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«Le bain de sang prémédité du 14 août fait basculer l'Egypte dans le pire des scénarios»
Jean-Pierre Filiu. Professeur des universités à Sciences-po (Paris)
Publié dans El Watan le 19 - 08 - 2013

La transition démocratique en Egypte a pris un sérieux coup depuis le renversement du président Morsi, suivi d'une spirale de violence. «Un énorme gâchis qui aurait parfaitement pu être évité», estime le professeur Jean-Pierre Filiu.
Deux raisons ont mené à ce scénario catastrophe : «Les Frères musulmans ont géré le pays de manière calamiteuse et ont gouverné avec un sectarisme coupable face à une armée qui n'a jamais cessé de comploter contre eux.»
- Le glissement d'une confrontation politique vers un affrontement armé entre Frères musulmans et forces militaires était-il inévitable ?

Nous assistons, en Egypte, à un effroyable gâchis qui aurait parfaitement pu être évité avec un minimum de bonne volonté de part et d'autre. Mais les Frères musulmans ont feint de croire que l'élection d'un des leurs à la présidence de la République valait chèque en blanc pour toute leur politique. Ils ont géré le pays de manière calamiteuse et ont gouverné avec un sectarisme coupable. Quant au général Abdelfattah Al Sissi, le véritable homme fort du pays depuis le putsch du 3 juillet dernier, il n'a jamais donné sa chance aux médiations égyptiennes, arabes et internationales qui se sont succédé durant le mois de Ramadhan.

- Au regard de l'impasse politique et d'une polarisation extrême, pensez-vous que l'Egypte court le risque de basculer dans une guerre civile ?

Le bain de sang prémédité du 14 août fait effectivement basculer l'Egypte dans le pire des scénarios. Il faut se rappeler que la junte militaire a tué presque autant de civils cette journée-là que Moubarak n'en avait fait tuer durant les 18 jours de la «révolution de Tahrir», en janvier-février 2011.
Par ailleurs, les sources gouvernementales affirment que des dizaines de policiers ont été eux aussi tués le 14 août, ce qui révèle une militarisation au moins partielle de la contestation islamiste. Enfin, la mobilisation de «comités populaires» aux côtés des forces de l'ordre aggrave les risques de dérive milicienne dans un pays profondément divisé, où la propagande de haine se déverse dans les deux camps.

- Le risque d'une radicalisation de la confrérie des Frères musulmans est-il plausible ?

Des tensions très fortes traversaient les Frères musulmans depuis la chute du président Moubarak. Toute une tendance moderniste voulait jouer pleinement le jeu démocratique et abandonner les préventions doctrinales du mouvement islamiste. En revanche, le courant «tanzîmî» accordait une priorité absolue à l'orthodoxie idéologique et à la préservation de l'organisation. La plus grande faute de Mohammed Morsi est de ne pas s'être dégagé de ce courant «tanzîmî» au nom de sa légitimité démocratique. La répression féroce dont les Frères musulmans sont la cible va naturellement encourager les plus radicaux, magnifiés dans le culte du martyre, avec tous les risques de surenchère que cela implique.

- Le discours officiel use de la terminologie «terroriste» pour désigner les manifestants. Qu'est-ce que cela signifie, selon vous?

L'Algérie, où le colonialisme français a longtemps qualifié de «terroristes» les résistants nationalistes, sait bien ce qu'une telle terminologie signifie : elle vise avant tout à justifier l'élimination de l'adversaire en lui déniant toute légitimité politique. Il est frappant de voir comment les militaires égyptiens essaient de discréditer le président Morsi en l'associant au Hamas et au Hezbollah, stigmatisés tous deux comme «terroristes» par Israël. Il est en revanche à craindre que l'écrasement dans le sang de manifestations pacifiques n'encourage le passage à la violence d'une minorité islamiste, convaincue de l'inanité de la voie politique. Les militaires égyptiens auront ainsi alimenté le terrorisme qu'ils prétendent combattre.

- L'armée a repris le pouvoir après avoir déposé le président Morsi. Est-ce un signe de retour à l'ancien régime ?

L'armée égyptienne n'a jamais abandonné le pouvoir depuis le renversement de la monarchie, en 1952. Elle s'était, deux ans plus tard, retournée avec Nasser contre les Frères musulmans pour consolider ce pouvoir sans partage. Elle a sacrifié en février 2011 le président Moubarak, dont l'aveuglement conduisait le pays à des troubles toujours plus graves. Mais elle a alors continué de contrôler le pays par le biais du Conseil supérieur des forces armées (CSFA). Elle a jeté tout son poids dans la présidentielle de juin 2012 derrière l'ancien général Ahmed Chafik, qui a dû s'incliner devant Morsi. Le général Al Sissi, devenu ministre de la Défense, n'a jamais cessé de comploter contre les Frères musulmans, notamment en organisant des pénuries de produits de base. La junte militaire considère avoir refermé une année de parenthèse islamiste.

- Les puissances occidentales sont unanimes à condamner les agissements des autorités égyptiennes. Quel commentaire vous inspirent ces pressions internationales ?

On peut difficilement parler de «pressions» quand on connaît la dépendance de l'Egypte envers l'aide internationale, qu'aucun dirigeant occidental ne semble aujourd'hui remettre en cause. Il est même surprenant que les Etats-Unis et l'Union européenne ne tirent aucune conséquence de leur humiliation par la junte militaire qui, à l'évidence, a saboté les médiations internationales du mois de Ramadhan. Les condamnations occidentales, à ce stade purement verbales, alimentent la propagande du régime Al Sissi : il peut se draper dans la souveraineté nationale pour mieux «résister» à des «pressions» inexistantes. Cela permet aussi de nourrir la fable d'un vaste «complot» international où les Etats-Unis, Israël et le Qatar épauleraient les Frères musulmans.

- Enfin, peut-on affirmer qu'avec le tour tragique que prend la transition démocratique en Egypte, c'est le printemps arabe qui vacille ?

J'utilise pour ma part l'expression de «révolution arabe» plutôt que de «printemps», convaincu que je suis d'être face à un processus révolutionnaire de longue durée. La contre-révolution arabe a déjà sévi en mars 2011 au Bahreïn et elle a neutralisé, l'hiver suivant, le potentiel révolutionnaire de la contestation yéménite. Dans les deux cas, l'Arabie Saoudite a joué un rôle majeur d'animation de cette dynamique contrerévolutionnaire. C'est aussi ce à quoi nous assistons aujourd'hui en Egypte. Le plus tragique est que les Frères musulmans étaient en train de perdre leur crédit politique du fait de leur bilan déplorable et que la répression militaire va restaurer le prestige islamiste sur un registre victimaire. Mais nous ne sommes qu'au début d'un long processus, avec toutes les tragédies qu'implique un tel bouleversement historique.


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