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«Ce qui compte c'est d'avoir des chefs capables de motiver leurs hommes»
Smaïl Seghir. Consultant en management, auteur du livre Culture & Gestion en Algérie
Publié dans El Watan le 08 - 04 - 2013

Culture & Gestion en Algérie est un livre qui présente les résultats d'une enquête menée auprès de 1 052 salariés algériens, mettant en évidence un «fort hiatus culturel» entre la pratique bureaucratique consacrée, branchée sur l'écrit, et les aspirations des salariés interrogés, qui, en relation intime avec le «fonds culturel de la société algérienne», valorisent l'oralité. Dans cet entretien, Smaïl Seghir, auteur du livre et consultant en management, tord le cou à beaucoup d'idées reçues sur la question.
-Partagez-vous l'idée selon laquelle les Algériens seraient de mauvais travailleurs ?
Tout ce qui est excessif est insignifiant, disait Talleyrand. Il est vrai que le climat actuel prête au pessimisme et les gens ont tendance à porter des jugements trop expéditifs sur tout ce qui leur paraît négatif. Non, les Algériens ne sont pas de mauvais travailleurs ! Au contraire, tout au long de leur histoire, les Algériens ont montré des aptitudes remarquablement fortes pour leur goût de l'effort et de la persévérance. N'ont-ils pas été les fondateurs de grands empires, des producteurs remarquables dans l'agriculture, l'artisanat, l'architecture ? Plus récemment, n'ont-ils pas été la force vive de la reconstruction de la France après les deux guerres mondiales ? Prétendre que les Algériens seraient rétifs au travail traduit une méconnaissance grossière de la société algérienne et de ses ressorts.
-Sur quelles bases fondez-vous ce jugement ?
Au-delà de ce que nous apprend l'histoire de l'Algérie, il se trouve que la culture des Algériens leur donne des prédispositions exceptionnelles pour le travail. Dans un rare travail mené sur la question, je fais référence ici à l'étude Culture & Gestion en Algérie que j'avais lancée au début des années 90 lorsque je dirigeais l'entreprise ENORI, nous avons révélé que les Algériens ont une attitude culturelle dite «orientée vers la tâche» ou «expressive».
Ce qui veut dire qu'ils tirent leur satisfaction première du travail bien fait. Bien dirigés et placés dans des conditions organisationnelles données, ils sont particulièrement performants. Les managers qui ont perçu cette aptitude, de façon intuitive ou à travers leur expérience, ont pu mener leurs hommes à de grands succès. Nous avons donc là un gisement de productivité exceptionnel qui ne demande qu'à s'exprimer.
-A part cette «orientation vers la tâche», quelles seraient les autres valeurs culturelles que partage le monde du travail en Algérie ?
Dans l'étude que je viens d'évoquer, nous avons identifié les valeurs culturelles fortes des Algériens qui influencent la performance au travail. De façon synthétique, on peut dire que le mode de management performant pour l'Algérie devrait reposer sur quatre piliers : des chefs légitimes mais proches de leurs hommes, des communications directes fondées principalement sur le face-à-face, des organisations qui favorisent le lien social et un mode de décentralisation moyen faisant une large place à la consultation. C'est là un mode de management qui est en opposition directe avec le système en cours dans les entreprises et organisations algériennes. Comment alors s'étonner que la motivation des hommes soit souvent très faible quand le mode de management qu'on leur propose tourne carrément le dos à leurs attentes culturelles les plus fortes ?
-Les travailleurs algériens ont-ils un fond culturel commun ? Y a-t-il des spécificités régionales ?
Lorsque nous avons lancé l'étude Culture & Gestion en Algérie, nous nous sommes posé la question de la diversité culturelle algérienne au regard de son influence sur le management. Nous avons voulu savoir s'il existait des «subcultures» suffisamment contrastées pour induire des modes de management différenciés. Certes, nous avons identifié quelques situations qui présentent des traits assez marqués. C'est, par exemple, le cas de la région du M'Zab, de la Grande Kabylie ou des Aurès. Mais ces différences sont statistiquement peu significatives. En réalité, nous partageons tous un même fond culturel. Nous pouvons même dire que l'Algérie culturelle existe bel et bien !
-Est-ce qu'on peut dire que le système mis en place offre un ancrage insuffisant par rapport aux fondements culturels de la société algérienne ?
Quel est le modèle de management en usage dans les entreprises et organisations algériennes aujourd'hui ? C'est un modèle fondamentalement bureaucratique, très centralisé, avec des chefs peu légitimes. Ceci est vrai aussi bien dans le public que dans le privé qui, souvent, copie ce qui est en usage dans le secteur public. L'approche bureaucratique du management est une survivance du modèle bureaucratique français dont nous avons hérité ; et qui n'a fait que se consolider avec l'option socialiste après l'Indépendance. Au bout du compte on aboutit à une bureaucratisation extrême des modes de gestion et une tendance vers l'uniformisation qui annihile l'initiative et la prise de risques.
