Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Merad se recueille à la mémoire des martyrs du devoir et présente ses condoléances à leurs familles    Mascara: inhumation du moudjahid Ahmed Kari    Industrie automobile : le ministère de l'Industrie lance un appel aux compétences algériennes pour la création d'un conseil d'expertises nationales    Réunion d'évaluation consacrée au suivi de l'approvisionnement du marché et des préparatifs de la rentrée sociale    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'élève à 61.158 martyrs    Chaib met en exergue depuis le Turkménistan les efforts de l'Algérie pour soutenir les PDSL africains dans leur processus de développement    Canicule prévue jeudi et vendredi dans les wilayas de Relizane et Chlef    ANP: mise en échec de tentatives d'introduction de plus de 4 quintaux de kif via les frontières avec le Maroc    CHAN 2024: la sélection algérienne reprend les entraînements    Crash d'un avion de la Protection civile à Jijel: Boughali présente ses condoléances    Merad arrive à Jijel pour s'enquérir de la situation suite au crash d'un avion de la Protection civile    Prolongation du délai de dépôt des demandes de mutation pour tous les enseignants hors de leur direction d'affectation pour l'année scolaire 2025-2026    Quelle est la structure du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles du Gouvernement ?    Plus de 200 journalistes exigent l'accès à Ghaza et dénoncent un blackout sioniste    Réception de la tranche restante du projet de la pénétrante de l'autoroute Est-Ouest prévue fin 2026    34 morts et 1.884 blessés en une semaine    «66 % des bacheliers ont opté pour les filières des sciences et des technologies»    « Hommage à Abdelhamid Mehri : Un homme d'Etat, une conscience nationale »    Voyage au cœur d'un trésor vivant...    CHAN-2025 : Ouganda 0 – Algérie 3 Du jeu, de l'engagement, du ballon et une belle victoire    La Protection civile déplore cinq blessés    Sept médailles pour le tennis algérien    Chantage à l'antisémitisme pour justifier le Palestinocide    Jane Austen, une écrivaine toujours actuelle    Jeux africains scolaires: le Président de la République honoré par l'ACNOA    Révision prochaine des dessertes aériennes intérieures à l'échelle nationale    Annaba: diverses manifestations artistiques clôtureront les Jeux scolaires africains    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    1500 Palestiniens tombés en martyrs en tentant d'obtenir de la nourriture    Forte hausse de la valeur des actions échangées au 1er semestre 2025    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    La "Nuit des musées" suscite un bel engouement du public à Tébessa    De l'opulence à l'élégance contemporaine, le bijou d'Ath Yenni se réinvente sans perdre son âme    Jeux africains scolaires: Les athlètes algériens se sont distingués de manière "remarquable"    CHAN-2025 Les équipes, même sans le ballon, veulent dominer    Le président de la République honore les retraités de l'Armée et leurs familles    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Christine Angot-hanan el cheikh, musc de femme
La vie autrement dite
Publié dans El Watan le 02 - 03 - 2006

Ne reste-t-il aux femmes que la provocation pour se faire entendre et lire ? En jetant sur le marché du livre français son Inceste, Christine Angot, en colère, a récolté ce qu'elle croyait ne pas avoir semé : une curiosité perverse à propos de la chose qu'elle osait nommer dès le titre de son récit comme pour appâter les goûteurs de vérités croustillantes, crues à point, fondant sous la dent des ragots, y compris sur le plateau d'un Bernard Pivot, à qui, pourtant, on aurait donné un bon dieu de lettres sans confession.
