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«J'ai connu Alger grâce à mon exposition !»
Mahjoub Ben Bella. artiste-peintre
Publié dans El Watan le 29 - 12 - 2012

Difficultés et avancées, peines, manques et rêves, confidences sur un parcours atypique.
-Durant cette année 2012, vous avez accompli le retour à la terre natale et exposé vos œuvres pour la première fois en Algérie. Cela ne vous a sûrement pas laissé indifférent…
C'est une ouverture extraordinaire. Je suis retourné à ma terre. Je suis heureux d'avoir exposé pour la première fois dans mon pays. Je ne regrette que l'absence de ma mère décédée. J'étais venu la visiter à Oran à cinq ou six reprises. Je regrette l'absence de mon oncle aussi, Ahmed Ben Bella (premier président de l'Algérie décédé le 11 avril 2012, Ahmed Ben Bella a été enterré lors d'obsèques nationales, ndlr). Il tenait à être là. Cette exposition nous a valu un an de préparation mais seulement trois allers-retours rapides. C'est une renaissance. Je ne connaissais pas le Musée national des beaux-arts. Je n'avais aucune idée d'Alger. J'ai connu cette ville grâce à cette exposition ! Brigitte, mon épouse, n'avait jamais vu mon pays alors que nous sommes mariés depuis 43 ans ! Elle est venue à Alger, grâce à cette exposition aussi (au MaMa, ndlr). Quand nous sommes arrivés, elle s'est effondrée, sous le coup de l'émotion.
-Et comment se fait-il qu'il n'y ait pas eu auparavant d'exposition de Mahjoub Ben Bella en Algérie ?
No comment. La vie a fait que ce soit comme ça. Je ne sais pas. Peut-être qu'il y avait des préjugés par rapport à mon absence, à mes parents. Grâce à des amis de la région du Nord en France, j'ai pu continuer à travailler. Ils m'ont apporté l'aide morale, l'encouragement.
-Et, de votre côté, comment avez-vous vécu l'absence du pays ?
(Long silence). C'est toujours douloureux de ne pas vivre sa terre et son pays. J'aurais aimé faire des allers-retours comme pour l'exposition du MaMa. Il y avait de l'interdit, je ne sais pas pourquoi. Que voulez-vous faire ? C'est comme ça. C'est pénible. J'ai quitté ma famille jeune, étudiant «beaux-artien» parti dans un pays étranger. Quand j'ai débarqué, je parlais à peine le français, j'étais dans le froid, j'avais oublié mes habits chauds. Seul, j'ai retrouvé une autre famille constituée de mes amis d'aujourd'hui. Il y a eu une adoption totale et rapide. Une affection incroyable. C'est grâce à ces amis que les choses sont devenues plus faciles pour moi (Mahjoub Ben Bella a invité ses amis pour son exposition en Algérie, autant pour le vernissage que pour le décrochage, ndlr). J'ai pu poursuivre ma démarche artistique. Toute ma carrière s'est construite là-bas. Je ne peux pas dire le contraire. Je n'ai pas travaillé une seule seconde dans mon pays d'origine.
-Pouvez-vous nous raconter votre départ du pays, ce jour-là, en 1965 ?
Je suis parti pour mes études. Le hasard a fait que mes anciens enseignants d'Oran, avec lesquels on travaillait bien, étaient des pieds-noirs. Le professeur Claude était mon père spirituel. Il était juste. D'une justesse intellectuelle imparable et d'une honnêteté incroyable. Il avait toujours respecté ses élèves quels qu'ils soient, d'ailleurs. Il avait toujours appliqué le programme scolaire, les dates, les diplômes... Il avait été menacé de mort par l'OAS, mais il était resté jusqu'au bout. En 1965, il est rentré en France, comme les autres enseignants. L'Ecole des beaux-arts d'Oran était tombée alors au fond du puits ! L'enseignement était fini. Ma grand-mère m'avait conseillé à l'époque de trouver un stand et de vendre des légumes ! Ma grand-mère m'avait dit ceci : «Les Beaux-Arts, ça ne sert à rien !»
