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«Il y a une politique d'Etat programmée pour effacer l'identité mozabite»
Kamel Eddine Fekhar. Militant des droits de l'homme à Ghardaïa
Publié dans El Watan le 31 - 12 - 2013

- D'abord, qu'est-ce qui a déclenché, selon vous, ces événements qui ont ébranlé Ghardaïa ?

Je note d'emblée que les gens ne cherchent que le sensationnel. «Combien y a-t-il eu de morts ?» ; «Combien de blessés ?» ; «Comment cela a commencé ?» ; «Le wali s'est réuni avec les imams et les notables»… C'est un scénario vraiment périmé qu'on nous sort à chaque fois. Cela n'a aucun sens de s'interroger sur la manière dont les événements ont commencé, parce que cela va se répéter. Depuis 1962, c'est la même histoire qui recommence. Ça ne s'est jamais arrêté. C'est un film d'horreur qu'on est en train de vivre, avec différents épisodes. Il y a une volonté politique, une politique d'Etat affirmée et confirmée pour détruire l'identité d'un groupe, et cela s'appelle un ethnocide. Pourtant, c'est une identité qui ne devrait déranger personne. On est chez nous, on est dans les terres de nos parents, je parle une langue différente, on a une pratique un peu différente de la religion. Voilà tout.
Mais le pouvoir essaie depuis l'indépendance de casser cette société qui est très structurée à la base. Il ne faut pas oublier que les Mozabites ont vécu durant des siècles dans le désert. Il n'y avait pas d'Etat central. Ils étaient obligés de compter sur eux-mêmes, de se structurer à travers des institutions qui gèrent tous les aspects de la vie : religieux, social, économique, et même le côté défense. Et heureusement d'ailleurs, sinon il n'y aurait plus de Mozabites depuis des lustres. Ni les Ottomans ni les autres dynasties n'ont mis les pieds ici. Ce n'est qu'après l'invasion française qu'un étranger a pu dominer cette région. Après l'indépendance, il y a eu une politique d'Etat programmée pour effacer l'identité mozabite. Cette identité est composée de deux volets : sur le plan ethnique, elle fait partie des sept composantes de l'identité amazighe. L'autre volet, c'est l'ibadisme qui est une école religieuse islamique modérée, pacifique et qui s'appuie sur la logique. Il y a les Moatazilites qui sont très proches de l'école ibadite et qui prônent le rationalisme.
L'ibadisme s'inspire aussi de la philosophie grecque. L'Ibadite privilégie toujours l'argumentation rationnelle et s'attache à donner l'exemple en toute circonstance. Jamais un Ibadite n'a levé le sabre pour obliger quelqu'un à devenir musulman. Et c'est tout cela qui fait la spécificité de l'identité mozabite. On est tranquilles, on n'a de problème avec personne. Après, il y a eu ces gens de Oujda qui voulaient imposer une culture hégémonique. Rappelez-vous l'époque du panarabisme de Jamel Abdennasser. Il y avait une volonté de dominer culturellement les peuples d'Afrique du Nord. Et pour notre malheur, nous avons été colonisés par les Français et leur Etat jacobin. Aujourd'hui, nos jeunes ne connaissent pas l'ibadisme, ne connaissent pas tamazight, ne connaissent rien du tout à cause de cette politique d'Etat de détruire cette identité. Le Mozabite est tué culturellement. Et le moyen le plus vicieux qu'ait utilisé l'Etat à cet effet, c'est la peur. Il terrorise les Mozabites. Le citoyen mozabite se sentait très diminué et se devait de baisser la tête en disant «l'essentiel lahna» comme dans les années 1990. Les gens avaient tellement peur qu'ils disaient : «L'essentiel lahna.» On veut juste la paix. On vous impose des choix en titillant un instinct naturel qui est la peur. Au début, c'était avec le parti unique. Les pouvoirs publics obligeaient les anciens à soutenir le FLN. Mais on n'est pas un peuple occupé ! On a colporté des rumeurs comme quoi les Mozabites n'ont pas fait la Révolution, les Mozabites sont des commerçants, des bourgeois. Boumediène présentait les Mozabites comme des profiteurs, et c'est encore ancré dans la tête de beaucoup d'Algériens. Le Mozabite est toujours considéré comme un sous-citoyen qui doit céder ses droits. Quand les commerçants recevaient la visite de contrôleurs véreux, ils payaient en silence, et ces petits fonctionnaires corrompus vivaient à leurs crochets. Après, les gens ont compris. Je suis un citoyen, je suis un être humain, je n'accepte plus ces pratiques. Les commerçants ont fini par se soulever en 2004. Les pouvoirs publics étaient devenus fous. Ils disaient : «Comment ça, vous êtes Mozabite et vous fermez la route ?» Comme quoi, tu restes toujours un sous-citoyen à leurs yeux. Un béni-oui-oui. Le wali disait : «Je n'accepte pas le FFS à Ghardaïa ! Vous, les Mozabites, vous devez rester sous la tutelle des ‘‘âyane'' (notables) désignés par nos soins.»

