Batimatec: tenue de la 27e édition du 4 au 8 mai à Alger    L'ONU appelle l'entité sioniste à cesser "immédiatement" ses attaques contre la Syrie    1ers Jeux scolaires Africains 2025 : réunion des chefs de mission les 19 et 20 mai à Alger (CASOL)    Bac/BEM 2025 : les dates de retrait des convocations fixées    Le Premier ministre préside une cérémonie à l'occasion de la Journée mondiale de la liberté de la presse    Ciblés délibérément par l'occupant sioniste: les journalistes palestiniens tués dans une proportion jamais observée dans aucun conflit    Ouverture des Assises nationales de prévention et de lutte contre le cancer    Accidents de la route: 12 morts et 516 blessés en 48 heures    Recueillement à la mémoire des martyrs de l'attentat terroriste du 2 mai 1962 au port d'Alger    Début à Alger des travaux du 38e Congrès de l'Union interparlementaire arabe    Le ministre de la Communication se recueille à la mémoire des martyrs de la presse nationale    Massacres du 8 mai 1945: une autre empreinte dans le registre des crimes du colonisateur français en Algérie    Le Calife général de la Tariqa Tidjania, cheikh Ali Belarabi, accomplit la prière du vendredi à Ouagadougou    Le blocus sioniste imposé à Ghaza tue chaque jour davantage d'enfants et de femmes    CHAN 2024: la sélection algérienne A' à pied d'œuvre à Banjul    Ligue 2 amateur: beau duel pour l'accession entre le MB Rouissat et l'USM El Harrach    Fête du Travail à l'ouest du pays: activités variées et hommages aux travailleurs et aux retraités    Les marchandises usagées importées appartenant à l'Etat exonérées des droits et taxes    Poursuite du stage à Sidi Moussa avec l'intégration des joueurs du CSC    L'Algérie clôture sa participation avec un total de 21 médailles    Kiev doit céder les territoires conquis par la Russie    Domination de la sphère informelle et écart croissant entre le cours du dinar sur le marché parallèle et celui du cours officiel : quelles solutions ?    Le projet de loi présenté à l'APN    Les représentants de la société civile interpellent les hautes autorités du pays    Ooredoo et l'Association nationale de volontariat organisent une opération de reboisement à Bou Saâda    Lorsque l'on a la bravoure en principe, il n'y a plus d'obstacle    La responsabilité politique du ministre Bruno Retailleau    De Gustav Landauer à Hassan Nasrallah ou l'universalité de l'esprit de la société    Le championnat national de football se met à jour    Présentation à Alger des projets associatifs    Quelles est la situation de la balance commerciale et des exportations hors hydrocarbures en 2024 de l'Algérie ?    Des prix « lignes rouges » et des représailles contre les contrevenants    Patriotisme et professionnalisme    Avant-première du documentaire ''Zinet Alger : Le bonheur'' de Mohamed Latrèche    Les renégats du Hirak de la discorde    Un site historique illustrant l'ingéniosité du fondateur de l'Etat algérien moderne    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Mouloud Feraoun, la terre et le sang
Qui assimile qui ?
Publié dans El Watan le 06 - 04 - 2006

A la veille de la Guerre de Libération nationale (1954) et au lendemain même de la bien affligeante affaire de La colline oubliée (1953), Mouloud Feraoun publie son deuxième roman, La terre et le sang.
Second texte après le récit de la vie dure mais digne au village, ce roman intervient dans l'intervalle qui a vu s'établir (1951), démarrer puis s'étioler(1957) les relations épistolaires entre Mouloud Feraoun et Albert Camus écrivain bien célèbre déjà et à la veille d'une consécration universelle (Prix Nobel, 1957). Afin de bien cerner le projet feraounien, projet indiscutablement patriotique car il chante l'attachement viscéral à la patrie, la terre ancestrale peu nourricière certes mais jamais ingrate, il n'est pas inutile de rappeler l'engagement esthétique de Feraoun. L'acte de naissance de la vocation littéraire de Feraoun, précisera Christiane Achour (Anthologie de la littérature algérienne de langue française, ENAP-Bordas francophone, Paris, 1990, p.51) se réalise aux vacances de pâques de 1939). Il s'agit sans doute de l'esquisse du Fils du pauvre lequel ne sera achevé et publié que dix ans plus tard et réédité en 1954 aux éditions du Seuil. Ainsi donc, Le fils du pauvre voit le jour presque au moment même de la publication de l'enquête de Camus sur Misère de la Kabylie. Pourquoi Mouloud Feraoun a-t-il focalisé toute son attention sur le terroir, sur la culture régionale, sur la spécificité kabyle ? Régionalisme et/ou ethnicisme comme l'ont souligné ses détracteurs ? A-t-il été sensible aux deux graves crises idéologico-politiques qui avaient secoué la vie politique algérienne à la fin des années 1940 - la crise dite berbériste - et au tout début des années 1950 - l'affaire de La colline oubliée - ? Avec une si appuyée et si volontariste certitude, Christiane Achour écrit en 1990, peu de