D'ailleurs, elle ne savait pas ce que c'est ! Elle était même partie au marché pour me trouver un endroit où vendre. Mais mon père, qui n'avait pas apprécié ce geste, m'avait alors demandé de partir en France poursuivre mes études. J'avais le choix de rester en Algérie et chômer ou continuer mes études ailleurs. Deux autres copains partaient également avec moi. Nous avons suivi le chemin du professeur Claude. C'était le seul moyen d'avoir le certificat d'inscription dans une école d'art en France. Nous étions refusés partout. Nous sortions de la guerre. Ce n'était pas évident. Le professeur Claude passait à l'époque le concours pour être le directeur de l'Ecole des beaux-arts de Tourcoing. Il nous avait dit : «Attendez les résultats, si je suis pris, promis, je vous enverrais les certificats.» Et ce certificat en or massif nous était arrivé enfin ! Cela nous avait permis alors de franchir le rideau de fer.
-Le rideau de fer...
Vous savez, il ne nous était pas alors facile de sortir d'Algérie. Nous étions dans la période qui avait juste suivi le coup d'Etat militaire (mené par le colonel Houari Boumediène contre Ahmed Ben Bella le 19 juin 1965, ndlr). Personne ne quittait du pays. Il fallait avoir de solides raisons pour voyager. Nous avions pu sortir du pays parce que nous étions des étudiants munis de certificat.
-Les gens qui sont venus voir votre exposition au MaMa, que vous ont-ils dit ? Quelle a été leur réaction ?
Malheureusement, je n'ai pas pu rencontrer grand monde au cours du vernissage. Celui qui regarde un tableau est libre de faire l'interprétation qu'il veut. Je n'ai pas à lui poser des questions. Qu'on aime ou qu'on n'aime pas, on ne travaille pas pour plaire.
-De loin, vous suivez ce qui se passe en Algérie sur le plan artistique, du moins pour les arts visuels ?
A l'époque, à la fin des années 1960, il y avait de soi-disant artistes qui avaient monopolisé la discipline. Je ne vais pas citer des noms pour ne pas me créer des histoires ! Ils avaient monopolisé le système algérien et ils nous ont écartés.
-Ce système avait-il continué ou pas ?
Je n'en sais rien. On ne va pas recréer la guerre de 14-18 ! Aujourd'hui, nous allons vers les ouvertures. A l'époque, il y avait un programme d'artistes officialisés et officiels qui avaient le monopole de la situation auprès d'un gouvernement qui fermait les portes. Et j'ai vécu cette situation pendant cinquante ans.
-C'est donc cela qui vous a motivé à partir…
A l'époque, je voulais étudier. Des gens fréquentaient des écoles de voleurs et de corrompus. Moi, je cherchais à aller plus loin. J'ai pu avoir mon diplôme et j'en suis fier. Je suis un homme apolitique. Sinon, la vie a été dramatique pour moi. J'ai vécu la misère, l'horreur. Brigitte m'a beaucoup aidé. Nous avons constitué un tandem. L'éclaircie a commencé avec la venue d'Abdelaziz Bouteflika. En tout cas, c'est mon point de vue.
-Ce n'est pas une position politique, non ?
Je suis apolitique, je vous le dis. Mon métier, c'est l'art. Mais, j'ai le droit de penser ce que je veux. Je n'ai jamais pris de position. L'artiste, quel qu'il soit, est fragile et sensible à son environnement. La moindre image, au Japon ou en Amérique, ça vous perturbe ou ça vous rend gai, sympathique. Nous captons des antennes terrifiantes. Nous ne pouvons pas y échapper. J'ai des convictions et des idées sur tout ce qui se passe autour de moi.
-Votre non venue en Algérie était-elle liée au fait que vous ne l'avez pas voulu ou, plutôt, au fait que vous n'avez pas été sollicité ?
Je suis né quelque part. L'individu ne peut pas oublier d'où il vient. S'il le fait, il meurt. On ne doit jamais oublier d'où l'on vient ! Je suis enfant d'une famille excessivement pauvre. Je ne triche pas. Si j'étais d'une famille riche, je l'aurais dit aussi. Je suis revenu à Maghnia que je n'ai pas revu depuis 47 ans. J'y étais avec mon frère Krim et je lui ai alors dit : «Est-ce que tu sens quelque chose ? » C'était l'odeur de l'enfance. Quand vous revenez dans votre lieu de naissance, même à 70 ans, vous sentez toujours l'odeur de votre enfance.
-C'est fort. J'ai revu la terre rouge qui me manquait. Jamais, je n'ai refusé de revenir en Algérie. On ne m'a jamais sollicité. C'est tout.