- Est-ce à dire qu'il y aurait une sorte de «racisme d'Etat» à l'égard des Mozabites ?

C'est du racisme d'Etat déclaré. Et comme les Mozabites sont une minorité, ils sont environs 300 000 dans les sept villes du M'zab, ils ont été écrasés. Au début, les Arabes sont venus de Metlili, puis des autres régions, et après l'indépendance, beaucoup d'autres ont migré vers Ghardaïa. Ils ont trouvé du travail, la paix, et avec le temps, le parti unique les a favorisés, leur a accordé des avantages. Il faut citer aussi la spoliation des terres des Mozabites. Maintenant, des quartiers arabes entiers sont construits sur des terres mozabites. Il y a des terrains appartenant à un ami, Allah yerhamou, à peu près 50 000 m2 en plein centre de Ghardaïa, qui lui ont été confisqués. Ils ont été nationalisés sans indemnisation, après, ils ont construit des bâtiments sur ces terrains pour y loger des Arabes venus de loin. Les Mozabites, eux, n'ont rien eu. Ses propres enfants n'ont pas bénéficié de ces logements. Cela dit, on n'a pas de problème avec les Arabes. On a un problème avec un pouvoir qui utilise sa police et met en avant les Arabes pour s'attaquer aux Mozabites. Il y a un problème d'agression du pouvoir algérien contre les Mozabites.

- Il ne s'agit donc pas d'un conflit tribal ou intercommunautaire ?

On veut montrer que ces gens sont en retard, que cette tribu des Beni M'zab ne s'entend pas avec la tribu des Chaâmbas. Et le journaliste sort cette histoire, il est content, son journal se vend bien. Mais tout ça est faux ! Le problème n'est pas l'Arabe. Prenez Alger : vous avez un match entre l'USMA et l'USMH. Si vous ne mettez pas en place un service d'ordre, qu'est-ce qui se passera ? Ils vont s'entretuer. Eh bien, c'est la même chose. Pourquoi la police ne fait pas son travail ? Vous avez quelqu'un qui agresse un autre. On le traduit en justice et on n'en parle plus, ce qui n'est pas le cas ici. Ils le font exprès pour que la psychose continue. Pour que le Mozabite ait peur.

- Vous parliez des notabilités locales. Comment analysez-vous leur rôle durant ce conflit ?

On est en 2013, on n'est pas au Moyen-Age. Ils nous parlent de «aâyane» (notables) qui se sont réunis, etc. Ils se moquent de nous ! Ces notables n'ont aucune prérogative. Ils n'ont aucun pouvoir. Tout ça, c'est du folklore. Ils font partie de la justification de l'injustice qui sévit. Ces gens sont soit de vieux imams qui ne peuvent rien et qui voient l'Etat comme un ogre qui va les bouffer, soit de petits «samasar» (courtiers), des «beznassia» qui ont des intérêts à défendre. De petits arrivistes qui ne pensent qu'à obtenir leur part de la rente pétrolière. C'est ça «el aâyane». Ce sont les porte-parole du pouvoir algérien à l'intérieur de notre société. Ils sont là pour casser eux aussi ces revendications identitaires dans notre société. C'est leur rôle.

