Le président du Conseil de la nation reçoit l'ambassadeur du Qatar en Algérie    Ghaza: au moins 10 martyrs dans des frappes de l'armée sioniste    Jeux africains scolaires : le Nigeria et le Kenya hôtes des deux prochaines éditions (ACNOA)    Remise en service de 12 trains "Coradia"    Chlef : nécessité de renforcer et de moderniser les équipes d'intervention spécialisées    Représentant le président de la République, M. Rebiga prendra part mercredi aux célébrations du bicentenaire de l'indépendance de la Bolivie    L'Algérie remporte la première édition    Sûreté de wilaya d'Alger : démantèlement d'un réseau de faux-monnayeurs et saisie de plus de 100 millions de centimes falsifiés    Annaba: diverses manifestations artistiques clôtureront les Jeux scolaires africains    Abdelmadjid Tebboune préside la cérémonie    Forte hausse de la valeur des actions échangées au 1er semestre 2025    Un ministère d'Etat chargé de la planification stratégique et sept à huit pôles économiques régionaux    Boudjemaa met en avant les réformes structurelles et la modernisation du système judiciaire    Cérémonie en l'honneur des pensionnaires des établissements pénitentiaires lauréats du baccalauréat et du BEM    1500 Palestiniens tombés en martyrs en tentant d'obtenir de la nourriture    Agression sioniste contre Ghaza: le bilan s'alourdit à 61.020 martyrs    La « Nuit des musées » suscite un bel engouement du public à Tébessa    De l'opulence à l'élégance contemporaine, le bijou d'Ath Yenni se réinvente sans perdre son âme    Canex 2025: 6 courts métrages algériens en compétition    Inscriptions universitaires: plus de 70% des nouveaux bacheliers orientés vers l'un de leurs trois premiers vœux    Jeux africains scolaires: Les athlètes algériens se sont distingués de manière "remarquable"    La FICR condamne une attaque contre le siège de la Société du Croissant-Rouge palestinien à Khan Younès    Bordj Badji-Mokhtar: installation du nouveau chef de sureté de wilaya    CHAN-2025 Les équipes, même sans le ballon, veulent dominer    Retour triomphal du Cinq national    Journée nationale de l'ANP: les familles honorées saluent la culture de reconnaissance du président de la République    Coup d'envoi de la 13e édition de l'université d'été des cadres du Front Polisario    La République philosophique que l'Occident refuse ou est incapable de comprendre    Atelier international de formation sur le patrimoine mondial    Nasri adresse ses voeux à l'ANP à l'occasion de la célébration de sa Journée nationale    Organisation de la 14e édition du Festival culturel national de la chanson Raï du 7 au 10 août    De nouvelles mesures en vigueur durant la saison 2025    Vague de chaleur, orages et de hautes vagues dimanche et lundi sur plusieurs wilayas    Jeux africains scolaires: L'Algérie préserve sa première position au tableau des médailles après la 8e journée    L'hommage de la Nation à son Armée    Bilan du commerce extérieur en Algérie pour 2023, selon les données officielles de l'ONS    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Architecte atypique
Exposition : L'œuvre algérienne de Fernand Pouillon
Publié dans El Watan le 24 - 05 - 2014

En Algérie, son empreinte architecturale est incontournable. Entre 1953 et 1984, Fernand Pouillon a réalisé pas moins de 300 projets aux quatre coins du pays entre cités d'habitation, villas, hôtels, cités universitaires et complexes touristiques. Son exigence était de construire vite, pas cher, en tenant compte des contraintes de chaque projet et surtout en ajoutant un supplément de plaisir à voir et à habiter.