Vous a-t-on oublié ?
Je ne sais pas si c'est de l'oubli ou pas ou si c'est fait exprès ou pas. En tous cas, ça ne me regarde pas. Comment voulez-vous montrer quelque chose, si vous êtes censuré au départ. Un pays, c'est une âme. L'Algérie était l'âme qui me manquait. Mon âme est coupée en deux : la France, est le pays de cœur. En revenant exposer en Algérie, j'ai retrouvé l'autre partie de mon âme. Donc, je suis complet, comblé. Grâce à Khalida Toumi, Mustapha Orif et Mohamed Djehiche. Je les en remercie. Grâce à eux, je suis revenu.
-Cette âme retrouvée, pensez-vous qu'elle aura de l'influence sur vos travaux futurs ?
Naturellement et humainement, je ne vais pas applaudir les choses qui me déplaisent. J'ai travaillé pendant cinquante ans pour gagner cette liberté d'expression. Cette liberté n'a pas de prix. Et, donc, ce n'est pas maintenant que je vais la lâcher (...)
-L'éloignement de la terre natale, l'oubli ou la mise à l'écart ont-ils un rapport avec le nom que vous portez, Ben Bella ?
Je me suis fait un prénom, ne vous en faites pas. Lorsque j'ai rencontré Ahmed Ben Bella, mon oncle, à Bruges avec Brigitte et les enfants, il m'avait dit : «Tu dois maintenir le nom.» Il y a donc un suivi. Je ne change pas mon nom et je n'oublie pas d'où je viens. A l'époque, porter le nom de Ben Bella en France n'était pas du tout évident. Ce n'était pas facile. J'aurai pu «franciser» mon nom. Je l'ai maintenu, ce nom, maintenu durant la guerre de Libération, après l'indépendance et après le coup d'Etat. En 1965, après le coup d'Etat, notre nom était désagréablement mal vu. Cela dit, je ne suis pas parti à cause du renversement d'Ahmed Ben Bella. J'ai quitté l'Algérie pour poursuivre mes études. Je n'avais aucune arrière-pensée. Mes parents étaient surveillés par la police et leurs passeports leurs avaient été confisqués. C'était un drame. Quand je revenais revoir ma mère, je n'étais pas à l'aise. Il y avait beaucoup de méfiances. On ne m'a pas laissé le temps de connaître mon pays.
-Et comment avez-vous vécu, à l'âge de 20 ans, le coup d'Etat ?
Imaginez qu'on renverse votre oncle président et qu'on le mette en prison pendant plus de quinze ans, quelle serait votre réaction ? Mettez-vous à ma place. Il s'agit de mon sang, de ma famille. C'est comme si on avait mis mon père en prison.
-Et le fait qu'on rende hommage à Ahmed Ben Bella après l'avoir mis en prison, humilié et tenté de le faire oublier de l'histoire ?
Ils ont gommé le nom d'Ahmed Ben Bella de l'histoire du pays, l'ont effacé des manuels scolaires depuis l'école maternelle. Maintenant, les choses se sont éclaircies. Grâce à Bouteflika, Ahmed Ben Bella a été réhabilité. Et dire, réhabiliter, c'est déjà injuste. Cet homme n'a rien fait, il n'a ni tué, ni volé (...) J'ai connu Bouteflika à Oujda. Il est natif d'une famille pauvre. Je peux en témoigner.
-Avez-vous retrouvé, en retournant à Oran et en découvrant Alger, l'Algérie que vous aviez rêvée ?
Ce qui m'intéresse, c'est la terre, les gens, vous et les autres. J'ai une famille partout. J'ai même des cousins que je ne connais pas. Je suis heureux et fier parce que j'ai fait connaître mon pays à des amis. Que veut le peuple ? Je ne connais pas encore le Sud algérien.
-Avez-vous suivi, durant toutes ces années, ce qui se passe en Algérie sur le plan artistique ?
Pas tellement. On en entend peu parler. Je n'ai pas eu l'occasion de rencontrer les jeunes artistes algériens. Mais, je suis prêt à les aider, ça viendra. J'ai travaillé avec «le manque» de mon pays. Et ça a duré trop longtemps, ça pèse moralement. Je n'ai jamais fait allusion au fait que je porte le nom de Ben Bella. Je ne peux pas accuser les gens comme ça. Et je ne veux pas me trouver des excuses.


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