Les APC se succèdent, la malvie persiste. Située à une trentaine de kilomètres au sud de Constantine, la commune de Ouled Rahmoun pâtit de la marginalisation et d'une mauvaise gestion chronique. C'est pourtant l'une des plus anciennes communes de la wilaya. Elle a été créée en 1890. Sa gare était un repère incontournable tout le long de la période coloniale. Un habitant a tenu à nous faire savoir qu'elle a été très utile aux forces armées durant les deux guerres mondiales. Rachid Nedjaï, retraité, habitant Ouled Rahmoun, s'est porté volontaire pour nous servir de guide. Profondément affligé par l'état de déliquescence dans lequel se trouve sa ville, il fera cette réflexion : «La vie s'arrête à l'entrée de notre commune !» En effet, nous remarquons, dès l'accès à cette agglomération, qu'il n'y a pas le moindre panneau de signalisation indiquant le chemin. «Les personnes étrangères à la ville ont tendance à se perdre, et c'est pire encore durant la nuit car il n'y a pas d'éclairage public», souligne-t-il. Ayant gros sur le cœur, notre retraité nous confie qu'il y a des années que beaucoup de projets ont été lancés mais que jusqu'ici aucun n'a été achevé. Il en veut pour exemple le projet d'un marché de proximité à l'entrée de la commune. Lancé en 2002, le taux d'avancement des travaux n'a pas atteint les 50%. Pis encore, nous dit-il dépité, au jour d'aujourd'hui, il est carrément abandonné. Il nous cite encore l'exemple du stade communal dont les travaux entamés en 2009, demeurent inachevés. Malgré cela, et curieusement, le terrain a été réceptionné en l'état, et mis à la disposition des équipes. «Allez voir ! Les gradins sont encore à l'état de coffrage et les autres travaux ont été abandonnés voilà des années, exposant l'ouvrage à la dégradation. Comment se fait-il que dans ce stade bordé de déchets et exposé à la dégradation, l'on organise des tournois où diverses équipes viennent jouer ?» s'interroge-t-il. Et la piscine ? Elle est pourtant achevée, mais elle est dans un tel état de déliquescence, que ça fait mal au cœur ! Elle est pleine d'eaux usées et autres objets hétéroclites. Et les douches, relativement terminées, elles restent désespérément fermées. La dernière fois que la presse a mis à nu ces aberrations, le P/APC au lieu de prendre les mesures qui s'imposent, n'a fait que sanctionner le gardien qui a laissé entrer le journaliste. Qui dit mieux ? La commune compte aussi une salle de sport qui se trouve à proximité du siège de la Seaco. Elle non plus n'est pas encore achevée. «A quoi servent nos élus ? Ils n'ont fait que laisser la situation s'aggraver», se demandent les habitants que nous avons rencontrés sur place. En parallèle, et pour de plus amples informations sur les projets lancés et restés inachevés, nous avons joint par téléphone le maire d'Ouled Rahmoun, Mohamed Chettab. Il nous dira d'emblée que le projet de marché à l'entrée de la commune a été «abandonné par ses prédécesseurs parce que non réussi». Concernant le stade et la crèche, deux projets en cours de réalisation, selon notre interlocuteur il ne reste que l'aménagement extérieur, «d'autant plus que le délai des travaux n'a pas encore expiré», souligne-t-il. Une gestion ubuesque Les habitants d'Ouled Rahmoun n'ont cesse de dénoncer l'incompétence et le manque de planification des projets de la part des responsables qui se sont succédé à la tête de leur commune. Avec l'argent gaspillé, les responsables auraient pu faire d'Ouled Rahmoun un vrai paradis sur terre, estiment-ils. «Nous souffrons depuis des années des conditions de vie déplorables; aucun P/APC n'a réussi à changer au mieux cette commune, pourtant les moyens ne manquent pas, c'est plutôt la compétence et la bonne volonté qui manquent», martèle un habitant qui a refusé de nous livrer son nom par crainte de représailles. Selon lui, la majorité des quartiers souffrent de malvie. A titre d'exemple, il décrit, en ces termes, le cas du quartier Rabah Zaâmta, situé en plein centre-ville : «Durant l'hiver, nous ne pouvons fermer l'œil la nuit à cause des intempéries et leurs conséquences catastrophiques sur les habitations ; en été nous ne pouvons pas respirer à cause des odeurs nauséabondes se dégageant des déchets répandus un peu partout.» Il a ajouté que ces habitants sont en permanence exposés au danger. D'autant plus que l'abattoir, sis dans ce quartier, est, d'après lui, devenu un repaire pour les drogués et autres alcooliques. «Nous avons contacté les différents P/APC mais nos doléances sont restées sans écho», fait-il remarquer, à bout de nerfs. D'autres faits gravissimes ont été encore évoqués par notre interlocuteur. Les lieux de culture et de loisirs pour les jeunes, -qui s'ennuient à mourir-, sont inexistants. Idem pour les établissements scolaires. Une école construite il y a 10 ans dans une agglomération nommée Cila, n'a jamais ouvert ses portes. Un vrai scandale ! Les élèves se trouvent contraints de faire un trajet de plusieurs kilomètres pour rejoindre l'école de Ghorab. «Les responsables doivent faire d'abord une prospection des lieux avant de lancer des projets, et de s'assurer de leur utilité pour les habitants, à l'instar de celui de la crèche qui a été construite à Chennouf M'barek il y a plus de 5ans, avant de connaître le même sort que celui de l'école susmentionnée. A ma connaissance, 80 % des femmes à Ouled Rahmoun sont des femmes au foyer et elles préfèrent garder elles-mêmes leurs enfants. Je me demande sur quels critères cette crèche a été construite dans cette commune rurale?» s'emporte notre guide. Pour se justifier, le P/APC nous a déclaré que la plupart des maisons qui se trouvent à proximité de l'abattoir ont été construites de manière illégale. Selon lui, il y a plusieurs années que les habitants de ce quartier ont été relogés. Mais il y a toujours ceux qui reviennent aux bidonvilles dans le but d'obtenir d'autres logements. Pour l'abattoir, l'édile souligne qu'il sera restauré et fermé, «car il ne génère aucun gain». Questionné au sujet de l'école du village Cila, il nous dira qu'elle est fermée à cause du manque d'élèves. «Il y a le transport scolaire pour ces élèves, ils n'ont aucun problème à rallier l'école d'El Ghorab», a-t-il insisté. Il n'en demeure pas moins que Ouled Rahmoun a besoin d'une sérieuse prise en charge par ses responsables locaux !