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Yasmina Khadra chez les Al Khalifa, rois de «Dilmun»
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Publié dans El Watan le 20 - 07 - 2011

Il n'y a pour chanter les louanges de la monarchie bahreïnie que ses «intellectuels organiques» et…Yasmina Khadra pour qui, visiblement, l'anticonformisme, c'est revendiquer haut et fort le conservatisme le plus rétrograde, le monarchisme. Après avoir encensé l'indulgent roi Hamad Ben Issa Al Khalifa dans Liberté (26 juin 2011), il a fait paraître pour sa défense dans L'Expression (12 juillet 2011) un authentique publi-reportage intitulé «Ce que le mirage doit à l'oasis».
Cette sidérante plaidoirie s'ouvre sur une phrase qui, au souvenir des violents troubles qu'a connus le Bahreïn en février-mars 2011, paraît franchement incongrue : «Aucun pays (…) ne pourrait se targuer de proposer un cadre de vie meilleur que celui de Bahreïn. Ici, vous êtes adopté à l'instant où vous débarquez»… Et tué à l'instant où vous exercez votre droit de manifester, aurait-il dû
ajouter ! S'est-il demandé si dans «ce cadre de vie» paradisiaque il y a de la place pour les victimes du printemps bahreïni, morts, blessés et autres condamnés à mort ? Après cette assertion pour le moins audacieuse, Yasmina Khadra se fend d'une tirade exaltée, sur les lointaines origines de Bahreïn, censée nous persuader que ce pays n'est pas le produit d'un morcellement colonial caricatural, mais la réincarnation moderne d'un royaume de la Haute-Antiquité. Il nous rappelle que son nom ancien était «Dilmun», «le pays des immortels», et que «les Phéniciens et d'autres civilisations plus anciennes y avaient érigé des empires, où le génie humain taquinait déjà celui de l'Olympe».
Il a parfaitement le droit de faire du régime bahreïni l'héritier de tous les trônes antiques, mais espérait-il réellement nous convaincre que des empires entiers ont été érigés sur 700 km2, superficie totale de ce paradis insulaire ? Pour mieux noyer le caractère répressif de la monarchie bahreïnie dans la mer de ses gloires antédiluviennes, l'auteur fait feu de tout bois, même de légendes et d'histoire mythologique : «Tandis que je visitais le Musée national, magnifique de conception et de pédagogie, j'avais le sentiment de revenir des milliers d'années en arrière tant le fantôme de Gilgamesh, mi-roi mi-déité, y officie dans chaque recoin.» Et de s'étendre sur les aventures de ce personnage épique pour nous suggérer probablement que Hamad Ben Issa Al Khalifa est son preux descendant et qu'il est l'inoffensif roi de «Dilmun» et non un souverain impitoyable, qui a ordonné de tirer sur des manifestants pacifiques.
Découvertes sensationnelles ou lapalissades ?
Pourquoi Yasmina Khadra s'est-il rendu à Bahreïn ? Pour s'assurer, dit-il, que les éloges dont il avait comblé le régime bahreïni dans Liberté, et qui lui avaient valu de nombreuses critiques, étaient justifiés : «(…) Le roi que tout le monde louait se serait-il mu en tyran à mon insu ? Pour le savoir, j'ai parcouru le Bahreïn d'un bout à l'autre, sans répit, malgré la fournaise implacable, pour aboutir à ce
constat : je n'ai pas à regretter le moindre mot.» Libre à lui de s'aveugler sur son propre aveuglement, mais son reportage, tant s'en faut, n'est pas le fruit d'un pénible travail d'investigation. Serait-il si ardu de parcourir «d'un bout à l'autre» un Etat de 27 km sur 27 ? De son périple sur les traces de Gilgamesh,
Yasmina Khadra ne nous livre malheureusement que des lapalissades, qu'il est seul à prendre pour des découvertes sensationnelles : «Contrairement aux autres pays de la région, où vous n'avez droit ni à la naturalisation ni à la propriété, à Bahreïn les deux tiers de la population sont d'origine étrangère.» Ce donneur de leçons de vigilance et de lucidité s'est-il demandé si cette sollicitude pour les immigrants ne visait pas simplement à bouleverser le rapport de force interconfessionnel en faveur de la minorité sunnite, dont sont issus les Al Khalifa ? Et comment explique-t-il que les monarchies voisines, conservatrices voire rétrogrades, aient volé au secours d'une monarchie aussi «libérale» ? Le Bahreïn a beau être cet eden où les femmes «s'attablent sur les terrasses de café sans être importunées», il est le quasi-protectorat d'un Etat où elles n'ont pas le droit de conduire.
