Ghaza: plusieurs martyrs et blessés au 212e jour de l'agression sioniste    Faid appelle les banques à proposer des produits innovants adaptés aux besoins des citoyens    Natation/Championnats d'Afrique Open: l'Algérie décroche six nouvelles médailles, dont trois en or    Infarctus du myocarde: des artistes prennent part à une opération de sensibilisation et de formation aux premiers secours    Les médias ont contribué avec force dans la lutte du peuple algérien, avant et pendant la guerre de libération nationale    Sétif: une pléiade d'artistes et de réalisateurs à l'ouverture des Journées internationales du cinéma    Le président de la République décide d'assurer la prise en charge médicale de l'artiste Bahia Rachedi et la transférer à l'étranger    Le wali honore la presse locale    La CPI déclare que ses activités sont «compromises» par les menaces    Abbas a salué la décision de la République Trinité-et-Tobago de reconnaître l'Etat de Palestine    Unesco : Le Prix Guillermo Cano pour la liberté de la presse décerné aux journalistes palestiniens    L'Organisation nationale des journalistes algériens appelle à poursuivre les efforts pour relever les défis    Ça se froisse de partout !    Kheireddine Barbari chef de la délégation sportive algérienne aux JO 2024    L'entraîneur demande la résiliation de son contrat    A Monsieur le président de la République    Du nouveau pour la protection des travailleurs !    La kachabia à l'épreuve du temps    Lettre ouverte A Monsieur le Président de la République    A Monsieur le président de la République    Lettre ouverte Excellence, Monsieur le Président de la République    Pénurie et gaspillage de l'eau    La styliste palestinienne, Sineen Kharoub, invitée d'honneur    Hasna El Bacharia inhumée au cimetière de Béchar    Recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste de l'OAS du 2 mai 1962    Le président de la République appelle l'OCI à contrer l'islamophobie    Les réalisations économiques et sociales de l'Algérie mises en avant    Le président de la République appelle à la réforme de l'OCI    BAC/BEM 2024 : les dates de retrait des convocations fixées    Les prochaines présidentielles sont le symbole de la légitimité populaire des institutions et le garant de la stabilité institutionnelle    Bouira: la Protection civile algérienne mène un exercice de simulation d'un fort séisme    Grand prix de cyclisme de la ville d'Oran : Nassim Saïdi remporte la 28e édition    Le Front El Moustakbal appelle à élever l'action politique à la hauteur de la dynamique que connait l'Algérie    Ouverture de la 10e édition du Forum africain de l'investissement et du commerce    AG Ordinaire du Comité olympique et sportif algérien : adoption des bilans et amendement des statuts    Le CNJA salue les réalisations accomplies par le secteur    La protesta estudiantine occidentale face aux lobbies sionistes.    Megaprojet de ferme d'Adrar : « elmal ou Etfer3ine »    ALORS, MESSIEURS LES DIRIGEANTS OCCIDENTAUX : NE POUVEZ-VOUS TOUJOURS PAS VOIR LES SIGNES ANNONCIATEURS DUN GENOCIDE A GAZA ?    Témoignage. Printemps Amazigh. Avril 80    Le Président Tebboune va-t-il briguer un second mandat ?    L'imagination au pouvoir.    Le diktat des autodidactes    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Ils revendiquent la régularisation de la Pension complémentaire de retraite: Sit-in des mutualistes de la Sonatrach devant le siège Aval    Coupe d'afrique des nations - Equipe Nationale : L'Angola en ligne de mire    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



DJILALI BENCHEIKH
�Boudia me laisse l�image d�un homme total�
Publié dans Le Soir d'Algérie le 15 - 01 - 2011

Le Soir d'Alg�rie : Quand on vous conna�t un chou�a, on sait que votre roman s'inspire de faits v�cus. Pourriez-vous nous les relater en situant les dates et les personnages?
Djilali Bencheikh : Tout commence le 2 juin 1973. Mohamed Boudia, homme de culture et d'action, m'envoie � Beyrouth pour, dit-il, transmettre un message, une amana � des fr�res palestiniens. Etant mon chef dans une organisation d'opposition alg�rienne et surtout un complice dans bien des domaines, c'�tait difficile de refuser.
