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Sénégal : Macky Sall, un président attendu au tournant
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Publié dans El Watan le 09 - 05 - 2012

A l'heure actuelle, Macky Sall, le tout nouveau président du Sénégal, doit certainement se frotter les mains. Et il a sans doute raison de le faire. Le Parti démocratique sénégalais (PDS), la formation de son prédécesseur, encore majoritaire dans les institutions minées par des querelles intestines, commence à partir en lambeaux.
Dakar (Sénégal)
De notre envoyé spécial
Cette crise, conséquence du refus d'Abdoulaye Wade de passer la main, devrait permettre au Mouvement du 23 juin (M23), la large coalition qui l'a porté au pouvoir en mars dernier, d'asseoir sa domination au Parlement, lors des législatives de juillet prochain.
Et puis, cerise sur le gâteau, Macky Sall est revenu de son premier déplacement en France, le 19 avril dernier, avec un chèque de 85 milliards de francs CFA et la promesse de Paris de l'aider à obtenir d'autres prêts auprès du FMI et de l'Union européenne. De quoi faire taire tous ceux qui au sein de l'opinion n'ont pas digéré le discours, donné à Dakar par Nicolas Sarkozy, sur la colonisation, le 26 juillet 2007, lui reprochant d'avoir consacré son premier déplacement à l'étranger en France, l'ancienne puissance coloniale.
Cette petite manne financière lui permet également de réaliser l'une de ses plus importantes promesses de campagne : tenter de réanimer le pouvoir d'achat des Sénégalais, dont une grande majorité vit avec 1000 francs CFA par jour, soit à peine plus d'un euro (1 euro = 645 F CFA).En contrepartie du «geste généreux du président français», Macky Sall a tout de même dû accepter de signer un nouvel accord de défense avec la France. Allusion faite certainement à la présence, de plus en plus visible, des Américains dans le pays (Washington est en train de construire à la Pointe des Almadies, à Dakar, une nouvelle ambassade encore plus grande que celle d'Alger). Nicolas Sarkozy a néanmoins déclaré ne trouver aucun inconvénient à ce que le Sénégal ait «d'autres amis». Parmi ces autres amis, l'on compte également les Chinois, qui ont raflé de nombreux marchés ces dernières années.
«Macky Sall se débrouille plutôt bien. Les 85 milliards ramenés de France constituent un véritable ballon d'oxygène pour le nouveau gouvernement qui se plaint d'avoir trouvé les caisses vides. Il paraîtrait qu'Abdoulaye Wade n'a rien laissé. Espérons maintenant que le président n'oubliera pas ceux qui ont voté pour lui. La vie est des plus difficiles à Dakar. Elle l'est encore bien davantage à l'intérieur du pays, où le budget quotidien d'une famille ne dépasse pas les 500 francs CFA», s'exclame Amadou, chauffeur de taxi, au volant de sa voiture à la suspension fatiguée et au moteur toussotant.
Mais Amadou, comme d'ailleurs de nombreux autres Dakarois, ne se fait pas trop d'illusions. Comme atteint par la fatalité, il se dit conscient que les 85 milliards de francs CFA prêtés par la France seront insuffisants pour, à la fois, atténuer les effets de la pauvreté, lutter contre le chômage, remettre l'économie du pays sur les rails et assurer aux populations une alimentation régulière en électricité.
Il n'est d'ailleurs pas inutile de rappeler que ce sont en partie les coupures intempestives d'électricité enregistrées au mois de janvier 2011, qui ont précipité la chute de Wade.
Surtout qu'au lieu de chercher à remédier à la situation, il ne pensait qu'à se faire réélire. Pas de doute : aujourd'hui, il faudra du temps au Sénégal pour remonter la pente. Et avec des dépenses (1192,2 milliards F.CFA) qui dépassent toujours le volume des recettes (912,1 milliards FCFA), l'avenir reste toujours aussi incertain. Macky Sall a annoncé lui-même qu'il aura besoin d'au moins 200 milliards de francs CFA pour commencer à concrétiser ses promesses de campagne. Dans l'attente de voir de quelle manière le nouveau locataire du Palais présidentiel se débrouillera pour trouver tout cet argent, la rue sénégalaise semble, pour le moment, se satisfaire de la défaite d'Abdoulaye Wade.
