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«La République tunisienne n'est pas menacée»
Béji Caïd-Essebsi. Leader du parti Nida Tounès
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2013

Dans un entretien qu'il nous a accordé, le leader du parti Nida Tounès dissèque la situation politique de son pays et livre son appréciation sur Ennahda et les islamistes, devenus le point de fixation des Tunisiens.
A 87 ans, Béji Caïd-Essebsi ne lâche pas son bâton de pèlerin et force le respect par son engagement politique exemplaire. Convaincu de la nécessaire voie du milieu dans un paysage partagé entre islamistes et gauchistes et menacé par des ruptures périlleuses, il est allé fonder un mouvement rassembleur capable de capter de larges couches sociales qui ne pouvaient se reconnaître dans les discours jugés excessifs à gauche comme à droite. Le mouvement Nida Tounès (l'appel de la Tunisie) est né de ce souci, avant de devenir un parti politique compte tenu de l'adhésion massive et l'engouement qu'il a suscité. En décembre dernier et constatant que le bloc démocratique avait perdu les élections pour cause de divisions, «BCE» appelle à un rassemblement plus large afin d'aborder les prochaines échéances électorales en rangs serrés face à Ennahda. Quatre autres partis le rejoignent pour fonder l'Union pour la Tunisie qui, aujourd'hui, fait peur aux adversaires.
-Pouvez-vous hiérarchiser les dangers qui guettent la Tunisie aujourd'hui ?
Ça c'est une question qui nécessite réflexion. Peut-être que la Tunisie n'est pas aussi vulnérable qu'on le pense. C'est un pays indépendant depuis 50 ans et, pendant ces 50 années, le peuple tunisien a fait beaucoup de progrès, ce qui est dû à l'action du président Bourguiba qui était un grand visionnaire et un très grand patriote. Parmi ses réalisations, il avait généralisé l'enseignement. Au moment où beaucoup de pays pensaient à se défendre par les armes, lui avait investi dans la jeunesse. Aujourd'hui, il n'y a pas un Tunisien en âge d'aller en école qui ne puisse trouver une place – gratuite – à l'école, ce qui a eu pour résultat que le peuple tunisien n'est plus celui d'il y a un demi-siècle. Au début de l'indépendance, notre grand problème était de combattre l'analphabétisme ; aujourd'hui, notre grand problème est de donner du travail aux gens qui ont des diplômes.
C'est ça, la grande réalisation de l'ère Bourguiba. La deuxième chose est que Bourguiba a libéré la femme tunisienne, ce qui est une décision unique dans le monde arabo-musulman ; cette femme occupe actuellement, en politique une place équivalente à celle de l'homme et ceci a changé le paysage politique en Tunisie. Nous avons hérité de cette ère, aussi, une classe moyenne très large. Ces trois ingrédients me permettent de dire que si jamais un jour il y aura un régime démocratique dans un pays du tiers monde, la Tunisie sera la première à accéder à ce titre. C'est vrai qu'il y a des problèmes économiques importants et que pour réussir la transition démocratique, il faut aussi que la situation économique le permette. J'ai l'habitude de citer cette maxime qui dit «il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu». Si la démocratie est la vertu, il faut donc un minimum de bien-être et, réellement, ce n'est pas toujours le cas dans tous les pays, notamment en Tunisie où nous sommes un peu en retard sur ce chapitre-là.
J'ai fait cette digression pour dire que la Tunisie n'est pas très vulnérable, mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas de menace, que sa sécurité n'est pas menacée. Elle est menacée par la pauvreté, par le chômage, par certaines régions qui sont marginalisées par les circuits économiques ; elle est menacée aussi de l'extérieur, pas par des Etats, mais par certains courants, ceux qu'on appelle les djihadistes.
Que certains citoyens puissent avoir des idées différentes de ceux qui les dirigent et qu'ils les combattent, c'est tout à fait normal, mais quand c'est importé, à ce moment-là ça devient un danger. Vous avez, en Algérie, un voisin qui s'appelle le Mali et qui a été menacé. Mais ceux qui le menacent ne sont pas des Maliens, ce sont des gens qui ont des nationalités différentes. Ils menacent le Mali mais aussi ses voisins et l'Algérie a été menacée dans sa sécurité. Malheureusement, il y a des Tunisiens qui sont impliqués dans ces choses, des Tunisiens qui travaillent pour le compte de l'étranger. Ce n'est certainement pas la Tunisie qui a envoyé ces gens-là, mais voilà, ils sont au Mali, ils sont en Syrie… C'est ça, l'internationale djihadiste et cela, c'est une menace réelle. Donc effectivement, nous sommes menacés par ce djihadisme que nous ne pouvons combattre que par la cohésion nationale. Et c'est une constante à laquelle nous devons tous nous attacher.
-Selon vous, Ennahda est-il soluble dans la démocratie ?
