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Le Paraguayen universel
Augusto Roa Bastos, moi, le suprême est son chef-d'œuvre
Publié dans El Watan le 07 - 06 - 2006

La grande littérature n'est pas, loin s'en faut, le privilège de l'Europe ou de l'Amérique du nord. Les écrivains de grande lignée ne manquent pas en Amérique latine aussi à l'image du Colombien Gabriel Garcia Marquez, du Péruvien Mario Vargas Losa ou de l'Argentin Adolfo Bioy Casarès.
On ne peut oublier le Mexicain Carlos Fuentes ou le Guatémaltèque Miguel Angel Asturias. Et ce n'est pas une énumération exhaustive, car il faudrait autrement évoquer de nombreux autres auteurs qui ont marqué de leur forte empreinte l'histoire universelle des lettres modernes. Parmi ceux-là, figure en bonne place l'immense écrivain paraguayen Augusto Roa Bastos, disparu en avril et dont on ne peut pas évoquer le nom sans le rattacher à ce formidable roman Moi, le Suprême. Ce chef-d'œuvre décrit la trajectoire d'un dictateur paraguayen qui avait pu se maintenir au pouvoir pendant 26 ans, de 1814 à 1840. Moi, le suprême est un sommet de la satire féroce. Roa Bastos a publié ce roman en 1974, en pleine maturité. Il a écrit, avec Moi, le Suprême, un réquisitoire plein de lucidité sur le despotisme car, en tant que Paraguayen, il savait parfaitement bien ce que le mot dictature voulait dire. Augusto Roa Bastos avait été chassé de son pays par la junte militaire dirigée par le général Alfredo Stroesnner. Ce dernier, Paraguayen d'ascendance allemande, mit le pays en coupe réglée, orchestrant une répression implacable de tout ce qui pouvait se dresser contre lui. Lorsque Stroesnner prend le pouvoir par la force en 1947, Roa Bastos est un brillant journaliste qui vient d'avoir trente ans et dont son journal, El Pais, est particulièrement fier. Augusto Roa Bastos n'est pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Il vient des couches les plus humbles de la société paraguayenne du début du XXe siècle, celle des Indiens auprès desquels il a grandi. Augusto Roa Bastos n'a pas été au terme de ses études qu'il interrompt très jeune. Lorsque il atteint 15 ans, une terrible guerre éclate entre le Paraguay et la Bolivie sur fond de revendications territoriales. Ce sera la guerre du Chaco dans laquelle Roa Bastos s'engage au sein des services infirmiers. Cette guerre durera trois ans, de 1932 à 1935. Elle restera gravée à tout jamais dans le subconscient du futur écrivain qui en reparlera dans son magnifique Fils d'homme. Lorsque Stroesnner le chasse du Paraguay, Augusto Roa Bastos s'établit en Argentine. Il y vivra plus de trente ans, jusqu'à ce qu'un coup d'état militaire - un autre - le pousse à fuir vers des cieux plus cléments. L'écrivain, presque toute sa vie, n'aura connu que des régimes despotiques et des dictateurs à la raison vacillante. Roa Bastos a résumé ce personnage dans le héros de son roman Moi, le Suprême qui trace le portrait de José Gaspar Rodriguez de Francia dans lequel transparaissent tous les dictateurs latino-américains. Stroessner, réincarnation avérée de Francia, vouera à Roa Bastos un haine qu'il poussera jusqu'à déposséder l'écrivain de sa nationalité. Terrible épreuve qui fera de Roa Bastos un apatride errant à travers le monde et dont l'exil ne prendra fin qu'à la chute du régime militaire et l'élimination de Stroessner. Ces pérégrinations justifient que Moi, le Suprême et son saisissant message de vérité aient fait si forte impression dans le monde entier. Roa Bastos a incarné, pour des générations de lecteurs, l'image d'un juste, car l'homme a porté les valeurs d'humanisme qu'exprime son œuvre, pas seulement Moi, le Suprême, mais aussi des romans majeurs comme A contre-vie ou Le procureur. Roa Bastos était en fait un conteur qui a su décliner les déchirements, les douleurs les plus sourdes de son époque. Il n'a pas restitué le Paraguay uniquement, dans Moi, le Suprême, mais toute l'Amérique latine, tout l'univers dans lequel se reconnaissent les opprimés. Journaliste, Augusto Roa Bastos avait été correspondant de guerre. Son intérêt pour la littérature, puis pour l'écriture se manifeste dès la fin de la guerre du Chaco. Lorsque il est sur le front, il dévore les grands classiques de la littérature mondiale et chacune de ses lectures lui donne l'envie irrépressible d'écrire. Il publie ses premiers textes dans la presse paraguayenne. Mais son activité de journaliste l'emporte en ces temps-là sur ses ambitions littéraires. Le quotidien El Pais dans lequel il exerce voit en lui l'un de ses futurs cadres dirigeants et de ce fait Roa Bastos se hissera aux plus hautes responsabilités dans ce journal. C'était sans compter avec l'irruption d'Alfredo Stroesnner qui exercera une impitoyable dictature sur le Paraguay durant d'interminables et sinistres années. Roa Bastos avait trouvé une raison de vivre dans l'élaboration d'une œuvre littéraire dont les contours se dessinaient déjà à Buenos-Aires. On connaissait de lui Tonnerre entre les fouilles et Orangeraie brûlante. Mais aussi Fils d'homme, réminiscence d'une jeunesse - la sienne à l'évidence - marquée par l'inoubliable tragédie de la guerre. Son grand roman Moi, le Suprême était en gestation et Roa Bastos y mettait ce que chaque homme voudrait entreprendre : forcer la porte du tréfonds d'un tyran. L'auteur avait accompli cet extraordinaire défi de tracer l'autoportrait d'un autocrate peu recommandable sous tous rapports. Cet exercice de dérision décapante n'en traduit pas moins une dimension quasi surréaliste d'une époque dominée par un clone du roi Ubu. Le succès du roman dans le monde n'était pas de nature à rendre Alfredo Stroessner plus clément envers Roa Bastos. Il ne pouvait pas non plus lui valoir la sympathie de la junte militaire qui avait pris le pouvoir en Argentine. Roa Bastos fera précipitamment ses valises pour s'établir ailleurs une fois de plus. Il trouvera refuge dans la ville française de Toulouse où il trouvera même du travail en qualité d'enseignant chargé de la littérature latino-américaine. Lorsque Roa Bastos retourne à Asuncion, il n'avait plus foulé le sol natal depuis 42 ans. Le Paraguay habite pourtant toute la littérature de ce grand écrivain que n'avait pas brisé l'adversité. Il avait vraiment mené le combat avec la plume, élevant la quête humaniste au rang de l'art. L'univers chatoyant, onirique et merveilleux qu'il a su dépeindre, est de ceux qui illuminent les bibliothèques du monde entier.

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