ans pour qu'on puisse voir l'installation de ce que j'ai appelé «la consolidation de la transition». Moi, j'ai déjà plus de cet âge-là. Maintenant, si la nécessité fait que les gens qui travaillent dans ce sens-là ne se contentent pas de m'avoir comme partenaire pour aider à faire avancer les choses et qu'ils veulent que j'assume la responsabilité, je ne fuirai pas mes responsabilités, mais pour une période bien déterminée. Si l'arrivée de cette jeune génération au pouvoir nécessite que moi-même je sois là pour l'assurer, je le ferais.
-La gestion des derniers événements par le pouvoir a été marquée, entre autres, par le silence «énigmatique» du président de la République. Quel commentaire vous inspire ce silence de M. Bouteflika même au plus fort des émeutes ?
Vous savez, j'avais déjà dit que l'Etat algérien est dans une situation de défaillance et qu'il dérive vers la déliquescence. Et c'est là un signe fort de la déliquescence de l'Etat. On ne peut pas imaginer n'importe quel Etat ou n'importe quel pouvoir dans n'importe quel pays, subir des émeutes aussi importantes, des morts, des blessés, des dégâts aussi graves de biens publics et privés, et que les autorités compétentes ne réagissent même pas. L'Etat se doit de marquer sa présence en pareilles circonstances au niveau le plus élevé de la hiérarchie. Or, ce n'est pas le cas du tout. Donc, c'est vraiment à la déliquescence de l'Etat que nous assistons.
-M. Bouteflika devrait-il avoir la «dignité» de se retirer du pouvoir, selon vous ?
Je crois que ce n'est pas une question de dignité. Il y va d'abord de la sauvegarde de sa personne. Gouverner, c'est faire fonctionner des institutions et non pas venir faire des discours de palais. On a cassé même les institutions de soutien au pouvoir. Quel poids ont, aujourd'hui, l'Alliance présidentielle, le Parlement, le Conseil constitutionnel ou le gouvernement ? Rien ! Un gouvernement qui ne se réunit pas, une présidence qui ne préside pas un Conseil des ministres pendant des mois et des mois, alors que la règle, c'est de se réunir une fois par semaine… Un gouvernement qui se respecte ne prend pas de décision en dehors du Conseil des ministres. Donc, il est dans l'intérêt des dirigeants d'aujourd'hui de s'aménager une sortie honorable parce que s'ils ne le font pas, ils vont subir les événements. A n'importe quel moment, les émeutes peuvent reprendre et d'une façon de plus en plus importante. Qui aurait pu penser un instant que le régime de Ben Ali pouvait s'effondrer de cette manière ?
-Justement, de plus en plus de jeunes s'immolent par le feu. Parmi ces immolés, pourrait-il y avoir un «Bouazizi» ?
Certainement. C'est d'autant plus inquiétant que cela se passe dans une société musulmane qui considère le suicide comme le péché suprême. Mais c'est une nouvelle expression d'un phénomène existant depuis longtemps : le suicide collectif dans des embarcations de fortune avec les harraga. Mais comme cela se passait en haute mer, les gens ne prenaient pas la mesure de la gravité de ce phénomène. Là, c'est une image physique qui choque et qui peut donc entraîner une réaction violente. Cela démontre la profondeur du malaise et du désespoir des citoyens ainsi que la perte totale de confiance vis-à-vis des dirigeants.
-De la même manière, nous aimerions avoir votre sentiment concernant l'opposition. Plusieurs analystes politiques se montrent sévères envers les élites politiques en leur reprochant de ne pas adopter une ligne suffisamment tranchée, suffisamment «radicale», pour provoquer le changement…
En effet. D'ailleurs, j'ai été étonné par la réaction de certains partis qui ont condamné la violence en oubliant que nous n'avons donné aucun autre moyen d'expression à ces jeunes que la violence. L'opposition aurait dû exprimer sa solidarité massivement avec cette jeunesse et comprendre son désarroi. Nous sommes désormais confrontés à un problème très sérieux : il y a d'un côté le pouvoir, et de l'autre la violence, et il n'y a pas d'intermédiaire valable entre les deux. Et c'est le moment justement de se mettre ensemble pour devenir un élément d'intermédiation entre la violence du pouvoir et la violence de la jeunesse.
-Le RCD a appelé à une grande marche populaire pour ce samedi 22 janvier. Quelle appréciation faites-vous de cette initiative ? Nous savons que vous avez apporté votre soutien de principe au RCD…
Absolument ! Je serai en dehors d'Alger samedi, autrement, j'aurais participé à cette initiative Au demeurant, j'ai effectivement exprimé publiquement mon soutien à cette marche. Toute action qui va dans le sens de l'appel au changement est la bienvenue. Aujourd'hui, nous n'avons pas le luxe de sélectionner entre une action qui serait optimale et une autre qui le serait moins. Et le devoir de tout un chacun qui appelle au changement est de la soutenir indépendamment de l'orientation idéologique ou des supputations sur les forces qu'il y aurait derrière. Moi, je retiens uniquement cette idée claire, nette et précise : il y a un parti politique autorisé qui dit moi j'organise une marche pour soutenir l'idée du changement, par conséquent, je lui apporte mon soutien.
-N'avez-vous pas l'intention de capitaliser cette dynamique en faveur du changement par la création d'un parti politique ?
Au jour d'aujourd'hui, je ne crois pas qu'il soit utile de perdre son temps à vouloir créer un parti politique. Il faut une innovation en matière d'organisation du travail politique, une innovation en matière d'instruments du changement et un pari sur les nouvelles forces. Il faut investir dans les NTIC puisque, pour le moment, nous n'avons pas d'autres moyens. Beaucoup de gens disent oui, mais ceux qui ont accès aux NTIC sont peu nombreux. Toujours est-il que les gens qui ont accès aux NTIC sont un intermédiaire entre l'idée que nous lançons et la masse qui va la recevoir. Il n'est pas nécessaire que toute la masse accède à Internet pour pouvoir faire passer des messages.
-Comment avez-vous vécu personnellement la chute de Ben Ali en Tunisie ? Pensez-vous que la «contagion démocratique» puisse se produire sous nos latitudes ?
Je dois avouer que je ne m'y attendais pas en ce moment. Je profite de cette occasion pour exprimer ma solidarité avec le peuple tunisien. Mais je ne peux pas aujourd'hui parler de «contagion démocratique» mais de «contagion de révolte». Est-ce la voie vers la démocratie ou la voie vers la récupération de la révolte ? Les mesures prises jusqu'à ce jour dans ce pays frère vont plus vers la récupération. Nous espérons que la sagesse prendra le dessus et que la révolte des Tunisiens puisse converger vers une révolution. C'est-à-dire la mise en place d'un système démocratique conduit par les Tunisiens et au bénéfice des Tunisiens. J'estime en tout cas que cette contagion va toucher l'Algérie, parce que les conditions de la révolte sont réunies chez nous. Et notre travail consiste précisément à rassembler les forces du changement pour créer les capacités de négociation et de proposition afin de contenir la révolte et la faire converger vers la révolution, c'est-à-dire l'instauration de la démocratie.


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