- Et qu'en est-il de la classe politique ? Peut-elle contribuer à régler cette crise ?

Je n'attends rien d'eux. J'ai été moi-même un élu APC. En Algérie, l'élu n'a aucun pouvoir. Aucune prérogative. On vit dans un état dictatorial, corrompu, qui ne reconnaît aucun droit, sauf s'il est acculé. Les partis à Ghardaïa ne peuvent pas bouger. C'est une clientèle qui se rencontre sur différents registres du commerce. Ils attendent tous les cinq ans leur quota et c'est tout.
Vous avez dénoncé des actes de torture et d'agression sexuelle lors des événements de Guerrara qui auraient été commis par la police…
Oui, il y a eu des cas d'agression sexuelle et de viol à Guerrara. Des gens qui avaient été arrêtés en 1985 ont dit qu'ils avaient subis la même chose, mais ils avaient eu honte de l'avouer. Il n'y avait pas de médias pour en parler. Il y a deux mois, à Ghardaïa, des policiers ont arrêté un jeune et ont essayé de le violer dans leur fourgon. Les policiers ont un comportement de colonisateur. Le policier a carte blanche pour faire ce qu'il veut. Et on sait bien qu'un policier sous la dictature ou un gendarme ou un militaire n'est pas libre de sa pensée. Il applique les ordres. Quand le policier commet des actes de torture ou de viol à l'intérieur du commissariat, c'est qu'il a reçu des ordres. Je le dis et je le répète : c'est une guerre qui prend des formes différentes du pouvoir algérien contre la société mozabite.

- En tant que militant des droits de l'homme, envisagez-vous d'engager une procédure judiciaire contre les auteurs de ces dépassements ?

La justice algérienne, c'est l'autre visage de l'injustice exercée contre les Mozabites. On a le cas d'un jeune, Mohamed Baba Nedjar, qui a été condamné à mort puis à perpète. Ils lui ont collé une grave accusation de meurtre, sans preuve. On lui a dit : «Si tu dis que c'est Kamel Fekhar qui t'a donné l'ordre, on te relâche.» Il a refusé. C'est de la manipulation. Les Mozabites de service disaient aux jeunes : «Regardez le sort de celui qui fait de la politique, vous voulez qu'il vous arrive ce qui est arrivé à Baba Nedjar ?»
Moi-même, j'ai été l'objet de fausses accusations. Dernièrement, lorsqu'on a organisé un sit-in le 26 mars 2013 par solidarité avec les chômeurs de Metlili qui, soit dit en passant, sont Arabes, en moins d'une demi-heure, la police est intervenue et nous a matraqués. Il y a eu 18 arrestations, tous des Mozabites, dont 15 militants des droits de l'homme. On a fait une semaine de prison. On a été tabassés, torturés, puis condamnés. Pourtant, on n'a pas fermé la route. Eux, ils sont en train de casser, de piller, de voler sous leurs yeux et ils jouissent de l'impunité la plus totale.

- Le gouvernement vient d'annoncer une initiative pour Ghardaïa. Un commentaire ?

C'est de la poudre aux yeux ! C'est du «khorti» ! C'est pour endormir les gens. Le vrai problème, c'est la police. Il y a des lois, il faut les appliquer. On parle de créer une commission comme s'il n'y avait pas d'Etat. Ils font des choses avec ces soi-disant «aâyane» qui n'ont aucune prérogative. Ce sont des suppôts du pouvoir, comment négocier avec eux ? La source du problème est connue : c'est la police. Si la police avait fait correctement son travail à Guerrara et Ghardaïa, on n'en serait pas là. Cette police qui reçoit ses ordres de Belaïz et consorts…

- Si on vous sollicitait pour prendre part à ce processus de dialogue, seriez-vous disposé à y participer ?

Non, jamais ! Cela ne m'intéresse pas. Je ne veux pas servir d'instrument de légitimation à leur politique. Tout cela, c'est du pipeau !


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