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« Migrance », la vie dépasse le roman
Félix ou l'existence en transit
Publié dans El Watan le 23 - 03 - 2006

J'ai lu cette histoire, mais où ? Tayeb Salih aurait bien pu la raconter dans sa Saison d'une migration vers le Nord. Trempée dans la traduction poétique de Abdelwahab Meddeb, la plume du romancier soudanais trace avec passion le récit d'un jeune Soudanais qui s'embarque vers l'Angleterre pour y faire des études dans une université inexistante chez lui.
Une saison, le temps d'étudier et de revenir avec un diplôme en poche et dans le cœur, au débarquement, l'admiration respectueuse de tout un village qui vient l'accueillir et lui faire mesurer l'ampleur de sa tâche : construire un pays qui reste archaïque pendant que là-bas, bien loin, très haut, dans la capitale, les heures sommeillent en agitation stérile dans des bureaux somptueux. L'homme auquel je pense est jeune mais pas soudanais. Africain et Noir de cette couleur qui noie les identités nationales pour ne retenir que l'origine continentale, Félix est camerounais. Comme le héros de Tayeb Salih, il quitte un pays sinistré. Il a la vie devant lui, et chez lui, c'est trop près, il ne voit rien. A l'horizon, celui qui n'est pas myope sait repérer les points de passage d'un pays à l'autre. Il arrive même à voir la nuit au moment de sauter par-dessus les murs barbelés qui séparent le Nord du Sud. Clandestine et anonyme, commence et recommence l'histoire des saisons d'une migration hors de l'Afrique natale, avec tout ce qu'il faut pour agrémenter le film, des sentinelles qui tirent à vue, et des barbares qui risquent leur vie pour un petit coin de paradis, une bonne petite exploitation au noir, sans papiers, sans droits. Félix débarque à Alger dans la clandestinité. A peine arrivé, il n'a rien d'autre à déclarer que son cancer qui prend ses aises, allez savoir pourquoi. Le climat d'Alger profite au crabe qui ronge le corps de Félix et finit par faire sortir du bois celui qui rêvait de rester anonyme et clandestin. L'heureux prénommé voit alors son destin basculer. En arrivant à l'hôpital Mustapha, il a droit à un formidable comité d'accueil, digne de celui du héros de Tayeb Salih. Au Centre bien nommé de Pierre et Marie Curie, Félix découvre tout un peuple de personnes qui pensent qu'il est le bienvenu, sans autre droit que celui à la vie. Alors, ils y vont tous de leur devoir de médecins qui soignent sans distinction de race et de classe. J'en ai de tous les âges, de tous les genres, de tous les prénoms ou presque, des Fatiha, Anissa, Mahdia, Mohamed Kheireddine, Kamel, Samia, Souamaya, Leïla, une Maya que j'aurais dû oublier, et même une improbable Rose Marie qui aurait bien pu être cette Sitt Marie Rose, pleine de grâce et d'amour, que Ethel Adnane invente dans un Beyrouth ravagé par la guerre civile. Au CPMC d'Alger, le cancer fait des ravages et les médecins des miracles. Rien à faire ou si peu contre une maladie trop forte. Mais quand tout est perdu, c'est le meilleur de l'homme qui est sauvé. Ni pitié ni rémission pour la pire des morts, seul, loin des siens. A Alger, Félix déclare son cancer et son désir de retourner chez lui pour y mourir. Juste une saison de migration vers le Nord et le retour, déjà, en état de faiblesse avancée, dans la dernière des positions, allongée, si l'on ne fait pas vite. Félix tient encore debout, à peine. Il est condamné à court terme, sans papiers. Alors commence, pour le « mortiféré », une véritable légende à la manière d'un Jim Harrisson qui situe la sienne en automne. L'écrivain américain imagine un jeune homme qui se met en chasse, tel un Indien, pour récupérer le cœur de son frère mort au combat. L'incision au couteau est grossière et rapide, l'organe conservé, ramené à la maison, mis en terre dans le ranch familial. Le cancer de Félix galope en plein hiver. Le cœur résiste. Vite, un blouson pour le tenir au chaud et de l'argent pour lui prendre un billet d'avion. Toute l'équipe du CPMC se mobilise. Un aller simple pour Félix, même pas 30 ans. Sans retour. Economique. Il faut économiser, donner de son temps et de son cœur. Cela ne coûte rien. L'opération va droit au but. Un dernier coup de fil à l'ambassade pour régulariser l'aberration obstinée d'une paperasse qui demande un laissez-passer à un déjà mort. Félix est dans l'avion. Félix revient chez lui. Trois heures après, Félix meurt. La mort était battue à plate de couture. Sur le fil. Un peu plus, et l'éternelle championne sortait victorieuse d'une incroyable course contre la montre commencée à Alger et terminée en beauté à Yaoundé. Aimé Césaire pourrait se charger du reste. Sur son Cahier d'un retour au pays natal, il écrirait comment Félix a retrouvé les siens, comment ils l'ont accueilli à bras ouverts, pour recueillir son cœur, à mettre encore chaud en terre noire africaine. Au bout du petit matin, une petite maison dans une rue très étroite, une maison minuscule qui abrite en ses entrailles de bois pourri des dizaines de rats et la turbulence des frères et sœurs nombreux, une petite maison cruelle dont l'intransigeance affole les fins de mois et Félix et les autres qui migrent vers le Nord en une saison de haute insécurité. Bien d'autres écrivains auraient pu raconter cette histoire qui ne s'invente pas. L'histoire de gens comme vous et moi. Des gens qui, comme vous et moi, ont la faculté d'entendre un cœur battre et de prescrire la vie. C'est sûr, il fallait des médecins pour assurer le meilleur du récit, la chute de Félix dans le partage d'une existence solidaire. Le cancer, ils ont su le remettre à sa place. Pour le reste, ils ont été de vrais sorciers. Sans vaudou, sans gris-gris. Des humains pas morts, en état stationnaire, au Nord de l'Afrique, dans le Sud, dans une saison algérienne qui dure, dure.

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