Ecoutez, qu'il soit soluble ou non, c'est une autre histoire. Mais qu'on le veuille ou pas, pour le cas de la Tunisie, Ennahda fait partie du paysage politique et va y rester. Ce que nous lui reprochons, c'est qu'il prend plus de place qu'il ne devrait. Nous ne voulons pas avoir un parti dominant, sinon on va aller progressivement vers la dictature.
La Tunisie a fait l'expérience du parti unique et, personnellement, j'ai été élevé dans l'esprit du parti unique, mais ce fut un temps. Au moment où nous combattions la colonisation, évidement c'était valable, mais une fois indépendants, une fois que nous avons fait un grand pas dans le sens de la réalisation de nos objectifs, le parti unique n'est plus la formule qu'il faut, et devient même un handicap. Parce que le parti unique, quelles que soient ses intentions et la valeur de ses hommes, ça débouche sur la dictature.
Ennahda existe actuellement dans le paysage politique. Il gouverne. Mais à mon avis, il n'y a aucun parti qui puisse gouverner la Tunisie tout seul. Il faut effectivement avoir un consensus et malheureusement, ce n'est pas toujours le cas. Mais nous n'avons pas le choix. Même le parti que je préside n'est pas destiné à gouverner tout seul, nous avons dépassé cela et, maintenant, il faut que nous trouvions une formule pour que tous les partis puissent être concernés par ce que nous faisons. Ce n'est pas encore le cas actuellement.
-Au début, Ennahda s'était présenté comme proche de l'AKP turc ; aujourd'hui, à l'épreuve du pouvoir, pensez-vous que les contradictions internes révèlent mieux ses ambitions ?
Il faut comparer des choses comparables. Chaque peuple a son propre génie, sa propre vocation ; il y a la Tunisie, il y a la Turquie. Chaque parti doit se comporter comme il se doit dans son pays. Dire qu'Ennahda va faire comme l'AKP est une fausse image. Il est vrai que pour tout le monde, c'est un parti à référence islamique, mais c'est un parti tunisien et, au fond, la Tunisie est un pays du juste milieu (BCE cite un verset coranique).
C'est vrai aussi qu'à l'épreuve du pouvoir, ils n'ont pas été aussi performants que nous l'avions souhaité. Si j'ai un conseil à leur donner, c'est de dialoguer avec toutes les sensibilités politiques qui sont dans le pays et que s'ils veulent continuer à gouverner, il faut qu'ils acceptent de gouverner avec les autres. Il faut avoir la culture du dialogue et je crois qu'en ce moment, elle fait défaut. Mais la nécessité fait loi et ils doivent trouver un modus vivendi avec les autres composantes de la société tunisienne.
-En autorisant d'autres partis islamistes comme Tahrir et en refusant de dissoudre les ligues de protection de la Révolution, Ennahda ne veut-il pas maintenir une place pour le loup dans la bergerie ?
La dissolution de ces ligues supposées protéger la Révolution est inéluctable et nécessaire. Malheureusement, ces organisations n'ont de ligue que le nom. Leur principale activité est une activité de violence contre les autres partis, principalement Nida Tounes. C'est vrai qu'elles sont d'obédience nahdhaouie et que les responsables d'Ennahda, c'est un peu excessif, pensent qu'elles sont l'âme de la Révolution et prennent leur défense. Tous les partis politiques sont d'accord pour la dissolution de ces ligues, sauf Ennahda évidemment et son allié, le CPR du président actuel, Moncef Marzouki.
-Entre politiques, salafistes et djihadistes, y a-t-il un partage des rôles au sein des islamistes ?
Il ne faut pas tourner autour du pot, ils font partie de la même famille et tout le monde est plus ou moins salafiste. Nous, ne sommes pas contre les salafistes, mais contre ceux qui utilisent la violence. Nous sommes pour l'idée que chaque sensibilité puisse s'exprimer librement dans le pays, sauf d'imposer ses idées par la force. Il y a parmi les salfistes des gens qui utilisent la violence et essayent d'imposer leur façon de vivre et de s'habiller, leur façon de militer par la violence, ce qui est inacceptable.
-Après la Révolution, on a parlé de contre-révolution et des pays étrangers, à l'exemple du Qatar et des Etats-Unis, interviennent pour favoriser les islamistes. Qu'en pensez-vous ?
La Tunisie est un pays souverain et indépendant. Nous étions sous protectorat français et nous nous sommes arrangés pour que cela disparaisse. La Tunisie n'est pas prête à être gouvernée de l'extérieur ni à être sous la coupe du Qatar, de l'Amérique ou d'aucun autre pays. Evidemment, nous avons des relations privilégiées avec ces pays-là, mais entre avoir ce type de relations et croire qu'on peut nous recoloniser sous une forme ou une autre, je crois que ceux qui le pensent ne connaissent pas la Tunisie.
-On assiste à une recomposition du champ politique, notamment avec la création de l'Union pour la Tunisie. Est-ce une manœuvre tactique ou bien un sursaut pour sauver la République ?
