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Malade sans «maârifa», la condamnation
L'accès aux soins devient un privilège qui s'octroie dans l'ombre
Publié dans El Watan le 13 - 02 - 2014

Difficile de décrocher un RDV à l'hôpital si on ne connaît pas quelqu'un qui connaît quelqu'un... On n'a pas forcément envie de prendre la place de l'autre, mais on est obligé de se plier à la règle du «passe-droit» pour se faire soigner dans les temps.
Depuis que j'ai appris que ma mère a un cancer, j'ai tout arrêté.» Sihem*, 28 ans, avait pourtant une carrière prometteuse. Il y a à peine quelques mois, cette jeune femme fraîche et ambitieuse était responsable des ressources humaines dans une entreprise pharmaceutique. Quand une masse de 6 cm a été découverte sur le lobe gauche du poumon de sa mère, elle s'est mise à s'absenter et à enchaîner les congés. Très vite, une lésion sur le tronc cérébral (métastases) apparaît sur le scanner. Sihem, enfant unique, démissionne pour s'occuper de celle qu'elle appelle encore affectueusement, sur un ton presque enfantin, «Mama».
Depuis six mois, elle s'occupe de tout, seule, pour que sa mère «se débarrasse de ce foutu cancer». Elle y croit. Seulement, dans tous les centres anti-cancer que compte le pays — il y en a cinq —, il faut attendre des mois pour obtenir un rendez-vous, que ce soit pour une chirurgie, une chimiothérapie ou encore une radiothérapie. «On voulait faire intervenir des relations influentes de mon défunt père, mais en fin de compte la voisine d'une très bonne amie qui travaille au CPMC (Centre Pierre et Marie Curie, centre anti-cancer de référence, ndlr) a tout arrangé. C'est elle qui s'occupe de ma mère à chaque séance de radiothérapie ou de chimio.» Une séance par mois en moyenne. Sihem sait que tous les RDV qu'elle a réussi à décrocher depuis plus de six mois sont ceux d'autres patients, qui ont forcément été retardés pour que sa mère puisse être traitée. Elle ne regrette pas pour autant, quand bien même on lui fait remarquer que des personnes sont peut-être mortes en cédant leur place, sans même le savoir, à sa mère. Face à des cellules cancéreuses, le temps est le pire des ennemis. «Il fallait faire vite», lâche Sihem.
Prendre la place de l'autre pour survivre
Si c'était à refaire ? Elle le referait, forcément. «C'est ma mère. Comme ça aurait pu être la votre, votre fils ou votre père, je ne peux pas la laisser mourir parce qu'il n'y a pas de RDV pour une radiothérapie avant 6 mois !» Pense-t-elle à tous ceux qui n'ont pas la chance d'obtenir un RDV grâce à la bonne «maârifa» (connaissance), le bon coup de pouce, le bon piston pour se faire soigner, alors qu'ils attendent depuis bien plus longtemps que sa mère ? «Oui, j'y pense et c'est triste, mais je me concentre sur Mama en me disant qu'ils auraient fait la même chose s'ils le pouvaient, s'ils étaient à ma place», répond la jeune femme. Une cruauté qu'elle assume mal, mais qu'elle ne regrette pas. Elle a compris, malgré elle, que dans les hôpitaux algériens, c'est presque loi de la jungle qui s'applique.
Comment en est-on arrivé là ? «Le principe est simple», résume Omar, agent de sécurité à l'hôpital Parnet d'Hussein Dey. «Si tu ne fais pas intervenir tes relations, ton état s'aggrave et tu risques ta santé à force d'attendre, c'est notre système de santé qui veut ça, Allah ghaleb !», poursuit-il en ouvrant la porte. Un malade se fraye un chemin pour entrer. Puis Omar referme la porte sur une soixantaine de personnes qui attendent leur tour. «Si c'est pas toi qui prend la place de l'autre, c'est lui qui prend ta place, hadi hya (c'est ça!) malheureusement», précise encore Omar qui est très vite interrompu par une dame, la soixantaine. Hidjab gris, voilette blanche sur le visage qu'elle lève pour le supplier de la faire passer plus vite. «Madame, asseyez-vous, votre tour viendra», répond Omar qui donne toujours le dos à la porte fermée. La dame se rassoit. Elle s'appelle Khadija et elle attend depuis 4 mois ce fameux 10 février pour un scanner. Maintenant qu'elle y est, elle attendra quelques heures pour passer, puis une semaine avant d'avoir les résultats. Le temps que la maladie, si maladie il y a, évolue encore sous un bon coup de stress.
