Il ne m'appartient pas de relever les nombreuses ambiguïtés qui entourent les motifs et raisons évoqués par le colonel Tahar Zbiri dans son livre Un demi-siècle de combat, expliquant l'échec de sa révolte contre le colonel Boumediène. Néanmoins, en ce qui concerne le reproche fait dans son livre (pages 280 et 284) à l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), d'avoir manqué à sa promesse d'organiser des manifestations publiques de soutien, un des faits, mentionné par lui, comme ayant contribué à l'échec de sa tentative de putsch, est tout simplement infondé. Ayant été personnellement impliqué au moment des événements, d'une part, comme assistant, le colonel Boubnider Salah dit «Sawt el arab», membre du secrétariat exécutif du Front de libération nationale (FLN) dans sa fonction de coordonner les activités des organisations de masse et notamment l'UGTA, et, d'autre part, en tant que principal médiateur entre Boubnider et Zbiri, du fait de la relation idéologique que j'entretenais avec un camarade proche de ce dernier, je me dois d'apporter, à toutes fins utiles, les éclaircissements suivants : au moment où commençait à circuler la rumeur relative à la fronde du colonel Tahar Zbiri contre le colonel Boumediène, je me suis dépêché d'amplifier cette rumeur pour sensibiliser le cercle politique afin de susciter un climat insurrectionnel. Comme j'étais en contact permanent avec la direction centrale de l'UGTA dont faisaient partie de nombreux camarades issus du dernier congrès et qui furent soutenus par la fraction progressiste du FLN avant le putsch du 19 juin, je devenais de ce fait le pivot central pour tout engagement politique éventuel de l'UGTA, laquelle depuis le congrès n'avait cessé de manifester sa volonté de sauvegarder son autonomie vis-à-vis de la direction du parti FLN. Je laisse de côté tous les autres aspects tumultueux de cette tentative de putsch dont je parlerai dans un autre écrit et je me limiterai au rôle joué par l'UGTA. Les trois colonels historiques, membres du secrétariat exécutif, à savoir Mohand Oulhadj, Boubnider Salah et Khatib Youcef, désignés par le colonel Boumediène comme membres du Conseil de la Révolution, pour servir de caution à son putsch du 19 juin, étaient intéressés par cette rumeur, car ils se sentaient humiliés de ne pas être conviés aux réunions de ce «Conseil» et d'être démunis de tout pouvoir au sein du FLN. Les entretiens que j'ai eus avec l'intermédiaire, cité plus haut, tournaient autour de la manière de mobiliser les forces susceptibles de constituer un support quelconque à ce mouvement de fronde. Le colonel Tahar Zbiri, qui était au départ réticent à l'idée de rencontrer les trois chefs historiques, finit par y adhérer. Les trois chefs historiques revinrent déçus de cette rencontre. Le colonel Boubnider me rapporta que le colonel Zbiri semblait gêné par leur offre de concourir par des actions politiques et populaires. Il récusa particulièrement l'idée de mobiliser l'UGTA et d'organiser des manifestations de masse regroupant aussi bien la Jeunesse du Front de libération nationale (JFLN) que l'Union nationale des étudiants algériens (UNEA). Ma «relation commune», à son tour, me confirma le fait. Alors, il était apparu clairement à tout un chacun qu'il s'agissait bien d'une affaire personnelle entre Zbiri et Boumediène, qui, malheureusement, éclaboussa beaucoup de monde. Entre autres, elle coûta la vie à un valeureux officier supérieur de notre Armée nationale populaire, puissant soutien de la tendance progressiste nationaliste. Elle entraîna la domestication définitive des organisations de masse et également la liquidation du FLN qui devint un simple appareil administratif au service d'un pouvoir personnel, désormais libre de toute entrave.