Non la République tunisienne n'est pas menacée. Le front que nous avons créé est un front politique et éventuellement un front électoral. Nous l'avons créé parce que les élections du 23 octobre 2011 ont révélé que le paysage politique était très déséquilibré. Il y a un parti très bien organisé qui s'appelle Ennahda et qui a obtenu des résultats assez honorables en remportant une majorité relative à l'Assemblée constituante. Les autres partis n'ont pas eu le même résultat. Pourquoi ? Le même nombre de voix n'a rapporté aucun siège, et le même nombre de voix était aussi réparti entre les autres partis. Le constat est que le paysage politique n'est pas équilibré. Or, notre objectif, quand nous avons mis en place ce processus qui a été consacré par les élections, un processus évolutif vers un système démocratique, était essentiellement l'alternance.
Il faut donc que nous créions les conditions de l'alternance pour pouvoir dire qu'effectivement, nous sommes sur une voie démocratique. Les élections, ce n'est pas la démocratie, c'est peut-être un premier pas vers un régime démocratique. Donc si le paysage politique reste comme il est, il n'y aura jamais d'alternance, c'est pour cela qu'il faut essayer de créer ces conditions-là, en rééquilibrant le paysage politique. Mais ce paysage ne peut être rééquilibré par une pléiade de mini-partis. C'est pour cela que nous avons créé Nida Tounès, mais ce n'était pas l'unique objectif. Nous visions aussi de regrouper nombre de partis de même connotation politique ; des partis du juste milieu, plutôt à gauche qu'à droite. Nous nous sommes réunis plusieurs fois et, maintenant, nous avons conclu un accord pour un front politique et éventuellement un front électoral en cas d'élections. Nous venons de commencer et j'espère que nous ferons suffisamment de réunions pour approfondir nos points de vue sur tous les problèmes politiques.
-Certains acteurs politiques reprochent à Nida Tounès d'abriter d'anciens éléments du régime Ben Ali…
(Rires) C'est une litanie. En réalité, nous sommes à peu près 60 000 adhérents dans Nida Tounès et j'ai compté, l'autre jour : ils sont je pense 24 qui viennent de l'ancien parti unique. Par principe, j'estime que chaque citoyen tunisien a le droit de participer à la vie politique de son pays et si vous lui enlevez cela, ça équivaut à lui enlever sa nationalité.
Cela, personne n'a le droit de le faire, sauf la justice pour des comportements qui relèvent de l'infraction judiciaire. Vouloir exclure tous ceux qui, à un moment ou un autre, ont fait partie de l'appareil constitué par Ben Ali sans reprocher à quelqu'un d'avoir fait ceci ou cela, à mon avis c'est inacceptable. Ben Ali n'est plus là et son parti a été dissous par la justice d'ailleurs ; donc il ne faut pas incriminer les gens éternellement. Ceux qui ont mal agi ou qu'on considère avoir été des éléments nocifs, il faut avoir le courage de les traduire en justice, autrement chacun a le droit de participer à l'activité de son pays et de le servir. C'est ma position. Je ne vais pas chercher les gens pour leur dire venez, mais ceux qui viennent, s'ils n'ont rien à se reprocher – et nous vérifions cela – il n'y a pas de raison qu'on les accueille pas.
-Croyez-vous que le gouvernement d'Ali Laârayedh dépassera les échecs de son prédécesseur ?
L'avenir qui le dira. Certainement, il a déjà beaucoup de handicaps, mais on ne peut juger qu'à la pratique, on ne veut pas condamner les gens avant qu'ils n'aient commencé à travailler.
-Etes-vous inquiet par la situation au Sahel et chez vos voisins ?
La sécurité de la Tunisie est intimement liée à celle de l'Algérie, de la Libye et vice-versa. Nous sommes ces composantes du grand Maghreb dont l'avenir est lié. Dans le passé, nous avons lutté ensemble contre le colonisateur commun, et pour l'avenir aussi, nous devons être ensemble.Ce qui s'est passé en Algérie, à In Amenas, est une chose que nous ne pouvons accepter. Nous nous sommes toujours déclarés solidaires avec les Algériens ; quelle que soit la politique qu'ils suivent, c'est leur affaire. Nous n'intervenons pas dans les affaires intérieures des Etats, mais stratégiquement, nous avons toujours eu des liens qui doivent être pris en considération aussi bien par nos populations et par nous-mêmes que par les étrangers qui doivent savoir que nous sommes très liés.
En tout cas, j'espère que l'Algérie continuera à progresser parce qu'elle a eu le mérite de se libérer d'un colonialisme très important et avec ses propres enfants. Je me rappelle quand nous avons visité l'Algérie avec le président Bourguiba la première fois, après l'indépendance de l'Algérie, c'était émouvant. Bourguiba était un grand patriote, il a embrassé la terre et a dit : «Ce pays qui s'est libéré de ce qu'il a souffert et par ses propres enfants, il faut le saluer et le respecter.»


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