Le wolof, le ciment social du Sénégal
De nombreux Sénégalais soutiennent, en effet, qu'ils auraient vécu comme un affront sa réélection. L'affront aurait été sans doute plus grand si le Pape du Sopi (autre appellation donnée au président Wade en plus de celle de «Vieux») était parvenu à placer aux plus hautes marches du pouvoir Karim Wade, son fils. Un scénario redouté par tout le monde. «La priorité des Sénégalais, lors de la dernières élections présidentielles, était avant tout de se débarrasser de Abdoulaye Wade et de son fils. La population tient beaucoup à son identité. C'est un repère important ici. Il aurait été inconcevable pour elle de se voir diriger par quelqu'un, Karim Wade en l'occurrence, qui n'a pas grandi au Sénégal et qui ne parle même pas le wolof (une des langues du Sénégal). Les gens se seraient sentis gouvernés par un étranger. En ce sens, la candidature de Macky Sall a constitué pour la société une sorte d'issue de secours», explique Diana Senghor, directrice de l'Institut Panos, une ONG spécialisée dans la construction d'une culture de la démocratie, de la citoyenneté et de la paix en Afrique de l'Ouest. Mme Senghor n'omet toutefois pas d'assurer «la dérive de l'autoritarisme du pouvoir de Wade a été déterminant aussi dans le choix des électeurs».
Macky Sall a donc été élu par défaut ? Une grande partie de l'opinion le pense en tout cas. Se sachant justement pas spécialement populaire, le président Sall a entrepris de gagner la confiance de la population aussitôt sa prise de fonction. Au lieu de squatter les colonnes de la presse locale pour soigner son image (il n'a, à ce jour, accordé aucun entretien à la presse sénégalaise ou internationale), le poulain du Mouvement de contestation du 23 juin préfère plutôt agir et, surtout, prouver qu'il est un homme de parole. «Le président n'a pas trop le temps de parler à la presse. La tâche est fastidieuse et il sait très bien qu'il est attendu sur de nombreux dossiers. En ce moment, il s'attelle surtout à trouver des réponses aux problèmes urgents de la société. Il n'est pas le genre de type à faire trop de discours», confie le porte-parole de la présidence sénégalaise, Osmane Ba.
Pour réduire la pression qui pèse sur les ménages sénégalais, la première grande décision du président Sall a été d'ordonner une baisse des prix de certaines denrées de première nécessité comme le sucre, l'huile et le riz. A titre d'exemple, le kilogramme de sucre cristallisé en poudre passe de 690 à 580 FCFA. Même si beaucoup de gens ne savent pas trop bien de quelle manière le gouvernement compte s'y prendre pour faire appliquer sa décision, tant la plupart des circuits économiques lui échappent, la nouvelle a tout de même été reçu avec enthousiasme dans les foyers sénégalais las de devoir à chaque fois se serrer la ceinture pour boucler les fins de mois.
Le successeur d'Abdoulaye Wade s'est également engagé à faire bénéficier à chaque Sénégalais d'une protection sociale avec la mise en œuvre de la couverture maladie universelle. Une mesure qui sera complétée par une assurance obligatoire pour tous les travailleurs. Macky Sall a aussi annoncé, le 1er mai dernier, sa décision de relever à hauteur de 10% les pensions de retraite. «Nous nous attendions pas à ce qu'il prenne de telles initiatives aussi rapidement. Ces décisions feront beaucoup de bien à tout le monde. Maintenant, il reste au nouveau président à faire un effort pour faire baisser le prix du gasoil (798 FCFA), de l'essence (814 FCFA) et du gaz butane (4060 FCFA). Une telle décision pourrait réellement avoir un impact sur la vie des gens», espère Mahamane, serveur dans un restaurant tenu par un Libanais au centre-ville de Dakar.
Les poids des confréries religieuses
Mais devant l'ampleur des problèmes et des attentes, Macky Sall a demandé un délai de grâce. Surtout que l'agriculture et le tourisme, les deux secteurs phares sur lesquels le pays a l'habitude de compter, tournent au ralenti à cause de la sécheresse et de la crise financière internationale. Habituellement investie par les touristes dès le mois d'avril, Dakar se tourne les pouces autant que ses milliers de commerçants désespérés à l'idée de devoir encore endurer une année supplémentaire de disette.
