L'ENTV en porte-à-faux par rapport à des points pratiques de service public télévisuel», souligne un rapport rédigé conjointement par la Ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme (LADDH) et l'institut Panos. Les auteurs du rapport ont interrogé dans la partie «Attentes de la société civile», un échantillon composé «d'une vingtaine de personnes». Parmi elles, un producteur et syndicaliste de l'ENTV accuse : «Alors que dans le sillage de la loi sur l'information de 1990 ont été créées des dizaines de boîtes de production privées, il n'en subsiste que trois ou quatre.» Et d'ajouter : «La direction de l'ENTV a fait main basse sur les commandes de programmes aux producteurs copains travaillant en Algérie ou à l'étranger. Elle a aussi recours de façon inconsidérée – et sans contrôle des organismes de passation de marchés – aux fournisseurs de programmes étrangers.» «Le pire est que des professionnels de l'ENTV sont laissés sans charge de travail. Sans contrôle aucun, le directeur général a la mainmise totale sur les programmes, et la tendance est d'acheter n'importe quoi et à n'importe quel prix. Le tout est d'éviter la pornographie, l'atteinte à la religion et à la politique de l'Etat», dénonce l'interviewé sous le couvert de l'anonymat. Dans le même sillage, un journaliste de l'ENTV affirme qu'«il y a une chape de plomb pour faire passer un seul message. Dans la grande majorité des situations et sujets importants, il n'y a que le message officiel qui y passe». Un enseignant universitaire estime que «l'ENTV est conçue plus comme un moyen pour diffuser un discours apologétique justifiant les actions du pouvoir central qu'une mission de service public». Un ex-membre du défunt Conseil supérieur de l'information ajoute que «l'ENTV est au service exclusif des gouvernants de l'heure». Un autre producteur de l'ENTV rappelle que «la production de films sur la guerre de Libération nationale est soumise à autorisation préalable des pouvoirs publics. Voilà pour renforcer l'écriture officielle de l'histoire. De même que la production de vidéogrammes. Si l'on contrevient à l'article 4 du projet, c'est-à-dire filmer sans l'autorisation du ministère de la Culture, on est passible d'une amende de 500 000 DA à un million de dinars, soit environ 5000 euros». Enfin, le rapport conclut le chapitre par un autre témoignage. Un haut fonctionnaire du ministère de la Communication, directeur de l'audiovisuel, qualifie l'ENTV de «télévision du tiers-monde, avec toutes les pesanteurs et aspects négatifs de la position géographique du pays». «C'est une télévision avec un organisme budgétivore, à l'encadrement peu qualifié pour manager une institution de premier plan», juge-t-il.