Cela se passait pourtant en France. Difficile d'avoir une discussion sérieuse sur les corps et les femmes. A l'affût, la curiosité perverse qui dévoie l'œuvre dans une société dite civilisée. L'anathème en plus, quand la femme est arabe. Elle s'appelle Hanan El Cheikh. Un homme du Golfe entre dans une librairie à Londres et demande « le » livre de Hanan El Cheikh. Lequel ? demande le libraire. Celui où il y a des histoires d'amour entre femmes, répond l'acheteur gourmand. Depuis qu'elle a publié Femmes de sable et de myrrhe, Hanan El Cheikh n'a cessé de voir la rumeur s'enfler et se propager, comme dans le cauchemar vécu par Christine Angot, avec en prime, une mise à l'index comme au bon vieux temps de l'inquisition. Difficile de se faire lire et entendre, quand on ne cherche pas la provocation. Musc al ghazal. Musc de gazelle est le titre original du récit de Hanan El Cheikh qui a paru pour la première fois en 1988 à Beyrouth chez Dâr Al Adab. Ciblant un destinataire français, la traduction va à l'essentiel en annonçant un programme attendu : des femmes, une sensualité parfumée et un soupçon d'éphémère qui rend possible une fois encore le fantasme oriental. C'est exactement ce à quoi veut échapper l'écrivaine libanaise qui préfère à la myrrhe, le musc de gazelle, ce parfum extrêmement cher, précieusement lové dans une poche, sous le ventre de l'animal mâle. Crever la carte postale insipide en bradant dès les premières lignes « les tentes, les chameaux, la lune et les étoiles toutes proches, les oasis, les mirages, la soif et les graines de cardamome. » Plonger dans les profondeurs d'un labyrinthe interdit aux hommes, interdisant aux femmes de remonter à la surface, gardées par un minotaure invisible qui fixe quatre images. Quatre consciences de femmes en guise de représentation à huis clos dans un pays du Golfe. Soha, Tamar, Susan, Nour. Quatre femmes dans le désert qui est aussi une ville. Là où elles vivent, dans le lieu de leur concentration, ce n'est ni tout à fait le désert ni tout à fait la ville. Une ville qui lutte contre l'avancée du désert, et des femmes qui se concentrent sur leur intérieur bétonné contre le mâle extérieur. Moins de cercles que chez Dante, mais un encerclement qui ressemble à un enfer sans purgatoire. Dans l'univers très fermé des femmes, ni jugement ni condamnation. Chacune est libre de faire ce qu'elle veut. Tamar fait la grève de la faim et arrache à son frère l'autorisation d'ouvrir un salon de coiffure. Oisives, Susan, l'Américaine, et Nour, la grande bourgeoise courent après l'amour impossible. Tout cela tourne à vide, et c'est Soha, celle qui ouvre et clôt le livre, qui se charge de nous faire sentir le vide dans un intérieur que l'on croyait plein. Fraîchement débarquée de Beyrouth avec un enfant et un mari venu dans un des pays de l'or noir avec un bon contrat de travail en poche, la Libanaise est bien décidée à occuper ses journées. Soha veut travailler, sortir. Ne rien perdre de ses habitudes d'un autre pays, d'un autre âge. Embauchée dans un magasin, Soha passe les trois quarts de sa journée cachée dans une grande caisse en carton. Un verre dessiné sur l'emballage. « Attention fragile ». Soha a peur de l'inspecteur du travail. Soha transpire. L'homme a-t-il l'odorat développé ? Sentira-t-il le parfum de femme lové dans le ventre du carton ? Soha a peur. Elle quitte le magasin pour aller faire du bénévolat dans une association de femmes. Les portes s'ouvrent avec fracas. Un commando d'hommes venus vérifier qu'il n'y avait que des femmes. Le même commando contre le salon de Tamar, les mêmes hommes à la piscine, armés de bâtons, frappant sur toutes les tables pour disperser les baigneuses qu'ils ne sauraient voir. Dans le pays de l'or noir, les choses ne se passent pas comme Soha l'aurait voulu. Impression d'une vie qui va à contre-courant. Sensation bizarre et pénible. Escalader des vallées et dévaler des montagnes. Piégée, cernée, Soha tourne en rond. Acculée, il ne lui reste plus qu'à rester dans le seul lieu prescrit, celui où les femmes se concentrent sur elles-mêmes. Lieu de concentration et vide. Soha s'ennuie. Ira-t-elle chez Myriam ? Oum Keyrouz ? Tahani ? Dalal ? Myriam ? Partout le vide de conversations dévidées au rythme du temps qui passe pour rien, dans des maisons surchargées d'objets chargés de saturer l'existence. C'est avec cette saturation de vide que Hanan El Cheikh fait son livre. Véritable tour de force. Tableaux de femme arabe à variation multiple qui se mire dans elle-même. Quand le lieu de vie est vide, il ne reste plus à la densité référentielle qu'à plonger dans le ventre des femmes, dans le secret de leur âme lovée comme le musc de gazelle au fond de la bête, chère, précieuse et brûlante. Alors, voilà ! Que les femmes interdites de tout sauf d'elles-mêmes se livrent entre elles à des expériences que les mères elles-mêmes ne réprouvent pas, parce que la morale elle-même ne traque que la culpabilité avec l'homme, c'est une question secondaire et superbement intégrée dans un récit où je n'entends que le tourment de la fragmentation de l'être qui cherche à se rassembler, à se durcir, à s'unifier. En vain. Sauf à quitter le lieu de la concentration et retourner à Beyrouth dans l'avion qui ramène Soha chez elle à la fin de Femmes de sable et de myrrhe. Enfin, Hanan El Cheikh est arrivée. Grâce à elle, je vois que les femmes n'ont pas ce don extraordinaire qui leur permettrait proprement de se créer un univers à elles partout où elles se trouvent. Dans la destruction du cliché, je sens le musc al ghazal que le titre français a escamoté. Il faut parfois provoquer pour être lue et entendue.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.