Son exigence était de construire vite, pas cher, en tenant compte des contraintes de chaque projet et surtout en ajoutant un supplément de plaisir à voir et à habiter. Son cachet particulier consistait à intégrer toutes sortes de références historiques et de clins d'œil audacieux. L'architecte, et enseignante à l'EPAU (Ecole polytechnique d'architecture et d'urbanisme), Meriem Maâchi-Maïza, a eu la bonne idée de revenir sur ce personnage controversé et ses œuvres en Algérie à travers une exposition réalisée avec le soutien de l'Institut français d'Alger.
La première rencontre de Pouillon avec l'Algérie date de 1953. Il reçoit un télégramme de Jacques Chevalier, maire de la ville à l'époque, soucieux de répondre à la problématique du logement de masse dans la ville. «A midi, j'étais chargé de faire 3000 logements, à cinq heures du soir d'en faire 8000», se souvient-il dans une interview. L'architecte était déjà connu pour ses réalisations à Marseille, à l'image de la cité de la Tourette, dans le cadre des chantiers de reconstruction après la deuxième guerre mondiale. Tranchant avec toutes les chapelles de l'architecture moderne, Pouillon était un adepte de la «théorie de la pratique», pour reprendre une expression de Bourdieu. Peu importe les conceptions abstraites, l'essentiel est que cela fonctionne sur le terrain. Cet architecte qui avait commencé à bâtir avant d'obtenir son diplôme d'architecte plaçait le «métier» et la capacité d'adaptation avant toute forme de calcul ou de théorie. Il avait également une solide réputation de «corsaire de l'architecture», prêt à tout pour décrocher les chantiers les plus ambitieux.
Sa première période algérienne est marquée par la construction de trois grandes cités HLM, qui restent aujourd'hui encore des sites singuliers et emblématiques dans le paysage urbain algérois : Diar Essaada, Diar El Mahçoul et Climat de France. Ces cités se composent de plusieurs milliers de logements qui répondent aux besoins d'habitat confortable pour le plus grand nombre, avec divers équipements de proximité : école, mosquée, église, marché, voire téléphérique pour Diar El Mahçoul. En plus de cette vision quasi d'urbaniste, Pouillon tenait à ajouter un cachet artistique à l'ensemble : «L'homme a besoin d'un décor, il aspire toujours à mieux vivre, dans le luxe si possible», affirmait-il. Artistes et artisans sont mis à contribution pour embellir les cités. «L'architecture méditerranéenne est faite pour vivre aussi à l'extérieur, affirme Maâchi-Maïza. Pour réussir son pari, il revalorise les corps de métier : les artisans céramistes comme les frères
Sourdive ou Mohamed Boumehdi, les tailleurs de pierre, les ferronniers, les jardiniers…».
Bref, le logement social n'était pas du logement au rabais et l'économie n'excluait nullement l'audace. Il fait ainsi réaliser à Diar Essaada un ruisseau artificiel parcourant la cité de bout en bout, traversant notamment une mosaïque de Jean Chauffey qui a la particularité d'être l'une des plus vastes du monde, 3000 mètres carrés, mais aussi l'une des moins coûteuses, 200 francs le mètre carré.
A Diar El Mahçoul, on rencontre des sculptures de Jean Amado et une fontaine monumentale de Louis Arnaud représentant Neptune conduisant un char, dont subsistent les chevaux, déportés aujourd'hui en face du Bastion 23. Au Climat de France, l'architecte tentera de compenser la modestie des logements, destinés aux Algériens des couches sociales les plus pauvres, par la monumentalité de l'ensemble et ses fameuses 200 colonnes. Cet espace central gigantesque est d'ailleurs inspiré du Meidan Imem d'Ispahan en Iran où l'architecte avait séjourné auparavant pour la construction de gares ferroviaires.
