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«On ne change pas le monde par soi-même»
La chronique de Maurice Tarik Maschino
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2014

Régulièrement, les dirigeants, quel que soit le pays, invitent la population à faire preuve de civisme.
A se conduire dans le respect de tous et de la cité. Les citoyens, à leur tour, attendent des dirigeants qu'ils agissent pour le bien du pays et, à l'approche d'une élection, supputent les qualités des candidats. Mais les appels au civisme des uns, comme le choix des électeurs, n'ont généralement aucun effet sur la réalité : les citoyens continuent à se conduire comme bon leur semble — salissent la chaussée ou le siège d'un bus, crachent où ils peuvent, fraudent… — et les dirigeants n'agissent que dans leur intérêt ou celui de leur clan, oubliant, sitôt élus, sur quelles promesses ils l'ont été. Egoïsme, corruption, mauvaise volonté ? Pas seulement, ou pas d'abord, mais ignorance des conditions réelles de tout changement : faire appel à la conscience des individus, à leur souci du bien public, en un mot à leur vertu, qu'ils soient au sommet ou à la base, c'est présupposer qu'ils ont tout pouvoir de penser et d'agir autrement qu'ils ne pensent et n'agissent d'habitude. C'est les imaginer totalement libres et oublier les structures sociales qui déterminent leurs pensées et leurs conduites. C'est ce que développe dans un livre très dense, La société des affects(1), un philosophe, directeur de recherche au CNRS, Frédéric Lordon.
S'appuyant sur d'illustres prédécesseurs, tels que Spinoza et Durkheim, l'auteur nous rappelle d'abord que nous ne sommes pas les créateurs solitaires de nos pensées, que nous pensons en liaison ou en rupture avec d'autres pensées, avec et à partir de ce que d'autres pensent ou ont pensé. Par conséquent, «il n'est aucune de nos pensées que nous puissions dire entièrement nôtre». Si nous le croyons, c'est par méconnaissance, en grande partie inévitable, des innombrables influences que nous subissons. L'orientation de nos pensées comme de nos conduites ne dépend pas de nous : pensées et comportements, dans une société donnée, sont induits par les institutions de cette société. Comme l'ont remarqué Foucault et Bourdieu, «la rigueur intellectuelle des savants ne doit rien à un amour natif et pur de la vérité, mais tout à la surveillance mutuelle des savants par les savants, qui ne louperont pas le déviant et par là incitent chacun à se tenir à carreau avec les règles de l'argumentation scientifique. La vertu scientifique n'est donc en rien une propriété individuelle, mais un effet de champ infusé en chacun des individus». Citoyen de base ou chef d'Etat, chacun pense et agit en fonction du champ social où il vit, de ses structures, de ses contraintes, des orientations qu'il suggère, des comportements qu'il exclut.
C'est ainsi, rappelle Frédéric Lordon, que les appels à la moralisation de la finance ne sont jamais que vœux
pieux : «Comment demander aux individus de la finance de réfréner d'eux-mêmes leurs ardeurs spéculatives quand tout dans leur environnement les incite à s'y livrer sans frein ?... La vertu n'appartient pas aux individus, elle est l'effet social d'un certain agencement des structures et des institutions telles qu'elles configurent des intérêts affectifs au comportement vertueux.» Il ne sert donc à rien de faire appel à la vertu des individus pour qu'ils agissent en citoyens responsables, si aucune contrainte ne les y incite ; mieux : si rien ne leur donne envie d'agir bien, ne les éloigne, en quelque sorte spontanément, à leur insu, de toute conduite égoïste et ne sollicite des affects qui les poussent à agir dans l'intérêt de la collectivité.
Pourquoi se conduire «bien» et ne pas prendre le bus d'assaut, en jouant des coudes et des pieds, si le respect d'autrui et de la politesse vous laisse sur le trottoir ? Pourquoi ne pas tricher à un concours si la sanction d'une habile tricherie est l'obtention d'un poste convoité ? Grossièreté des passagers, malhonnêteté d'un candidat sont des «effets de champ», et c'est le champ lui-même qu'il faut transformer pour que s'éveille le désir d'être honnête ou poli. Il en est de même en politique. «On ne change pas le monde par soi-même» et le candidat à la présidence d'un Etat, si démocrate soit-il, si disposé à agir pour le bien des citoyens, devient vite un dictateur ou se trouve condamné à n'être qu'un homme de paille si rien, dans les institutions et le fonctionnement réel de l'appareil d'Etat, ne l'encourage à se conduire en démocrate. Comment honorer ses promesses électorales et gérer le pays dans l'intérêt de la majorité, lorsqu'on est entouré de
crapules ? Comment, pour sauver son poste, ne pas faire concession sur concession, au besoin changer peu à peu ses convictions ou donner du «temps au temps» pour concrétiser ses promesses, c'est-à-dire ne rien faire ou faire le contraire de ce qu'on a promis ? Les exemples ne manquent pas de ces responsables élus sur un programme généreux et peu à peu amenés, par lâcheté, faiblesse et goût du pouvoir à poursuivre la politique de leurs prédécesseurs. Tant il est vrai qu'on ne fait pas du neuf avec du vieux, une société égalitaire avec des structures patriarcales, un régime démocratique avec des dirigeants cupides et sans morale.
1 ) Editions du seuil, 2013


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