L'Algérie consacre des milliards en devises pour des expertises ou des opérations de mise à niveau. Les bénéficiaires de ces sommes faramineuses sont généralement des cabinets et experts étrangers, et ce, au détriment des spécialistes algériens qui n'ont rien à envier à leurs collègues européens, entre autres. Ainsi, des membres de l'Association nationale des experts judiciaires (ANEJ), créée à Blida en 2000, crient au scandale et parlent de leur marginalisation qui a trop duré. «L'Algérie fait souvent appel à des experts étrangers dans des domaines que pourtant nous maîtrisons. Nous connaissons la réalité algérienne mieux qu'eux. Paradoxalement, les spécialistes étrangers prennent dix fois ce que prend un expert algérien dans le cas où ce dernier décroche une expertise», dénonce Khelifa Mekhtich, expert judiciaire dans le foncier et président de l'Association nationale des experts judiciaires. Pour justifier ses propos, il dira qu'un «expert européen a exigé 180 millions de centimes pour l'expertise d'un barrage pour trois jours seulement. Nous sommes capables de faire une expertise bien meilleure que celle de cet expert étranger et avec un montant raisonnable». Notre interlocuteur nous a surpris lorsqu'il a déclaré qu'une expertise judiciaire est facturée avec un montant ne dépassant pas 5000 DA et payée avec beaucoup de retard. «Souvent, il n' y a même pas de grille unifiée entre les différentes cours de justice, puisque chaque institution judiciaire avance un montant comme bon lui semble !», a-t-il insisté. Pour un expert en économie et finances et membre à l'association en question, une banque publique a déboursé 30 000 euros pour sa mise à niveau. «C'est carrément de la folie», a-t-il déclaré, dépité. D'après lui, ce sont toujours les experts étrangers qui passent en priorité, surtout lorsqu'il s'agit de «gros marchés». «L'Algérie perd chaque année des milliards de dollars, car ne sachant pas optimiser ses dépenses. En tant qu'association, on espère être sollicités pour donner des avis d'expertise dans divers domaines. Nous connaissons notre pays mieux que les étrangers et on veut être impliqués dans son développement. Nous sommes des milliers d'experts en Algérie et nous voulons collaborer avec les institutions de l'Etat, non seulement pour notre bien, mais pour celui de tout le pays», a-t-il conclu. L'Association nationale des experts judiciaires compte des spécialistes dans le foncier, le BTPH, finances et commerce, génie civil, agriculture, médecine, mécanique industrielle, chimie industrielle et analytique, topographie, génie maritime… Ces experts n'ont pas le droit d'occuper des postes dans les administrations ou autres, et doivent se consacrer uniquement à l'expertise. Cette profession n'étant pas valorisée, cela ne fait alors qu'expliquer le malaise de ces experts.