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Dix ans après el hamla, Bab El Oued déborde
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Publié dans El Watan le 04 - 11 - 2011

Le 10 novembre 2001, ils étaient, pour certains, encore enfants. Dix ans après les inondations, ils veulent que Bab el Oued se souvienne des 700 victimes et 40 disparus.
Le film qu'ils sont en train de réaliser, Bab El Oued, ça déborde, est aussi un coup de gueule. Chez ces jeunes comme chez ceux qui n'ont pas été relogés, le sentiment d'abandon est le même. Et il nourrit une immense colère.
«J'ai perdu mon frère, mon fils et mon épouse ce jour-là. Aammi Hassan, 64 ans, les cheveux grisonnants, mal rasé, une chéchia blanche sur la tête, le visage marqué comme s'il avait survécu à une guerre, n'oubliera jamais ce 10 novembre 2001. Il y a tout juste dix ans. Hier, dans son souvenir. Ils étaient en voiture, en direction d'Alger-Centre, et ils ont été surpris par les eaux. On n'a rien pu faire, l'eau a rapidement inondé l'intérieur du véhicule.» Des mots comme ceux-ci s'entendent souvent, de la place Kettani à Triolet. Difficile d'oublier, difficile de ne pas faire avec, c'est ainsi.
Depuis, la vie a bien tenté de reprendre ses droits. Les séquelles matérielles des inondations ont été effacées. Mais les séquelles psychologiques sont là, bien présentes chez les habitants. A Triolet, Rachid, 10 ans, au moment des faits, se souvient avoir vu son camarade de classe englouti dans un tourbillon d'eau. «Il ne savait pas nager et le courant était très fort. Il n'a pas pu résister, je ne l'ai plus revu. Allah Yahramou. Aujourd'hui, il m'arrive de revoir en rêve cette scène. J'en suis encore traumatisé.» Il y a un avant novembre 2001 et un après. A chaque forte pluie, le traumatisme refait surface. Latifa, lycéenne au moment des faits, nous confie : «J'ai peur que ça reprenne, j'ai peur des ces eaux furieuses que rien ne peut arrêter sur leur passage, j'ai peur que, à chaque pluie, j'y laisse ma vie.»
Cadavres
Avenue Abderrahmane-Mira, dans la famille Reguieg, Razika, mère de trois filles, a été très active lors des inondations. Elle reste énormément marquée. «La veille, la météo n'avait pas émis de bulletin spécial. Ce jour-là, j'avais rendez-vous à l'hôpital Maillot. Je me suis préparée à 8h pour partir une heure après, lorsque j'ai vu un attroupement devant l'immeuble. Le temps n'était pas clément du tout. Je pensais à un orage, mais c'était finalement un déluge.» De ces scènes apocalyptiques, elle garde en mémoire l'image de cadavres flottants en contrebas de son balcon. «Mes filles ont perdu des copines. L'institutrice de ma fille a perdu sa propre fille. Nous n'avons plus revu les personnes que nous avions l'habitude de rencontrer en ville, au marché.» Farah, 18 ans, se souvient encore. Elle reste marquée par cette catastrophe climatique.
«Chaque fois qu'il se met à pleuvoir, j'ai toujours peur de revivre ce cauchemar.» Difficile pour elle, d'oublier, si ce n'est en chantant dans les locaux de l'association SOS Bab El Oued. Pour Ala Eddine, le père de famille, il est clair que les sinistrés n'ont pas obtenu gain de cause. «Beaucoup n'ont pas été relogés dignement et continuent de vivre dans des conditions effroyables, surtout en hiver.» Direction l'immeuble 6, rue Larbi Madi près de la rue Richelieu. La famille Kebbab nous accueille au rez-de-chaussée d'une bâtisse datant de 1810, de l'époque ottomane. Dix ans après, cette famille reste très affectée.
Bottes
Si les souvenirs parviennent à s'estomper, les problèmes de santé sont là pour leur rappeler que ce drame n'appartiendra jamais au passé. Radia, la maman, est devenue asthmatique et suit un traitement à cause de l'humidité omniprésente dans son appartement. De plus, elle a été victime d'un accident, durant le mois de Ramadhan dernier : le plafond s'est effondré sur elle lui causant des blessures à la tête et au pied, conséquence des inondations de 2001, puisque l'appartement minuscule était complètement submergé par les eaux. «Je m'apprêtais à aller chez ma cousine à Staouéli. La veille déjà, j'ai senti que quelque chose allait arriver et le matin, lorsque mes enfants allaient partir à l'école, la pluie tombait à flots. J'ai décidé de les garder. Mon mari, Ahmed, lui, n'est pas allé à son travail, non plus. Il pleuvait de plus en plus fort. De la terrasse de l'immeuble, les enfants ont vu des voitures sur l'eau, des corps sans vie. L'eau a commencé à pénétrer dans l'appartement. Nous sommes vite montés à la terrasse. Dehors, c'était un vrai déluge, le mur de l'école s'est effondré sous la pression de l'eau.»