Je pensais qu'il s'agissait de tracts ou d'articles de presse qu'il fallait transporter en douce. Je me suis retrouv� devant une valise � double fond dont j'ignorais le contenu. Mais d'un sourire lumineux, il me rassure : rien de grave, dit-il, et puis l'a�roport de Beyrouth est une passoire. On n'emb�te pas les touristes. Il a eu faux sur toute la ligne. Mais je ne lui en ai pas voulu. La police libanaise m'a arr�t� puis rel�ch�. Pour me suivre, bien s�r. Puis quand j'ai r�ussi � contacter les responsables de Septembre noir, ils m'ont conseill� de ne pas quitter Beyrouth. D'abord parce que Interpol �tait � ma recherche. Interpol donc les services isra�liens. Et puis, eux, par respect, pr�f�raient que Boudia vienne lui-m�me g�rer mon histoire. Je ne l'ai h�las jamais revu puisqu'il a �t� explos� dans sa voiture le 28 juin � Paris juste devant Jussieu. Il faisait partie de la sinistre liste de Golda Meir. La Premi�re ministre isra�lienne a jur� d'assassiner tous ceux qui avaient de pr�s ou de loin tremp� dans la prise d'otages de Munich en septembre 72.
On reconna�t bien s�r le personnage de Mohamed Boudia derri�re le portrait de Nadir Benhila. Dans quelles circonstances avez-vous connu Boudia et quelle image avez-vous gard� de lui ?
J'ai connu Boudia dans le cadre du RUR alors que j'�tais �tudiant � Paris au d�but des ann�es 70. Le Rassemblement unitaire des r�volutionnaires militait en France pour la d�mocratie en Alg�rie. Et pour la lib�ration de tous les prisonniers politiques dont l'un des plus c�l�bres, Ahmed Ben Bella, embastill� depuis 1965. J'ai rejoint quelques �tudiants et intellos, dont Mohamed Benmansour, pas mal d'ouvriers plus benbellistes que r�volutionnaires, un ancien d�put� Sa�d Absi, un po�te nomm� Ahmed Azeggagh et bien s�r Boudia que j'appelais famili�rement Soustara. Lui �tait originaire de ce quartier de La Casbah (ex-Montpensier) et ma famille y �tait alors �tablie. Je me doutais que Soustara �tait totalement engag� dans des actions militaires pro-palestiniennes. Mais j'en ignorais les d�tails. Il y avait un compartimentage strict entre la section purement politique et le groupe Action qui comptait aussi quelqu'un comme Khaled de Boudouaou, mort au combat aux c�t�s de Yasser Arafat, ou celui que j'appelle Rachid et qui est le seul survivant des protagonistes de mon roman. Boudia me laisse une image d'homme total. La figure du h�ros parfait, loin de toute id�alisation. Play-boy, autodidacte venu de loin, baroudeur culturel : on se souvient de son amiti� avec Jean Vilar et ses initiatives in�dites quand il a dirig� le Th��tre national alg�rien avant le coup d'Etat du 19 Juin. Il me s�duisait par la coh�rence de ses actes avec ses id�es. Il avait l'envergure d'un Benbarka en gestation. Homme de principe, il ne parlait pas en l'air. Mais comme tous les h�ros, il avait sa part d'ombre et comme tous les hommes d'action ce n'�tait pas toujours un tendre.
On a du mal � comprendre comment un r�volutionnaire comme lui, rompu aux luttes clandestines, ait pu confier une mission aussi d�licate que le transport de passeports europ�ens trafiqu�s � un novice comme vous. Qu'aviez-vous compris de sa strat�gie ?
Vous avez raison, cela para�t �tonnant. Mon explication est simple. A cette �poque, juin 73, il �tait traqu�. Plusieurs de ses hommes �taient morts, emprisonn�s ou exil�s au Moyen- Orient pour sauver leur peau. Il a donc d� recourir � l'exp�dient que j'�tais. Quand je lui ai dit qu'il me bousculait par la mission venue sans pr�paration, il m'a r�pondu : Nous autres, Arabes, nous sommes toujours bouscul�s. Ce Nous autres incluait tous les d�munis, les zawalis de la terre, les opprim�s... Il a donc par� au plus press� comptant sans doute sur ma na�vet� pour tromper les douaniers libanais. Il est vrai que l'�tau isra�lien se resserrait sur lui � Paris. Les fr�res palestiniens comme la direction du RUR le suppliaient de foutre le camp. Il semble que m�me certains policiers fran�ais l'aient somm� d'aller voir ailleurs, ne voulant pas avoir un cadavre sur les bras. Mais lui retardait son d�part, ayant toujours une t�che � finir. D'apr�s Azeggagh qui �tait son intime, il semble qu'il se pr�occupait de l'installation de ses fils tout juste venus d'Alger. Moi je pense qu'il y avait inconsciemment dans son attitude une forme de d�fi � Golda Meir. Il n'avait pas envie de prendre la posture du fuyard. Mais le Goliath isra�lien a eu raison du David alg�rien. Je suis s�r que par d�fi, il est mort le sourire aux l�vres et de bonne humeur...
