L'initiateur du départ des joueurs algériens évoluant en France fut Mohamed Boumezrag. Celui-ci avait, au lendemain du Festival mondial de la jeunesse à Moscou, en 1957, pensé à mettre sur pied une équipe nationale sous l'égide du FLN. Il avait discuté avec le plus politisé d'entre nous, Bentifour, à Nice, afin de former le groupe de joueurs professionnels qui devait quitter la France. J'ai été sollicité par Boumezrag en décembre 1957, à Paris. Je faisais partie du staff avec Mokhtar Arribi, chargé d'entrer en contact avec les joueurs. La date du 13 avril 1958 a été retenue pour le départ vers la Tunisie, soit après la fin des matches Monaco-Angers, Saint-Etienne-Béziers et Rennes - Toulouse. Il cherchait avant tout un impact politique. Il fallait absolument toucher la majorité des Français, surtout ceux qui ignoraient qu'il y avait une guerre en Algérie. Je me suis rendu en Lausanne, mais les joueurs avec lesquels je devais partir ne sont pas venus. J'ai alors pris un train vers Paris après avoir attendu de 7h à 22h. A la sortie de la gare, j'avais vu ma photo avec celles de dix autres qui avaient regagné la Tunisie dans le journal L'Equipe. J'ai donc voulu rejoindre la ville suisse de Bâle, mais c'est à Saint-Louis que je fus arrêté le 15 avril 1958. Comme j'étais militaire, mon incarcération a duré 50 jours. Et c'est finalement le général Robert Lothe, président d'honneur de Rennes, qui est venu me faire sortir du cachot. Il m'a ensuite remis au bataillon de Joinville avant d'être muté dans une école de haute montagne, à Chamonix. A la fin de mon service, je suis retourné à Rennes avant d'opter pour le Red Star. C'est là que j'ai connu Abderahmane Hamened, un condamné à mort, et puis ma femme, sa sœur. Elle était la plus jeune militante. Maître Bouabdellah, qui faisait partie du collectif des avocats du FLN, m'avait dit que ma femme, qui travaillait chez lui en tant que secrétaire, était menacée et il fallait absolument quitter la France. C'est comme ça que j'ai établi une seconde liste de joueurs : Bouchache du Havre, Amara, Bouricha et Oulikane de Nîmes, Djebaïli et Kerroum de Troyes. Je leur avais donné rendez-vous à Genève. On a attendu huit jours, le temps qu'on nous remette des passeports tunisiens. Le 2 novembre 1960, nous sommes arrivés à destination. Ainsi, grâce à cette équipe, nous avons été reçus partout et nous avons pu faire entendre la voix de l'Algérie.»