Débordant d'admiration pour le «cadre de vie à Bahreïn», notre publi-reporter s'exclame : «Pas d'impôts, médecine gratuite, investissement libre, ouvert à tous, y compris aux non-résidents, bourses d'études accordées aux meilleurs étudiants sans distinction de race ou de couleur, assistance sociale, aide à la création d'entreprises, aide à la construction, subventions, liberté de croyance, liberté vestimentaire, on est aux antipodes des clichés et des a priori.» Le problème n'est pas tant cette énumération détaillée des avantages sociaux dont bénéficie la population bahreïnie, que l'objectif qu'elle sert, à savoir la propagation d'une thèse apolitique, moralisante, selon laquelle c'est l'ingratitude des chiites envers leur monarque bienfaiteur qui est la cause des troubles de février-mars 2011. «C'est peut-être là que réside la vulnérabilité de cet Etat : dans son immense générosité et l'indulgence de son roi que certains prennent pour du laxisme», écrit-il. Après ce long message publicitaire, Yasmina Khadra témoigne de ce qu'il a vu à Bahreïn : «La cité paraît tranquille. Les autoroutes sont animées jusque tard dans la nuit et les gens, débonnaires et prévenants, vaquent à leurs occupations.» Il ajoute : «On ne comprend pas ce qui s'est passé. (…) Bien sûr, de temps à autre, des incidents mineurs étaient déclenchés par des chiites (qui constituent la majorité de la population), mais de là à soupçonner une telle tragédie, cela dépasse l'entendement. Les sunnites en sont encore abasourdis.» Et de donner la parole à ces «sunnites»
indéterminés : «Les chiites sont les plus riches du pays, les mieux logés et souvent les mieux servis par le roi lui-même.»
Pourquoi se sont-ils donc soulevés ? La réponse se veut géopolitique : «Des fanatiques obscurs ont cherché à renverser un roi trop clément qui leur a tout donné. Ici, on parle ouvertement d'hégémonie iranienne qui profite de la chute de Baghdad pour faire main basse sur la région.» L'Iran tente de s'imposer comme force régionale au Proche-Orient, c'est un fait, mais il n'a de base militaire dans aucun Etat du Conseil de coopération du Golfe. Qu'en est-il des soldats américains déployés sur le territoire du royaume et des navires US qui patrouillent dans ses eaux territoriales ?
Ayat Al Qarmezi : le détournement d'un symbole
L'insistance de Yasmina Khadra sur la dimension confessionnelle des contestations bahreïnies n'a de but que celui d'effacer leurs dimensions démocratiques (rejet de la monarchie absolue, etc.) et sociales (refus des inégalités). S'il fait confiance aux ONG pour le décompte des victimes des affrontements entre la police et les manifestants, pourquoi ne leur fait-il pas confiance lorsqu'elles mettent en évidence les racines socio-économiques et politiques de la crise que traverse le Bahreïn, ou dénoncent les terribles représailles contre les chiites (licenciements punitifs, etc.) ? Généreuses mais aussi transparentes, les autorités bahreïnies ont permis à Yasmina Khadra de rencontrer la poétesse Ayat Al Qarmezi, condamnée à un an d'emprisonnement «pour avoir pris part à des manifestations illégales, porté atteinte à la sécurité publique et incité à la haine envers le régime».
Et quelle ne fut grande sa surprise en découvrant que son lieu de détention «n'a rien à voir avec les prisons traditionnelles» et qu'il «ressemble à un établissement administratif ordinaire». Quant à la jeune prisonnière, il n'y avait «sur son visage gracieux (…) aucune trace de sévices anciens ou récents.
Et sa bouche, que l'on disait avoir été cousue aux agrafes, est aussi fraîche que les pétales d'une rose» ! Au lieu d'érotiser aussi lourdement l'image d'une détenue politique, n'aurait-il pas dû se scandaliser de ce que, dans ce royaume si démocratique, le seul endroit où il pouvait s'entretenir avec elle était une prison (n'eût-elle «rien à voir avec les prisons traditionnelles») ? Yasmina Khadra était l'otage de ses hôtes, mais contrairement à un reporter vigilant, cela ne le fait pas douter de l'objectivité de ses observations. Hormis une poétesse emprisonnée, il n'a pas rencontré un(e) seul(e) opposante(e). Et même lorsqu'il a visité les hôpitaux «où sont soignés les grands blessés du soulèvement», il n'a donné la parole qu'à «un blessé sunnite» débordant de patriotisme, qui lui a assuré que «si (sa) blessure est le prix à payer pour que le Bahreïn redevienne la belle patrie d'hier, eh bien, (il est) fier d'être sur ce lit» ! Il n'a même pas pu visiter la place de la Perle, fermée «par les autorités comme pour effacer les séquelles d'un choc émotionnel insoutenable». «Choc émotionnel» ? Peut-être euphémise-t-il ainsi le massacre de manifestants pacifiques, faute de pouvoir le qualifier de mensonge propagé sur ce «gigantesque dépotoir» qu'est, pour lui, l'Internet.
Ce n'est là qu'un résumé de la plaidoirie de Yasmina Khadra en faveur de la famille régnante à Bahreïn, entrecoupée d'appels aux Algériens à ne pas céder aux sirènes de l'anarchie et de dénonciations véhémentes de la partialité des médias internationaux. Nous aurions partagé son point de vue sur cette partialité si dans son reportage, pour employer ses propres mots, l'information n'était pas «poignardée par l'opinion, exécutée par l'impératif éditorial». «Je ne suis pas allé à Bahreïn pour recevoir un prix, ni pour encenser un bienfaiteur», écrit-il. Son article est, pourtant, un parfait autodémenti, sans parler de la photo qui l'illustre et qui le montre en compagnie de la ministre de la Culture bahreïnie, May bint Mohamed Al Khalifa, dont il était l'invité, selon les journaux locaux. Et bien qu'il fût occupé à parcourir le pays «d'un bout à l'autre, sans répit», il a eu suffisamment de temps pour recevoir de ses mains le Prix de la création littéraire et lui promettre de «transmettre au monde occidental l'image réelle (du royaume), ternie par les médias». A chacun sa quête à
«Dilmun» : Gilgamesh y recherchait la fleur de l'éternité, Yasmina Khadra une éphémère distinction officielle.


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