Vous aviez 25 ans et vous �tes arr�t� par la police libanaise dans une ville, Beyrouth, d�j� �picentre de ce d�chirement qui pr�figurait l'explosion de 1975. A quoi pensiez-vous dans votre cellule du commissariat le premier soir ?
A plein de choses. D'abord serai-je capable de r�sister � la torture si on me soumettait � la question pour me soutirer des renseignements. Et j'ai pens� � tous ceux qui sont pass�s par l� pendant la guerre d'Alg�rie ou apr�s le 19 Juin. J'ai pens� � Boudia non pas pour lui en vouloir mais en me disant qu'il devait �tre bien d��u de me voir �chouer � ma premi�re op�ration. J'ai pens� aux potes du mouvement qui n'�taient pas au courant de ma mission. Bien s�r, j'ai pens� � ma petite ch�rie rest�e � Paris et � qui j'avais invent� un bobard pour expliquer mon absence pr�vue pour une semaine. J'ai pens� � ma m�re au cas o� je prendrais un lourde peine de prison. Je connais la fragilit� des m�res d�s qu'il s'agit du sort de leurs enfants. A aucun instant je n'ai song� � m'�vader.
A vous lire, on a l'impression que vous avez v�cu de fa�on pragmatique la succession d'�v�nements qui faisaient de vous, sans que vous le sachiez, un combattant de Septembre noir ? A quel moment avez vous r�alis� la gravit� de la situation ? C'est � Beyrouth que vous apprenez par votre ami Rachid l'assassinat de Mohamed Boudia par le Mossad � Paris. Que vous ont dit les responsables de l'OLP et de Septembre noir ?
En fait contrairement au roman j'ai appris la terrible nouvelle en m�me temps que Rachid par le chef de Septembre noir, Abou Hassan Salam�. C'est l� que j'ai r�alis� l'envergure de ma m�saventure. Je me suis dit, le sort en est jet�. Vaille que vaille. Et apr�s. Abou Hassan �tait une sorte de Boudia palestinien. Plus jeune, tout aussi play-boy, ce trentenaire avait un charisme naturel. Il nous a transmis la tristesse et la consid�ration de Yasser Arafat et nous a assur� que Mohamed Boudia appartenait � l'histoire de la Palestine et personne ne l'oublierait. Nous le vengerons, je vous le promets. Il a tenu parole. Le chagrin de Abou Hassan �tait vraiment sinc�re. Pour un homme qui en a vu de rudes, c'�tait �tonnant. Il avait pour Boudia une grande admiration et un v�ritable �lan affectif. Faut dire qu'il perdait aussi un g�n�ral irrempla�able contre les services isra�liens.
Un certain Walid, qu'on peut soup�onner �tre Joumblatt, vous a dit dans le Chouf que chaque maison libanaise disposait d'un arsenal pour le jour de l'explosion. Comment avez vous appr�ci� r�troactivement les discussions avec cette notabilit� ? Pourquoi n'arriviez-vous pas � repartir de Beyrouth ? Vous �tes reparti finalement avec un passeport iranien ? �a vous inspire quoi aujourd'hui ?
Non, le Walid n'�tait pas le Joumblatt d'aujourd'hui. Mais j'avais beaucoup d'admiration pour son p�re Kamel, assassin� lui aussi dans la tourmente. Une tourmente apparemment pr�visible puisque ce dignitaire de la montagne en avait la prescience. Quand la guerre du Liban a �clat� au printemps 75, j'�tais � l'universit� d'Oran pour mon service national. J'ai tout de suite pens� � ce Walid du Chouf et � ses pr�visions calamiteuses. Sombre don visionnaire... Pourtant, m�me en �tant rest� coinc� trois mois l�-bas, je n'ai pas soup�onn� un instant la dimension du naufrage fratricide qui a tout ravag� juste deux ans apr�s mon passage. Qui aurait soup�onn� en 1970 qu'un pays comme l'Alg�rie sombrerait �galement dans une barbarie sans nom. J'en reste perplexe jusqu'� maintenant. Arriv� le 2 juin au Liban, je n'en suis reparti qu'au d�but septembre. Mohamed Benmansour, qui a un peu remplac� Boudia, a attendu que se termine la crise gouvernementale libanaise qui a dur� six mois. Par l'entremise des Palestiniens, il a sans doute n�goci� mon d�part. Mon retour se voulait discret � Paris. Je ne suis pas s�r d'avoir leurr� la police fran�aise. Muni d'un faux passeport iranien !!! A l'�poque, le r�gime pro-occidental du shah rassurait. Aujourd'hui, le pouvoir qui s�vit l�-bas est pire que la dictature du shah. Aussi, je fr�mis r�trospectivement d'avoir endoss� une telle nationalit�. Pour l'anecdote, je suis rentr� � Paris � la veille du 11 septembre de Pinochet. Comme quoi, la CIA comme le Mossad ne ch�maient pas.
