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«Des entrepreneurs et des commerçants tirent une rente de l'agriculture au détriment des paysans»
Tarik Dahou. Anthropologue chargé de recherche
Publié dans El Watan le 02 - 04 - 2012

Après avoir mené de nombreuses recherches dans le domaine de la protection des ressources naturelles, Tarik Dahou, chercheur à l'IRD, revient dans cet entretien sur l'ampleur des inégalités dans la distribution et l'exploitation des ressources aussi rares que fragiles comme le patrimoine foncier. Au lendemain de la parution de l'ouvrage Pouvoirs, sociétés et nature au sud de la Méditerranée qu'il a codirigé, M. Dahou expliquera aussi l'impact contreproductif des réformes foncières opérées en Algérie et qui favorisent les grandes exploitations agricoles au détriment des petites exploitations familiales.
-Le détournement et le gaspillage des ressources ne sont-ils pas favorisés beaucoup plus par le recours à des politiques publiques d'inspiration libérale auxquels sont soumis des secteurs aussi névralgiques comme l'agriculture depuis la fin des années 1980 ?
Oui et non. Les détournements et les gaspillages vont aussi bon train dans les économies administrées, mais on a souvent «vendu» la libéralisation comme le meilleur mécanisme d'allocation des ressources possibles. Or, force est de constater qu'en diminuant la taille de la rente d'exploitation et en la concentrant davantage vers un petit nombre d'acteurs, la libéralisation rend plus difficile les redistributions par l'Etat et encore moins acceptable la pénurie à laquelle sont confrontés les petits exploitants. Il est évident que dans le secteur agricole, la libéralisation a concentré la rente et accru les mécanismes de prélèvement sur les ressources naturelles sans mécanismes de compensation en direction des plus pauvres pour cette perte de ressources qui affecte pourtant l'ensemble des exploitants.
Aujourd'hui, on voit des exploitations bénéficiant d'un accès facile au crédit et aux marchés peser sur les disponibilités foncières et en eau avec des effets d'éviction de l'agriculture familiale qui, pourtant, est la plus nombreuse et la plus créatrice d'emploi. Ces processus sont très problématiques en termes d'équilibre des territoires et d'équité sociale et ne manquent pas d'exacerber les tensions. Les secteurs agricoles des pays de la région (Sud de la Méditerranée, ndlr), longtemps protégés sont aujourd'hui autant victimes des processus de la libéralisation progressive des denrées et des facteurs que de l'incurie de leur gestionnaire qui on favorisé des clientèles politiques.

