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A 20 ans, dans le guêpier israélo-palestinien
Tayeb Sahraoui. Engagé dans le fplp de George Habache, membre du réseau Boudia
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2012

«Avant tout, soyez toujours capables de sentir au plus profond de vous-mêmes n'importe quelle injustice, commise contre n'importe qui, dans n'importe quelle partie du monde. C'est la plus belle qualité d'un révolutionnaire.» Che Guevara
Comment devient-on révolutionnaire ? Pour répondre à une urgence ou à un appel ? Par nécessité ou par vocation ? Sans doute faudra-t-il pencher pour cette dernière dans le cas de Tayeb Sahraoui, engagé à 20 ans dans l'inextricable conflit israélo-palestinien.
En tous cas, c'est moins le fait d'un simple hasard que d'une conviction profonde qui a fait flores à une période où le mot Révolution voulait dire quelque chose.
«J'ai été séduit dans ma jeunesse par la philosopie humaniste, par les idées de progrès et par les luttes contre toutes les injustices. Et puis il y a eu l'influence de Che Guevara qui croyait en la lutte armée comme unique solution pour les peuples qui luttent pour se libérer. Il avait déclaré : ‘‘Je suis conséquent avec mes convictions. Beaucoup m'appelleront un aventurier et je le suis mais un aventurier d'un type différent, un de ceux qui risquent leur peau pour démontrer leurs vérités.'' Et ce n'est pas un hasard si le livre de Leo Sauvage, Le cas Guevra, la table ronde 1971, trône sur le buffet aux côtés d'un autre ouvrage sur El Mouatazila, écrit en arabe».
Un lecteur assidu
Cette proximité langagère renseigne sur les gouts de Tayeb Sahraoui, bilingue et féru de bonne lecture et qui est aussi bien à l'aise avec Eluard qu'avec Nizar Kabbani ! L'histoire de Tayeb pourrait faire l'objet d'un film. Le scénario est prêt puisqu'il met en scène ce jeune Algérien de 20 ans qui est allé, au début des années 1970, guerroyer aux côtés des Palestiniens.
Au nom de l'internationalisme mais surtout en guise de solidarité avec la cause palestinienne trahie, pour laquelle il a milité sans fléchir malgré tous les périls. Il a fait partie du réseau Boudia assassiné par le Mossad le 23 juin 1973 à Paris, tout en étant militant du FPLP de George Habache, du temps où Beyrouth était le réceptacle des revendications arabes et aussi de leurs frustrations.
Tayeb a activé, sécurité oblige, sous diverses identités, changé constamment de planque et de look, sachant qu'il était dans la ligne de mire du redoutable service secret israélien… Il y a de la grandeur dans la voix et de le clarté dans le regard de ce grand bonhomme de 62 ans aux cheveux aussi blancs que neige. Son parcours est aussi atypique que ses positions théoriques qui renvoient à ces révolutions romantiques, j'allais dire utopiques, avec ce désir fou mais inébranlable de vouloir changer le monde. Tayeb confesse modestement que sa passion est née des idées en vogue à l'époque qui magnifiaient le socialisme et les lendemains qui chantent.
«J'ai appris, malgré moi, que lutter pour une juste cause est aussi un acte de générosité.» Pourquoi cette fascination pour le Che ? «Parce que le livre que j'ai entre les mains traite du pouvoir et de l'acharnement à s'y accrocher pathétiquement mais pitoyablement quoiqu'il en coûte fût-il par l'un des plus résolus ennemis de l'impérialisme, Fidel Castro en l'occurrence, au cœur de la disparition énigmatique de l'emblématique Guevara. Cette histoire taraude toujours les esprits qui se résignent à croire que l'action politique rime souvent avec machiavélique.»
Elle éveille aussi quelques réminiscences lorsque Che évoquait la nouvelle politique du Tiers Monde et l'axe Alger-La Havane ! Tout ça c'est de l'histoire ancienne !..», murmure presque en silence Tayeb déçu par la tournure des événements, «et l'avènement de cette globalisation qui écrase tout sur son passage. Même les idées humanistes, si généreuses, ont tendance à se diluer dans le magma de la médiocrité».Tayeb Sahraoui est né en 1950 à Ouled Soukies près de Souk Ahras. Etudes scolaires à Taoura puis au lycée Okba et Amara Rachid à Alger. En 1964, il est l'un des premiers harraga en se rendant en Libye où il passe deux années. Puis cap sur l'Egypte où il poursuit ses études et obtient son baccalauréat en 1969.