Figurez-vous que la simple décision de mise en congé d'un agent d'une APC nécessite rien moins que la signature d'un arrêté du maire ! Le management des hommes dans les organisations algériennes souffre de deux maladies. D'une part, il n'a pas réussi à se départir du modèle bureaucratique classique, d'autre part, il ignore superbement les attentes culturelles des Algériens au travail. Si nous voulons rendre nos entreprises et organisations performantes, nous devons réussir une sorte d'aggiornamento pour revoir complètement notre approche de la gestion des hommes au travail.
-S'il faut se réconcilier avec la culture, quels sont les modes de gestion à revoir, selon vous ?
Le mal est tellement profond qu'il nécessite non pas une simple évolution mais un véritable changement dans les mentalités des managers/responsables et dans leur façon de conduire les hommes. Dans le changement à opérer, ce qui me paraît critique c'est la question de la légitimité des chefs. Nos entreprises et organisations souffrent d'un grave déficit de légitimité des responsables aux yeux de leurs salariés/administrés. Et cela, alors même que les Algériens ont des attentes extrêmement fortes vis-à-vis des qualités et des compétences de leurs chefs. Or, nous savons tous que chez nous le choix des chefs est un point noir dans la plupart de nos entreprises et organisations. Tant que les chefs n'auront pas une forte légitimité, aucun progrès ne peut être atteint dans la voie de l'accroissement de la motivation et de la productivité du travail.
-Je comprends donc que le style de commandement est la clé dans les transformations que vous recommandez. Pouvez-vous préciser votre pensée sur cette question ?
Partout aujourd'hui on reconnaît l'importance du leadership dans la performance des organisations. Les modes traditionnels dits «command & control», fondés sur un pouvoir fort, ont montré leurs limites. Ce qui compte c'est d'avoir des chefs capables de motiver leurs hommes, non pas seulement par le ventre (le salaire), ou par la tête (la rationalité), mais surtout par le cœur (les sentiments). Les chefs qui savent «parler au cœur» sont de vrais leaders. Lorsqu'on établit l'échelle de Maslow appliquée à l'environnement culturel algérien, on s'aperçoit que les besoins premiers des salariés algériens sont la sécurité et le sentiment d'appartenance. Répondre à ces attentes, c'est leur donner des chefs disposant d'attributs interactionnistes bien affirmés. Autrement dit, ils attendent de leurs chefs de fortes aptitudes de leadership.
Du reste, quand vous passez en revue les grands succès algériens, que ce soit dans l'entreprise, l'administration, le sport ou la politique… vous verrez qu'à chaque fois ce sont des leaders exceptionnels qui ont été à l'origine des grandes réussites, et cela, pas seulement au sommet de l'organisation, mais à tous les niveaux hiérarchiques. Le choix des hommes, leur formation et leur préparation à leur rôle de chef sont donc des points de passage obligés si l'on veut faire de la performance. Tant que les chefs continueront à être cooptés ou adoubés, avec peu d'aptitudes au leadership, il ne faut espérer aucune motivation de la part de leurs salariés/administrés et donc accepter de prolonger la crise de productivité du travail en Algérie.
-De façon générale, quel environnement peuvent permettre les transformations que vous appelez de vos vœux ?
A mes yeux, il ne s'agit pas d'attendre un environnement particulier qui doit faciliter les transformations indispensables. Nous avons pris tant de retard ! Ce qu'il faut c'est d'abord prendre conscience que le monde a changé et qu'on ne peut plus gérer les hommes comme on le faisait il y a un siècle. Les hommes ont changé, les règles de la compétition aussi et les défis ne sont plus les mêmes. Pour prendre la mesure de ces changements, il faut s'ouvrir au monde, observer les meilleures pratiques de motivation des hommes et, ensuite, tirer ce qu'il y a de mieux dans nos valeurs les plus fortes pour revoir nos modes de gestion. Dans cette transformation, la formation m'apparaît comme un levier clé, en particulier la formation en gestion. A cet égard, l'exemple de la Chine est très frappant, car ce pays a longtemps vécu dans un système ultrabureaucratique et hypercentralisé.
Les réussites économiques exceptionnelles de la Chine ne sont pas dues à des secrets bien gardés. Ils résultent d'un gigantesque effort dans la formation en management qui a vu se développer à partir des années 90 d'innombrables initiatives de création de business schools, souvent en partenariat avec des business schools américaines ou européennes parmi les plus prestigieuses. Voilà une des directions qui devrait inspirer les Algériens pour remettre notre pays dans la voie de la performance.


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