Malade «VIP» escorté de blouses blanches
Khadidja vient de Rouiba et elle s'impatiente parce qu'elle attend à jeun depuis des heures. «C'est comme ça, on leur donne une date, ils viennent tous à 7h du matin, puis ils attendent des heures pour passer», explique Omar. «Ils me supplient, ils s'imaginent que je peux les faire entrer plus vite», lâche-t-il dépité. A l'hôpital Parnet comme tant d'autres dans la capitale, il faut attendre longtemps pour obtenir un RDV. Et quand on l'obtient, il faut savoir supporter la qualité de la prise en charge. A moins de connaître quelqu'un qui connaît quelqu'un... Dans un autre service de radiologie de la capitale, même scène d'attente : des personnes âgées, des enfants, des familles entières. Pas assez de chaises pour tous, ils sont nombreux à attendre debout. «J'attends cette date depuis trois mois», raconte une jeune maman en berçant son bébé emmitouflé dans une couverture colorée.
«Mon fils a une hydrocéphalie, il a 18 mois, j'ai fait des pieds et des mains pour décrocher ce RDV pour un scanner ; dans ‘‘le privé'' ça coûte cher, en plus plusieurs ‘‘labo'' ont refusé de le prendre, ils disent que son cas est particulier et qu'il vaut mieux le faire à l'hôpital, alors son médecin m'a aidé à avoir ce RDV que j'attends depuis trois mois.» La jeune maman, originaire de Ouargla, a attendu trois mois et pour elle c'est déjà une aubaine. Sauf que son enfant, atteint d'une hydrocéphalie (liquide dans le cerveau, ndlr), nécessite des soins d'urgence depuis déjà trois mois. Le grincement de la porte du service qui s'ouvre fait tourner toutes les têtes. Ils attendent tous leur tour. Un agent de sécurité apparaît et cède le passage à un homme qui vient d'arriver. Halim, 45 ans, a tout l'air d'être un VIP, il est accompagné d'un homme en blouse blanche. Il faudra attendre plus d'une heure qu'il ressorte pour lui parler.
Piston version Facebook
«Oui, je suis passé maârifa (piston, ndlr)» avoue-t-il dans un rictus. «J'ai fait très simple, j'ai fouillé dans ma liste d'amis sur Facebook et je suis tombé sur le profil d'un radiologue, je l'ai contacté et il m'a répondu très gentiment en me fixant RDV», ajoute Halim, qui est soulagé d'avoir obtenu un RDV pour une IRM en moins d'une semaine. Sur place, tout est allé très vite pour lui. Il n'a même pas eu besoin de rester dans la salle d'attente. «J'avoue qu'une fois que j'ai vu tout le monde attendre, un sentiment de honte m'a traversé, mais face à la gravité de ma situation, j'ai une tumeur au larynx, l'urgence a atténué ma honte d'autant que j'ai appris que tous ces gens qui attendaient de passer avaient eux aussi eu un coup de pouce pour leur RDV, même s'il n'était pas aussi efficace que le mien», confie-t-il en quittant le service, pressé, laissant derrière lui tous ceux qui n'ont pas la chance d'être dans les plannings de l'ombre. Il doit faire vite, revoir sa liste d'amis et passer d'autres appels pour échapper à la condamnation. Sans savoir si le temps sera, dans son cas, un allié ou un ennemi. Fella Bouredji
* Les prénoms ont été changés pour respecter l'anonymat des personnes interrogées.
* «Connaissances»


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