-Quel est l'impact de cet accaparement des ressources et les inégalités en Algérie, comparativement aux autres pays du Maghreb ?
En la matière, l'Algérie ne fait pas exception dans la région. Son agriculture familiale souffre d'un faible investissement comparativement aux grandes exploitations longtemps subventionnées et dont on efface régulièrement les dettes. Les petites exploitations souffrent d'un manque d'équipements, de capacités d'investissements limitées et d'un faible accès au crédit. En plus, les terres collectives liées à d'anciens droits fonciers sont aujourd'hui soumises à des mécanismes d'appropriation et de privatisation qui les rendent moins accessibles, ce qui cantonne de plus en plus les petites exploitations à des espaces résiduels et la plupart du temps morcelés, rendant ainsi difficiles les efforts d'intensification de la production.
Les inégalités dans les sociétés agricoles sont donc en pleine expansion et les nouveaux acteurs extérieurs au monde rural en tirent une rente au détriment des paysans. Si cela crée davantage de valeur ajoutée agricole, cette apparition de nouveaux acteurs n'a aucun effet d'entrainement sur les exploitations paysannes qui ne voient pas leur production décoller.
Malgré le fait qu'elle exporte moins que ses voisins, la facture d'importation alimentaire de l'Algérie demeure très importante, ce qui pénalise du coup autant ses producteurs que ses consommateurs. Cette situation n'est soutenable que par les subventions, ce qui limite d'autant les capacités d'investissement de l'Etat et revient à un transfert de revenus du monde rural vers le secteur urbain.
Ceci n'est pas durable, car en milieu urbain le problème se pose plutôt en termes d'emploi et l'agriculture qui pourrait en créer souffre d'un manque d'investissements contribuant à accroître l'exode rural.
-Pouvez-vous expliquer davantage ce point relatif aux nouveaux acteurs étrangers au monde rural, mais qui en tirent une rente au détriment des paysans et peut-on établir un lien entre cette réalité et la loi 10-03 sur les terres agricoles du domaine privé de l'Etat autorisant désormais les exploitants à engager des partenariats avec des acteurs venant d'horizons autres qu'agricoles ?
Il s'agit d'acteurs non paysans, comme des entrepreneurs urbains ou des commerçants, voire des agents issus de l'administration qui ont trouvé dans la libéralisation des marchés agricoles des opportunités d'accumulation, quand ils n'ont pas bénéficié directement des privatisations d'entreprises publiques.Effectivement, les réformes foncières facilitent l'accès aux terres de ces nouveaux acteurs au détriment des exploitations familiales, étant donné l'aspect limité des surfaces agricoles utiles. Ces exploitations ont toujours autant de problèmes à accéder aux terres, en quantité, en qualité ou en irrigué malgré les réformes foncières. Bien qu'il n'existe pas encore de marché complètement libéralisé des terres, les transactions foncières tendent à se monétariser davantage ce qui entraîne des coûts d'accès non négligeables pour les exploitations dépourvues de capacités d'investissement.
-Vous dites que les nouvelles politiques avantagent les grandes exploitations, mais pas les petites exploitations familiales. Pourtant, beaucoup de dispositifs ont été mis en œuvre ces dernières années pour, justement, aider cette dernière catégorie (les petites exploitations), à l'instar des PPDRI. Est-ce donc l'échec de ces programmes de soutien ?
Les programmes de développement intégré sont encore un peu trop récents pour inverser ces tendances structurelles liées à la libéralisation. En outre, les programmes de développement intégré s'ils peuvent jouer un rôle d'atténuation de la pauvreté rurale, ce rôle ne peut être que limité puisqu'ils ne peuvent répondre aux problèmes de dualisme agricole entre des exploitations fortement capitalisées et des exploitations aux faibles capacités d'investissement faisant face à de multiples goulets d'étranglement.
Tant qu'on n'améliorera pas de manière décisive l'accès au foncier, à l'eau et au crédit des petites exploitations familiales, il est fort peu probable que les exploitations paysannes puissent développer des stratégies d'accumulation par le marché.
Le remède ne passe pas par des palliatifs, mais par des investissements massifs dans ces structures productives de petite taille et dont la capacité d'intensification est évidente dès lors qu'elles ont un accès moins contraignant aux facteurs de production. Et pour cela il faut des structures de prêt exclusivement dédiées aux petites et moyennes exploitations susceptibles d'adapter les modalités de crédit rural à leurs contraintes.

-Revenons à l'ouvrage Pouvoirs, sociétés et nature au sud de la Méditerranée. Quel lien peut-on établir entre la mauvaise gouvernance des ressources naturelles et les mouvements révolutionnaires de 2011-2012 dans le Monde arabe ?
Si les mobilisations urbaines ont sans doute été plus spectaculaires, par leur nombre ou leur intensité, les mouvements sociaux ont été très nombreux dans les zones rurales. Au Maroc ou en Tunisie, ces mouvements en zones rurales ont même parfois précédé les mobilisations urbaines. On peut penser que des pans entiers de la société marginalisés, comme c'est le cas dans certaines régions rurales, se sont soulevés du fait des inégalités croissantes au cours de la période de libéralisation, l'Etat bridant les revendications tout en ayant des leviers limités de redistribution.
Mais il faut se garder des explications mécaniques qui ne sont attentives qu'aux facteurs économiques en observant exclusivement les variations de la rente que peut distribuer l'Etat. Le déni de droit de se prononcer sur les situations sociales et de réorienter les politiques publiques est tout aussi décisif. Le temps de la négociation des politiques avec les acteurs sociaux et locaux est sans doute venu pour les Etats arabes.


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