Un million d'emplois ont été créés au cours du premier semestre 2011 et plus de 28 milliards de dollars ont été investis dans le pays durant la même période. Ce n'est pas une blague ramadhanesque mais bel et bien un bilan officiel publié il y a deux jours par le Premier ministère. En six mois donc, selon Ouyahia et ses services, l'Algérie a résorbé presque tout le chômage du pays et fait preuve également d'une remarquable «attractivité» pour les investisseurs nationaux et étrangers. Le pays a été donc en pleine croissance économique, damant le pion aux grands Etats industrialisés dans le monde englués, eux, dans la crise et la récession. Le détail des «prouesses» de l'économie algérienne est laissé aux ministres à la faveur de leur audition par le président de la République, lequel, de son côté, assure l'emballage politique en glorifiant le régime qu'il a mis en place depuis 1999 et qui est à l'origine de l'embellie. Certes, le recours à la manipulation des chiffres et aux discours d'autosatisfaction n'est pas un procédé nouveau, mais il revêt, aujourd'hui, une importance particulière : l'Exécutif ne serait-il pas en train de se mettre en ordre de bataille pour orienter les réformes annoncées ? En d'autres termes, il ne s'agit plus de changer de système mais de le reconduire tel quel puisqu'il est «performant», capable de résorber en quelques mois le chômage et d'attirer un grand nombre d'investisseurs. Pourquoi donc changer un régime qui gagne ? La manipulation des données et les mensonges d'Etat ne sont pas seulement des réflexes naturels, ils ont une visée politique. C'était au demeurant attendu car la volonté de réformer en profondeur le pays n'a réellement jamais existé au plus haut lieu. Dans l'affolement suite aux émeutes de décembre 2010 et au vent de révolte secouant la Tunisie, l'Egypte et le Yémen, le chef de l'Etat avait promis du renouveau, mais il se serait ravisé depuis. Les manifestations pacifiques pour le renouveau ont été durement réprimées dans le pays, notamment à Alger, et le recueil des propositions pour le changement auprès des partis et de la société civile a été confié à des commis de l'Etat dans le but évident de les filtrer. Rien n'a transpiré depuis du contenu du rapport de la commission Bensalah. Quant aux pratiques du régime, elles n'ont pas changé d'un iota : les libertés sont toujours malmenées, les médias lourds encore propagandistes et fermés et les agissements des puissants n'ont subi aucun arrêt, comme en témoigne l'affaire du Bois des Pins, à Hydra. Les partis de l'Alliance présidentielle redoublent de morgue, n'envisageant pas l'avenir du pays sans eux. Aucune ambiance de pré-changement politique n'est perceptible dans le pays sur lequel, de surcroît, plane le spectre d'une sérieuse crise économique du fait de la chute du prix du pétrole et de l'incertitude entourant ses placements en bons du Trésor américain. Cette crise annoncée, le pouvoir ne manquera pas de l'exploiter pour jeter définitivement dans le tiroir le dossier des réformes.