Quand vous repensez � cette �poque des utopies, qu'est-ce que cela vous inspire politiquement et effectivement ?
De fait, quand je suis revenu � Paris j'ai constat� que la mort de Mohamed a port� un coup terrible au moral du mouvement. Les militants �taient d�sar�onn�s. Boudia repr�sentait une vitrine subjective h�ro�que qui compensait sans doute la faiblesse de cette organisation sur le plan id�ologique dans le combat pour la d�mocratie. Le RUR fonctionnait comme une famille plut�t que comme un parti. Ce qui explique en partie d'ailleurs sa rupture avec les communistes au moment de la dislocation de l'ORP, juste apr�s 65. Par ailleurs, Mohamed Harbi et Hocine Zahouane, qui faisaient partie de la famille, ont r�ussi � fuir l'Alg�rie en 1972. Ils ont pouss� � la transformation du parti qui a fini, je crois, en liquidation en 1975. Mais � ce moment-l� je crapahutais � Blida pour les besoins du Service national. Je ne connais pas les d�tails. Dans ma t�te, je m'�tais d�j� reconverti au culturel comme le pr�conisaient Azeggagh et Boudia lors de conversations priv�es. L'avenir de l'Alg�rie sera culturel ou ne sera pas, me r�p�taient-ils. Et quand le Printemps culturel a �clat�, j'ai compris leurs pr�dictions. Ce projet de livre me tient � c�ur depuis 37 ans. Je suis heureux aujourd'hui d'avoir abouti enfin. Non pas pour la gloriole personnelle, mais pour rendre hommage � ces hommes exceptionnels. La plupart l'ont pay� de leur vie, de Boudia � Khaled alias Tarzan. Le Palestinien Abou Hassan a lui aussi explos� dans sa voiture � Beyrouth en 1976. Seul reste de cette aventure celui que j'appelle Rachid pour prot�ger son anonymat. Lui est mur� en Alg�rie dont il ne peut pas sortir, Interpol veille toujours. Pr�s de quarante ans apr�s les faits, pas de prescription pour lui. L'homme cr�ve � petit feu, de rage et d'impuissance car sa famille, ses enfants sont en France. Il faut parfois payer tr�s cher la fid�lit� � ses id�es. Cette histoire me hante depuis 73. J'esp�rais un jour l'�crire pour que ces justes ne soient pas oubli�s. A chaque tentative, je butais sur la mort de Boudia, d�cid�ment trop douloureuse. J'h�sitais aussi sur le genre litt�raire � adopter. Comment restituer ce qui proc�de de l'�pique. Un essai, c'est trop froid ; un t�moignage ? pas envie de me singulariser ; j'ai trouv� cette forme mixte du faux polar qui vaut ce qu'elle vaut et que je souhaitais aussi l�g�re que l'humeur de ces hommes au combat. Me reste de cette �poque le souvenir d'une famille avec des liens de solidarit� qui font rire aujourd'hui. Ils �taient tous un peu po�tes � leur mani�re. Des Don Quichotte qui ont travers� le vent et dont on se moquerait dans cette soci�t� d'autistes qu'on nous impose de plus en plus. Mourir pour ses id�es ? Tu plaisantes, mon gars. Quant au sort des Palestiniens, il n'int�resse plus personne, hors les jeunes des banlieues qui enragent dans leur coin. Le travail d'occultation m�diatique a fort bien r�ussi en Occident. On l'a vu lors du massacre de Ghaza en 2008-2009. Le Mossad veille l� aussi.
