On passe du film turc Climats, de Nari Blige Ceylar, œuvre très subtile, très brillante. Splendide photographie d'Istanbul où un couple très séduisant (lui professeur à l'université d'histoire ancienne, elle réalisatrice de feuilletons télévisés) passe d'un instant à l'autre de l'amour fou à l'incompréhension totale. Personnages contemporains, très réels, très modernes, qui indiquent bien qu'en Turquie les pseudo-aventuriers d'une religion pure et dure n'ont pas d'avenir au pays. Attraction donc ultraconvenable. De même que le beau film de Shérif Arafa, cinéaste égyptien de premier plan, sur la vie du grand chanteur Abdelhalim Hafez. Halim (son titre) est fait avec respect, rigueur et émotion. On passe des décors prolétaires où le chanteur orphelin a passé son enfance aux décors fastueux du temps de sa splendide carrière comme Le Rossignol brun. Abdelhalim Hafez a chanté l'amour, la révolution, le haut barrage. Il est mort jeune, il y a déjà 30 ans. Ce film est un hommage exceptionnel à l'un des plus grands artistes du monde arabe. Shérif Arafa relève (avec finesse) quelques frictions que Hafez a eues avec Abdelwahab et Oum Kaltoum. Mais à chaque fois, ça se termine par des réconciliations grandioses. Avant de mourir, Ahmed Zaki a terminé toutes les scènes de Halim adulte. Admirable acteur qui confère plein d'autorité au chanteur légendaire. C'est son fils Haïthem Ahmed Zaki qui joue Halim plus jeune à l'aube de sa faramineuse carrière. Aux confins du documentaire ethnographique, le film d'Ameur Zaïmèche Bled n'a pas fait l'unanimité, loin de là. Le cinéaste émigré se livre à un jeu que les producteurs et les médias français aiment par-dessus tout : montrer l'Algérie archaïque, à couteaux tirés, dénuée de la moindre modernité. Bref, voilà quelqu'un qui sous le couvert du retour vers ses origines crache allègrement sur la société algérienne, et à Cannes, un quotidien particulièrement haineux, quand il s'agit de notre pays, lui consacre des pages entières... « Peau arabe et masque français », comme disait Frantz Fanon. On ne peut être bienveillant à l'égard du fiasco de Zaïmèche. Il convient aussi de dénoncer les producteurs français racistes qui poussent à faire des films sur l'Algérie aussi dégoûtants. Quand en France laissera-t-on l'Algérie tranquille ? C'est sûr que le Front national va applaudir ce film.