De cette période, il garde le souvenir d'une certaine effervescence estudiantine dans le camp algérien, notamment au Caire et à Paris, plaques tournantes de la contestation anti-Boumediène et que celui-ci tentait de contenir tant bien que mal en mettant brusquement fin aux activités de l'UNEA. De son enfance, Tayeb garde des images diffuses. «Ce qui m'avait marqué, c'était les monuments historiques qui cernaient mon lieu de naissance et notamment le plus grand théâtre romain à Khemissa. Mais celui-ci et les vestiges alentour étaient beaucoup plus perçus comme des ruines que comme un patrimoine culturel de valeur par la population locale…» En 1969, Tayeb s'inscrit à la faculté de médecine de Damas où il se hisse jusqu'à la 4e année tout en militant aux côtés des Palestiniens.
Destiné à la médecine
«Il y avait un camp d'entraînement au nord de la Syrie, et Essaïka était la seule organisation palestinienne à avoir le soutien de Damas à l'époque. Mais il y a eu le fameux septembre noir qui a emporté Nasser et les maigres espoirs unionistes arabes. C'était une implosion douloureuse. La seule frontière ouverte était celle du Liban qui accueillait les Palestiniens toutes tendances confondues. Le Liban était réellement la plaque tournante du monde arabe, que ce soit au plan culturel ou politique, ce qui agaçait fortement les régimes arabes réactionnaires. Même le régime de Boumediène, qui voulait se faire accepter après le coup d'Etat, avait droit de cité avec la revue El Balagh dirigée par Abdelkader Bensalah (actuel président du Sénat) et financée par le Trésor public. C'était le prix à payer pour une hypothétique légitimité…
Le Liban et l'Egypte étaient à l'avant-garde de la lutte contre le sionisme. La mort de Nasser et la guerre civile programmée au Liban ont mis fin à cet axe. Le conflit israélo-arabe deviendra israélo-palestinien. Au Caire, il y avait un groupe d'étudiants algériens de grande valeur comme Med Bouchehit, engagé dans les organisations palestiniennes, et Ali Benachour, journaliste à El Hadef de George Habache dont il était le conseiller. Amin Maâlouf le célèbre écrivain travaillait sous ses ordres.
Ali Benachour, traqué par le régime de Boumdeiène, est mort en1997 en Tunisie dans la solitude et le désespoir. Le défunt ne cessait de dire que la langue n'est qu'un moyen de véhiculer les messages. Les régimes l'ont instrumentalisé pour créer un faux clivages arabisants francisants, alors que le véritable problème est celui de la lutte des classes…»
Tayeb activera au sein du FPLP et fera de nombreux allers-retours entre Beyrouth et Paris où il est chargé de l'armement dans le réseau de Mohamed Boudia. Tayeb n'omettra pas d'évoquer ses camarades de lutte, Mohamed Benmansour, syndicaliste très engagé, Hamoud Boukercha, dit Khaled El Djazaïri, enfant de Boudouaou, compagnon de Yasser Arafat, mystérieusement abattu alors qu'il tentait d'intercéder entre deux factions palestiniennes rivales. Balle perdue, avait-on conclu ! Lors du transfert de sa dépouille alors qu'on l'attendait au salon d'honneur, on l'a fait sortir par le frêt comme une vulgaire marchandise. Hamoud n'était pas un politicien, mais un révolutionnaire, un vrai ! Son père pensait que c'était un aventurier, un voyou. Il ne savait pas ce qu'il faisait au Liban. Il ne le saura que lorsque Yasser Arafat, en toute discrétion, viendra à Boudouaou lui présenter ses condoléances. Ce jour-là, le père de Ali avait pleuré à chaudes larmes, ce qu'il n'avait pas fait lorsqu'il apprit la disparition de son fils en juin 1981.
En ce qui me concerne, je m'occupais de l'armement et de son transfert, j'avais une amie troskiste devenue ma compagne, mais qui ne se doutait pas de nos activités. On s'entraînait pas loin de Beyrouth sur pratiquement tous les types d'armements. J'étais en contact avec Boudia à Paris, où Harbi et Zehouane avaient créé le Rassemblement unitaire révolutionnaire (RUR) avec Absi Larbi et bien d'autres, Boudia avait averti Boumediène au cas où il toucherait à l'intégrité physique de Ben Bella. L'épouse de ce dernier venait à Paris où on l'encombrait de livres qu'elle amenait à son mari emprisonné. Mais le RUR a fait long feu. Bien après, et lorsque Ben Bella a été libéré et créé le MDA, c'est Ali Benachour qui faisait pratiquement seul le journal El Badil. Concernant le RUR, je pense que Harbi et Zehouane avaient compris qu'il était vain de s'opposer à un régime militaire fermé. Aït Ahmed, plus rompu à ces luttes, plus rusé, n'avait pas réussi à le faire, comment, eux, pouvaient-ils renverser la vapeur ? Quant à Ben Bella, je pense que la prison l'a changé ! Il a renié ses principales convictions. Pire, il a largué ses proches collaborateurs, des hommes de gauche qui se sont tant sacrifiés pour suivre une autre trajectoire.»