Propos recueillis par Bachir Agour
SIGNET
Temps perdu
A le voir tra�nant un regard �baubi sur le monde, on ne croirait pas qu�il est pass� par l�. Djilali Bencheikh est bien un cachotier. �a peut faire de bons romanciers, ces gens qui ne disent pas tout. Venu tard � l��dition, il semble vouloir rattraper le temps perdu. Les livres se suivent composant une �uvre � intention proustienne dans cette obstin�e recherche du pass�. L��pisode racont� dans ce roman est exact, du moins en tr�s grande partie. En plus de l�aspect litt�raire, c�est un document sur la solidarit� alg�rienne en faveur des Palestiniens. C�est aussi un hommage � des compagnons de lutte et au premier d�entre eux, Mohamed Boudia.
B. A.
Candide au pays de �Septembre noir�
Kamel, �tudiant alg�rien � Paris, a un c�ur gros comme �a, mais il est du genre dilettante. Cependant, sa fr�quentation des troquets autour de Sorbonne- Panth�on ne tardant pas � le lasser, il opte pour le maquis, direction M�nilmontant. L� au moins, le peuple, �voqu� autour d'une table, n�est plus une vague notion appel�e � la rescousse de l�argumentation dans les d�bats byzantins de fin de cuite. C�est du concret. Petit � petit, Kamel se trouve ins�r�, plut�t qu�int�gr�, dans une sorte de fraternit� qui se r�v�le �tre en fait, un parti politique alg�rien clandestin, le Rare. Kamel y rencontre Nadir qui le fascine litt�ralement. Ce jeune de trente ans, ancien condamn� � mort du FLN, entr� dans l�opposition apr�s le coup d�Etat de Boumedi�ne en 1965, est administrateur du Th��tre de l�Ouest parisien avec son ami Vilar. Homme d�action, il brille comme une �toile dans la constellation parisienne, tout en �tant de fait un des principaux dirigeants du Rare, et incontestablement le plus charismatique d�entre eux. Bien qu�il ait cloisonn� ses activit�s, il est de notori�t� publique que Nadir m�ne des op�rations en faveur des Palestiniens. Enfreignant � dessein les r�gles de la clandestinit� qui recommandent de ne pas m�ler �politique� et �action�, Nadir propose au n�ophyte qu�est Kamel une mission au Liban. Rien de moins ! Pas vraiment rompu de corps et d�esprit � ce genre d�exercice, ce dernier h�site. N�anmoins, pour rester cons�quent avec lui-m�me, le r�volutionnaire de bistrot finit par dire oui. Ne lui a-t-on pas certifi� que l�op�ration �tait simple et sans risque ? Un banal portage de valise � double fond. Ce qu�elle contient ? Des documents, il n�a pas � en savoir davantage. Nadir dissipe les derni�res inqui�tudes de son poulain : le passage de fronti�re � Beyrouth s�effectue les doigts dans le nez, la douane de l�a�roport est une passoire. C�est du tout cuit ! En clair, il convie Kamel � une promenade de sant�. �a a beau �tre clair comme de l�eau de roche, les warnings de l��tudiant clignotent en son tr�fonds. Apr�s avoir pass� la situation aux rayons X, il se tient un raisonnement aux allures de c�te mal taill�e : si je suis pris, ce sera pour moi l�occasion de payer mon engagement en une autre monnaie que la parlote. Je me pr�pare mentalement � supporter jusqu�� deux ans de taule, ce qui revient � la dur�e du service militaire en Alg�rie. En gros et au pire, je troque, pour un laps de temps �quivalent, un devoir contre un autre. Go ! Et voil� comment, habill� d�un rutilant costume en jersey et d�une valise fournis par le service Action du Rare, Kamel embarque. Beyrouth ! Si effectivement tout le monde descend, tout le monde ne passe pas. Enfin, tout du moins, pas notre protagoniste. D�oiseau migrateur, le voil� pigeon. Dans le double fond aux allures de pochette surprise de sa valise rouge, les flics libanais d�gotent des passeports europ�ens. Et pas qu�un peu ! Et dans son cartable d��colier qui lui tient lieu de bagage � main, on d�couvre qu�il cache le passeport du repr�sentant de l�OLP � Paris, qui vient juste d��tre assassin� par le Mossad. C�est tellement lourd de cons�quences, que �a en devient l�ger. Le calcul est vite fait, c�est la taule � vie. Ce qu�ignorait Kamel, c�est que les