Complètement désemparée, cette mère de famille vit le calvaire. Elle redoute, avec son époux, la saison hivernale au cours de laquelle, elle avoue faire dormir ses enfants entièrement habillés et en bottes pour anticiper toute fuite en cas de nouvelle pluie dévastatrice. «Tout peut s'écrouler à n'importe quel moment, assure Ahmed. Nous habitons un immeuble en ruine. Ce jour-là, j'ai bien cru que nous allions tout perdre.»
«Aâounna !»
«Croyez-moi, j'en suis encore traumatisé, j'y pense chaque jour de mon existence, je ne peux plus oublier ces corps sans vie flottant sur l'eau, c'est trop dur. C'est trop dur de supporter aussi une telle situation, ma femme qui est malade, nos enfants qui sont malades, ils risquent d'attraper la tuberculose en restant ici. Dernièrement, 1200 logements ont été attribués, mais aucun pour les sinistrés de Bab El Oued. C'est honteux pour les pouvoirs publics.» Amère, Radia expose sur la table sa radiographie du pied, son scanner du crâne et son ordonnance ainsi que ses médicaments. Elle est fatiguée de cette situation. Puis, tout à coup, elle se met à formuler cette demande : «Nous voulons que Bouteflika en personne pense à nous ! Depuis 2001, nous frappons à toutes les portes pour un logement, à la mairie, à la daïra, à la wilaya. On se renvoie la balle. Mes problèmes de santé empirent. Bouteflika doit venir, il doit savoir. Je suis sûre qu'on lui cache tout ça, ce n'est plus possible ! J'en appelle au Président : Chouf ouled bladek ya sid el raïs, ahna votena aâlik, aâounna, ahna ouledek, ahna el Djazaïr ! »
Autre constat, lui aussi très amer du côté de la famille Boukhari, dont le plafond de la maison menace de s'effondrer à tout moment, si ce ne sont des planches qui le soutiennent. Saâd, le père de cette famille de cinq enfants, n'en peut plus. Il a lancé des appels, des cris d'alarme aux différentes autorités. Personne ne répond. Il a accepté de faire un retour en arrière, un retour à ce matin de novembre 2001, qui, lui aussi, le suivra jusqu'à la tombe. «Ce jour-là, j'avoue, je dormais, mais un bruit inhabituel m'a réveillé. Ce bruit venait de l'extérieur. Il pleuvait énormément, mais j'avais l'impression que ce n'était pas une pluie habituelle. J'ai vu l'eau déferler et atteindre un niveau que je n'avais jamais vu. Je n'ai rien compris. Ma f'hemt oualou. J'ai pris la décision de ne pas envoyer les enfants à l'école. Nous nous sommes réfugiés à la terrasse. L'eau a commencé à pénétrer dans la petite cour, puis dans notre unique pièce de l'époque.»
Baraque en zinc
Saâd ne veut pas oublier. Pour lui, cet évènement doit rester dans la mémoire collective des habitants de Bab El Oued. Il voudrait bien avoir un logement plus espacé pour sa famille, et, si possible, dans une zone sans risque. «Nous courons, ma femme et moi, à droite et à gauche, se plaint-il. Rien, absolument rien. Cette année, le maire nous a promis un logement pour le mois de juin, et vous voyez, nous n'avons toujours rien. Il paraît qu'il y a eu un changement de programme. Nous attendons, nous n'en pouvons plus !» Crise du logement, crise morale aussi qui se répète chez la famille Abidat qui vit dans une baraque en zinc sur la terrasse de l'immeuble. Bien que relativement épargnée par les inondations, elle n'en continue pas moins de subir les conséquences.
«J'étais dehors, lorsque l'eau est arrivée en furie dans notre rue, raconte Lyès, 58 ans, né dans cet immeuble, déjà déclaré sinistré du temps de la présence française. Tous les voisins se sont réfugiés sur la terrasse. Nous sommes restés longtemps à attendre les secours. Certains sont finalement partis, mais nous sommes restés.» L'amertume se lit sur son visage. La colère aussi. Lyès doit gérer le problème de son épouse malade et ses enfants dans des conditions qu'il qualifie d'«inhumaines et inadmissibles», lançant un véritable cri de détresse. «Bouteflika a demandé de reloger les sinistrés. Promesse non tenue puisque d'autres que nous ont été privilégiés ; c'est un scandale ! J'aime mon pays, je suis Algérien, mais en tant qu'être humain, en tant que musulman, je ne peux pas laisser mon frère ou ma sœur dans la m… !»


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