Cette saison, les Sétifiens ont célébré avec faste leur second doublé. Il y a 44 ans, en 1968, l'Entente de Sétif décrochait le premier doublé de son histoire. A cette époque, l'équipe était constituée uniquement de joueurs du cru. Messaoud Koussim, l'un des grands artisans de cette conquête, témoigne. «c'était la belle époque, celle de l'amour profond des couleurs du club de la ville et du respect des aînés. Ces valeurs n'ont plus cours aujourd'hui. Je ne puis admettre que l'Entente joue sans ses enfants et soit entraînée par un étranger. Attention, il ne faut pas se méprendre sur ce que je dis. Je respecte le coach suisse pour ce qu'il a accompli cette saison, tout autant que les joueurs venus de divers horizons. J'estime qu'à Sétif, il y a des footballeurs qui sont dignes de porter le maillot du club et des entraîneurs qui ont les capacités pour diriger notre club. Malheureusement, ces deux catégories sont marginalisées par la faute de ceux qui dirigent ce prestigieux club. Ils ne sont pas les seuls dans ce cas. On dit souvent ‘‘ le football aux footballeurs''. Dans la réalité, personne ne l'applique. Le président de la fédération a-t-il été footballeur pour diriger cette institution ? Non !». Du haut de ses 71 ans, il est né le 6 février 1941, «Saoudi», comme l'appellent affectueusement les enfants de Aïn Fouara, demeure un témoin privilégié de l'histoire de l'ES Sétif. Sur ce chapitre, il est intarissable. De ses premiers pas dans le sport et le football au lycée Mohamed Kerouani, ex-Eugène Albertini, il garde des souvenirs impérissables, tout comme sa rencontre avec les militants de la cause nationale et pionniers du sport à Sétif, cheikh Laïfa Benmedras, Layas Benaouda et surtout feu Mokhtar Arribi «le père spirituel des footballeurs sétifiens», selon celui qui allait concilier à merveille les études et le football. Après des études réussies, il se tourna vers ce qui allait être son second sacerdoce après le football, à savoir avocat. Sur les terrains en tuf, il était un vrai chasseur de buts avec des frappes très lourdes. Lorsqu'il enfilait la robe noire, il restait toujours aussi percutant avec le verbe. «Ses plaidoiries étaient un régal. Il défendait ses clients et les causes justes mieux que les défenseurs de la squadra azzurra en finale de Coupe du monde», souligne un de ses nombreux amis. «Saoudi» évoque avec émotion «ces années où le football était rassembleur, pas diviseur comme il l'est aujourd'hui, cette époque où la fraternité, la camaraderie, la loyauté n'étaient pas des valeurs vidées de leur substance comme c'est le cas présentement». L'ancien avant-centre de l'ESS et avocat à la retraite est «un homme comblé par son parcours dans ses deux vies (footballeur -avocat) et regrette un peu que les dirigeants n'accordent pas une grande importance aux petites catégories et tournent le dos à la formation qui, à ses yeux, est la clé de la réussite en football», indique celui qui a remporté trois fois la coupe d'Algérie, en 1962 face à l'ES Mostaganem, 1967 contre la JSM Skikda, et 1968, année du premier doublé, devant le NAHD, finale au cours de laquelle il a marqué un but. Pour ceux qui veulent connaître les secrets du «légendaire second souffle sétifien», il affirme : «Mokhtar Arribi était à la base de ce ‘‘miracle''. Il nous faisait travailler durement la condition physique. Par temps de pluie, vents, neige, chaleur on avalait des kilomètres de courses et de footing. Physiquement, les joueurs étaient toujours au top grâce justement à cette méthode d'entraînement qui était, à l'époque, révolutionnaire. Le second souffle, c'était le fruit d'un dur travail physique qui se matérialisait le jour du match». Les rues de Bel Air, les espaces à proximité du stade Guessab, la montagne Meghres et les côtes et collines des alentours de Hammam Guergour ont forgé la légende du second souffle sétifien. Avant de se quitter par cette journée printanière où il nous a accueillis chez lui, Saoudi délivra cette recommandation-testament : «Sétif a toujours été une terre de football. Il faut croire en ses enfants. Au fil des générations, ils ont prouvé qu'ils étaient de talentueux footballeurs. Sétif n'a que faire du titre de champion si dans l'équipe il n' y a pas de joueurs de la ville et de la région. En football, une seule chose rend heureux les Sétifiens : gagner la coupe d'Algérie et la fêter à Aïn Fouara.» Saoudi a porté le maillot de l'équipe nationale une seule fois. C'était en 1965, contre la Chaux de Fonds en Suisse et a marqué l'unique but algérien (1-5) d'une partie qui n'est pas allée à son terme à cause d'un violent orage qui s'est abattu sur la région. Ses coéquipiers avaient pour noms, Nassou, Bourouba et Mattem (Sétifiens comme lui), Messaoudi, Melaksou, Attoui, Lalmas, Aouedj… des joueurs de légende comme lui. Maître Messaoud Koussim a fait partie du bureau fédéral dans les années 1990. Une race d'hommes en voie d'extinction. Malheureusement.