En 1977, Tayeb quitte la Syrie où il n'était plus désirable pour rentrer au pays où il effectue son service national à l'Ecole de la santé militaire de Sidi Bel Abbès puis à Larbaâ Nath Irathen pour l'achever à l'hôpital Maillot. En 1980, il est enseignant vacataire à la formation professionnelle de Birkhadem. Il est collaborateur de Abdelmadjid Allahoum au ministère de la Culture et du Tourisme. Il dirige l'hôtel Gourara de Timimoun pendant 2 ans. Il exerce depuis quelques années dans le secteur privé. «A propos de ce parcours haché aux relents d'aventure, il dit ‘'ne rien regretter de tout ce que j'ai accompli : ce qui me chagrine, en revanche, c'est la régression des forces progressistes, du vide effarant de démocratie et surtout de l'effacement des démocrates. Aventurier ?
Oui je peux me considérer comme tel. Je baignais dans un univers marqué par les luttes internationalistes. Je l'avais voulu. J'en ai peut-être payé le prix, mais je ne renie aucunement mon passé. Je considère qu'il y avait une bonne dose de témérité dans ma démarche d'autant que j'étais traqué à l'instar de mes amis Sid Ali Mezouane, Boukercha Benmansour, tous activement recherchés. Le Mossad a assassiné un certain Mohamed Bouchouika de nationalité marocaine, à Oslo en 1972, juste parce qu'il ressemblait à Benmansour. Je peux citer aussi Chabane Kadem, ancien présentateur de la RTA, force de frappe de l'organisation militaire de Boudia qui a, à son actif, l'incendie du pipe-line de Trieste et qui ne connaît pas un mot en arabe. Il s'est pourtant investi pleinement en tant que militant sincère de la cause palestinienne, jusqu'à ce jour, il est toujours fiché…
En 1997, j'avais un projet de création d'une revue politique et culturelle El Ikaâ (Rencontres), mais le projet s'est éparpillé aux quatre vents. La ligne éditoriale progressiste n'entrait pas dans le moule unanimiste conservateur rétrograde. C'était inacceptable pour les gardiens du temple venant de surcroit d'un arabophone.
Ami de Tahar Djaout
Dans les années quatre vingt dix, un ami comorien, enseignant à Annaba, et le photographe Bricage, venu dans cette ville pour réaliser un livre sur El Hadjar, s'étaient associés pour mettre à jour Photos d'acier, un excellent ouvrage sur le plus grand complexe sidérurgique d'Afrique rempli de photos magnifiques. Comme il manquait la préface, on a sollicité Tahar Ouettar qui a refusé, on a fait appel alors à Tahar Djaout, qui nous a offert un splendide texte intitulé La Carapace qui reste un morceau d'anthologie. C'est Nabham qui l'a fidèlement traduit. C'est là que j'ai rencontré Djaout, et on est devenus amis. Il ne pensait pas qu'un arabophone puisse sortir du carcan du conformisme figé et dépasse. Vous savez le FDLP était dirigé par Hadad de confession chrétienne, idem pour le FPLP de Habache qui avaient axé leur lutte sur le progrès et la modernité. Le problème n'est pas dans la langue véhiculée, il est dans les idées. En l'absence de forces de progrès, il est vain d'attendre des miracles. Voyez où on en est arrivés ! Notre destin se joue désormais entre les opportunistes et les islamistes. Tout le monde sait que cette mixture ne peut rien donner de positif à un pays gagné par la désespérance…
Ils ont sali le FLN, ils ont sali la religion. Ils ont sali nos valeurs. Que peut-on attendre encore de cette bande mafieuse de fossoyeurs ? La solitude, il l'assume et ne semble pas lui peser même s'il avoue se débattre chaque jour avec ses angoisses existentielles et celles encore plus douloureuses de ce bas monde.


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