temps avant de se retirer en France suite aux lamentables déboires dont elle fut surtout la victime à l'université d'Alger et suite aux menaces réelles ou supposées que feront peser les « activistes » intellectuels et journalistes sur les innocents groupes pacifistes victimes de la tragédie nationale (appellation contrôlée et consacrée par la loi) avec entre-temps une première brèche dans le fondement idéologique du pouvoir en place qui intègre la dimension berbère dès 1989 à la citadelle des constantes nationales, jusque-là névrotiquement arabo-musulmanes : « Mouloud Feraoun est un des écrivains algériens les plus connus, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Son œuvre, écrite en français, dans une perspective essentiellement régionale et peu engagée dans le sens nationaliste, d'un ton fortement influencé par la laïcité IIIe République, maintient sa consécration « nationale » (les guillemets sont de C. A.) aujourd'hui, dans un nouvel environnement culturel qui tend à se définir prioritairement par son fondement arabo-islamique. » (sic, p. 51) La terre et le sang (1954) vient confirmer et souligner plus le souci que l'intérêt de Mouloud Feraoun pour le terroir comme lieu d'inscription d'une littérature avant tout esthétiquement réaliste, patriotiquement engagée et résolument progressiste. Cela se matérialise et se symbolise justement dans la description quasiment minutieuse du processus d'ouverture du ghetto kabyle à la modernité et à la vie tendue vers le changement et vers la revendication d'émancipation citoyenne. Nous avons vu comment dans Le fils du pauvre, cette ouverture est partie de l'éclatement du cercle concentrique autour de Taâssast (au sens foucaldien du terme - voir M. Foucault : l'histoire de la folie à l'âge classique, 1966) avec Ramdane qui quitte le village et émigre et jusqu'à son fils Fouroulou qui de l'école passe au lycée de Tizi Ouzou en s'éloignant de l'épicentre. Cet arrachement - qu'on peut lire à la manière dont Foucault (encore lui) explique l'arrachement de Don Quichotte à sa terre natale - La Mancha - avec ces mêmes si pathétiques et si sublimes illusions - ce départ forcé de Ramdane, puis cette entrée volontaire et voulue dans la « gueule du loup » de Fouroulou, tournent court chez Mouloud Feraoun. Le réalisme plus puissant balaie les supputations artificielles (sur l'émigration comme sur l'exil) et les superficiels survols. La terre et le sang continue l'implacable logique de révéler et de dénoncer le système colonial discriminatoire : Ameur Ou Kaci, le fils de l'émigré, revient au village après une si longue absence et y ramène de surcroît, en butin de guerre, Marie la Française qui sera assimilée à la vie kabyle, totalement assimilée mais qui ne sera jamais un cheval de Troie. Cette logique de Feraoun ne semble pas avoir convaincu ses lecteurs critiques attitrés qui l'accablent encore d'avoir été en période coloniale l'écrivain ayant initié et développé « une attitude plus contemplative qu'active » (sic, C. A. op. cité. p. 53), attitude présentée encore au début des années 1990 comme un recours à « la description socio-ethnique qui mêle, de façon assez déroutante, l'attachement et le désabusement : l'attachement que l'on porte au village est tempéré par les manques qu'il manifeste. Cette ambivalence fait du style de Feraoun ce style particulier de nostalgie ironique et résignée à la fois, comme si on devait s'excuser de quelque chose ». (C. A. ibid. p. 53) Dans la précédente chronique, un jugement hâtif - pan sur ma gueule - m'avait conduit à dire que l'assimilation de Marie la Française à la société kabyle n'avait pas été vue auparavant. Cela est inexact : l'oubli étant une seconde nature. C. Achour le souligne quant à elle non sans avoir insisté sur La terre et le sang comme « le roman de la terre kabyle que l'émigré retrouve après son exil, mais c'est aussi le roman d'une assimilation ». En effet, elle conclut à une espèce d'intertextualité entre ce roman de Mouloud Feraoun et deux autres romans de Choukri Khodja (Mamoun-1928 et El Euldj captif des barbaresques-1929). Cette bien maladroite conjecture laisse penser que le sort de Marie la Française serait comme celui de Bernard Ledieux, le captif converti des corsaires barbaresques, condamné à revenir à sa chapelle d'origine en abjurant en pleine mosquée (A. C. ibid. p. 31). Choukri Khodja trouvera grâce aux yeux de l'universitaire n'étant pas suspect de berbérisme potentiel car c'est un bon musulman non laïc, interprète judicaire de surcroît, élève de la division supérieure de la grande Médersa - comme le sera Mostefa Lacheraf plus tard. Ses personnages reviennent à la religion de leurs pères et c'est la religion qui constitue pour eux le rempart contre toute assimilation. Heureusement, ou malheureusement, Marie l'épouse de l'émigré Ameur Ou Kaci est laïque comme son auteur. Sacré Mouloud !

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.