policiers libanais le connaissaient, eux. Sans le savoir, il bosse pour �Septembre noir�, groupe d��lite qui doit son nom au massacre de 1970 en Jordanie. L�organisation la plus recherch�e du monde ! Eh bien je vous le dis, � la place de Kamel, vous auriez �t� comme lui, KO en l�apprenant. L�interrogatoire vire � la s�ance d�information. Tout ce qu�il n�a pas appris par Nadir lui est livr� par les cond�s. Dans le Liban d�alors, rien n�est impossible � Septembre noir. Le commissaire demande avec humilit� � Kamel de lui expliquer ce qui se passe dans son propre pays. C�est dire ! Kamel est lib�r�, mais fil�. En plein d�sarroi, sans argent, sans protection, notre h�ros erre apeur� dans Beyrouth qui regorge d�agents du Mossad, fascin� par le spectacle de la ville la plus contrast�e et la plus explosive du monde. Comme l�humour, cette politesse du d�sespoir n'est pas absente du r�cit, c�est sans surprise que l�on voit successivement Candide demander au commissaire principal de Beyrouth de le d�panner, puis se rendre � l�ambassade d�Alg�rie pour solliciter une aide p�cuniaire� qu�il obtient ! Au creux de la vague, contre toute attente, Kamel reconna�t, dans un caf�, un Alg�rien coll� au flipper. C�est Rachid, un autre membre du Rare, section action, qui l�emm�ne au camp de Sabra o� l��me sensible de Kamel s��merveille au spectacle des enfants palestiniens. Dans un appartement trash, en compagnie d�un militant de Septembre noir et d�une belle plante, Kamel va d�sormais attendre la suite des �v�nements. La mission consiste � concocter son retour � Paris, tout en meublant alternativement les temps morts de baignades et de tourn�es des grands ducs en compagnie d�un Rachid qui circule comme un poisson dans l�eau dans une Beyrouth arm�e jusqu�aux dents. C�est dans ces conditions qu�il apprend la mort de Nadir dans un attentat � la voiture pi�g�e. Son successeur � la t�te du Rare ne tarde pas � d�bouler. Rachid, militant tremp�, ne calcule pas son nouveau chef. Kamel lui-m�me, nagu�re hypnotis� par feu Nadir, n�a pas plus que lui d�atomes crochus avec le boss, un Tlemcenien sensible aux mondanit�s. Ce dernier embarque Kamel dans une maison du Chouf o� il donne des r�ceptions r�unissant la gauche libanaise. Il met alors un terme � l�expectative de Kamel en lui d�brouillant un passeport de commer�ant iranien afin de rentrer � Paris avec de grosses sueurs froides, on en aurait � moins, mais sans anicroches. Il est ais� de reconna�tre derri�re les noms des protagonistes les vrais patronymes des personnages d�une histoire v�ridique. Djilali Bencheikh a effectu� cette mission sur l�ordre de Mohamed Boudia. L�identit� des autres protagonistes, tout aussi r�els, ne peut �tre d�voil�e. Le roman de Bencheikh est le r�cit d�un jeune que le romantisme r�volutionnaire a propuls� dans le cruel de l�action. S�il en est revenu �corch�, cela ne l�a pas pour autant empli d�amertume. Le r�cit est empreint d�un humour et m�me d�une certaine l�g�ret� qui, en all�geant la tension, nuit quelque peu � la densit� intrins�que de l�histoire.
B. A.
Djilali Bencheikh , Beyrouth canicule, Elyzad, 277 pages.
Biographie
Djilali Bencheikh est n� en Alg�rie � la fin de la Seconde Guerre mondiale. Apr�s des �tudes d'�conomie � Alger puis � Paris, il se tourne vers la vie associative, le journalisme et la litt�rature. Il a longtemps �t� chef d'�dition � la section fran�aise de Radio Orient, o� il a anim� une chronique quotidienne de litt�rature intitul�e �Au fil des pages�. Aujourd�hui, il se consacre � l��criture.
Bibliographie
Mon fr�re ennemi, roman, S�guier, 1999.
Voyage au bord de l�enfance, chroniques, Paris-M�diterran�e, 2000.
Tes yeux bleus occupent mon esprit, roman, Elyzad, 2007. Prix Maghreb 2007 de l�Association des �crivains de langue fran�aise (Adelf).
Lella, in Ma m�re, recueil dirig� par Le�la Sebbar, Ch�vre-feuille �toil�e, 2008.
Julia des Sables, in Sortil�ges sahariens, Ch�vre-feuille �toil�e, 2008.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.