Il est fort possible que l'appel du premier magistrat sénégalais soit entendu et que la population reste indulgente avec lui encore durant les prochains mois. Cela est d'autant plus probable dans la mesure où le nouveau président sénégalais a reçu le soutien d'une personnalité de poids. Il s'agit de Serigne Sidy Mokhtar Mbacke, le grand khalife général des Mourides, l'une des plus puissantes confréries du Sénégal avec la Tidjania. Serigne Sidy Mokhtar Mbacke a, en effet, demandé à ce qu'on «laisse Macky Sall travailler». Et il en sera probablement ainsi lorsqu'on sait le poids que représentent les Mourides dans la société sénégalaise.
L'intrusion du khalife des Mourides dans le débat politique lui sera certainement d'un grand secours pour désamorcer la grève entamée dans les secteurs de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Le débrayage, qui dure depuis des mois dans ces secteurs fait peser le spectre de l'année blanche sur des centaines d'établissements. Une perspective à laquelle s'est montré opposé le chef des Mourides. «Pour le moment, nous avons décidé de mettre notre mouvement en veilleuse. Nous donnerons le temps au successeur d'Abdoulaye Wade de s'imprégner de la réalité et de potasser ses dossiers. Pour l'heure, nous ne pouvons pas lui exiger la lune», admet Simon Kouka, l'un des leaders du groupe Y'en a marre qui a mené, durant de longues semaines, le mouvement contre la réélection d'Abdoulaye Wade dans les rues de Dakar.
Néanmoins, le rappeur du groupe Keurgui de Kaolack (Maison en Wolof), avertit que « Y'en a marre jouera à l'avenir un rôle de sentinelle et veillera à ce que les objectifs de la mobilisation de ces six derniers mois se concrétisent». Parmi ces objectifs, Simon Kouka cite notamment la révision de la Constitution et la nécessité d'établir un mandat présidentiel de 5 ans renouvelable une fois.
Y'en a marre - qui vient d'exposer son programme intitulé «Les chantiers du nouveau type sénégalais (NTS)» - attend également Macky sur de nombreux dossiers, à commencer par celui du renforcement de la démocratie, du développement et de la réduction des inégalités sociales, phénomène devenu des plus criards sous Abdoulaye Wade. Autant dire que le président sénégalais a du pain sur la planche et qu'il n'aura certainement pas le temps de souffler durant son mandat.
Bubacar Diop, professeur en sciences sociales à l'université Cheikh Anta Diop de Dakar, pense que le successeur d'Abdoulaye Wade peut réussir ses réformes à condition de s'investir dans le renouvellement des élites et d'impliquer davantage les jeunes dans la conduite des affaires du pays. Mais avant cela, «l'opinion sénégalaise jugera surtout Macky Sall en fonction des actions qu'il entreprendra pour redresser la justice qui est sinistrée, lutter contre la corruption et mettre fin à l'impunité, un phénomène qui a prospéré durant l'ère Wade», indique Amadou Kanoute, directeur exécutif de l'Institut panafricain pour la citoyenneté, les consommateurs et le développement (Cicodev). Son organisme accompagne justement un groupe de paysans de Diokoul chassés de leurs terres par Abdoulaye Wade.
D'ores et déjà tout le monde attend, au Sénégal, la suite que réservera la justice — Macky Sall a promis qu'elle sera impartiale — dans l'affaire Bethio, un cheikh mouride originaire de la ville de Thiès réputé jusque-là pour être un intouchable et qui vient d'être arrêté pour complicité de meurtre. Il en est de même pour les dossiers de corruption qui viennent d'éclabousser Abdoulaye Wade et son clan.
Pour les médias dakarois, il n'y a en effet pas de doute : les Sénégalais ne jugeront de la crédibilité et du sérieux de leur président qu'au terme de cette dure mise à l'épreuve. Et Macky Sall le sait très bien, lui qui n'est pas issu de la majorité wolof.


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