Dans sa première expérience algérienne qui prend fin en 1957, Pouillon réalise le tour de force d'utiliser des matériaux nobles, de la pierre et de la brique pour du logement social, alors que le béton emportait les suffrages des architectes de son temps. «J'étais un des rares à n'avoir pas de préjugés pour les structures, rapporte-t-il dans ses Mémoires. Les chapelles d'architectes modernes me l'ont toujours reproché : être de son temps, c'est construire en béton et en acier, sinon on n'est pas dans le coup… Je prétends que l'architecture est un art au service de la société. Si le service est bien rendu, le choix du matériau importe peu.» Ses confrères, de même que les revues spécialisées, lui tiendront rigueur de cette originalité et passeront son œuvre sous silence. Après l'affaire du CNL (Comptoir national des logements, dont il était actionnaire), Fernand Pouillon sera radié de l'Ordre des architectes et se retrouvera à sa sortie de prison, en 1964, dans l'incapacité d'exercer son métier en France. Après le sommet de la gloire, c'est le creux de la vague. Il remportera quand même un certain succès, mais cette fois sur le terrain de la littérature. Son roman Les pierres sauvages, écrit en prison, remporte le prix des Deux Magots.
C'est dans l'Algérie indépendante qu'il trouvera son deuxième souffle architectural. En décembre 1965, il est nommé architecte en chef pour l'aménagement touristique de tout le territoire national. S'éloignant du classicisme des premières réalisations, il s'amusera littéralement à multiplier les références à diverses architectures de la Méditerranée dans les hôtels et complexes touristiques qu'il concevra entre 1966 et 1984. On peut citer, entre autres, le complexe touristique de Sidi Fredj, le complexe hôtelier de la Corne d'Or à Tipasa, ainsi qu'une quarantaine d'hôtels dans tout le pays, dont les Zianides (Tlemcen), Mekther (Aïn Sefra) ou El Mountazah à Séraïdi (Annaba). Pour donner libre cours à sa virtuosité, l'architecte a dû remettre en question tout ce qu'il avait appris en s'imprégnant plus profondément de l'architecture locale. «Lorsque j'ai touché à ce programme touristique algérien, dans un climat que j'aime, car je suis méditerranéen, et lorsque j'ai vu ce que l'on pouvait faire, j'ai changé de nature. D'abord, je me suis adapté à l'Islam. Puis, je me suis adapté à la manière de travailler, c'est-à-dire dans un abandon total de trame, de tout ce qui est linéaire dans la conception. Si vous voulez, j'ai travaillé davantage en sculpteur qu'en architecte.» En véritable caméléon, il adoptera les particularités architecturales algériennes et les intégrera à son langage qui en deviendra babélien.
Dès son arrivée à Alger, Pouillon avait été frappé par l'architecture de la vieille ville qui mêle les références ottomanes et andalouses. Il prendra ensuite le temps de parcourir le pays pour découvrir ses merveilles architecturales, notamment celles du M'zab et du Sud algérien. Evoquant ses projets touristiques, Meriem Maâchi-Maïza parle d'une architecture multiculturelle et pittoresque : «Pouillon n'hésite pas à mixer les références. Par exemple, au Quartier du Corsaire (Sidi Fredj) où un kbou et un patio algérois s'ouvrent sur un pont vénitien». En compositeur moderne, Pouillon ne craint pas d'intégrer la dissonance à son harmonie. Un projet comme l'hôtel Riadh à Sidi Fredj peut regrouper à lui tout seul plusieurs influences : mozabite, andalouse, italienne… «L'humour, ou plus exactement le pittoresque peut se lire dans le night-club, où se côtoient poteaux champignons en briques artisanales et portiques à arcades outrepassées… les patios ouverts sur l'extérieur (villas à Matarès) ou les kiosques à typologie de mausolées qui sont en fait des salons de thé. Puristes s'abstenir!», prévient encore Maâchi-Maïza. Pouillon est-il pour autant un architecte sans style ? Sa patte est pourtant reconnaissable aux audaces, au spectacle et aux surprises qu'offrent ses réalisations au passant comme à l'habitant.
Cet homme qui concevait ses bâtisses «en piéton et non en aviateur» donne littéralement à voir et à lire. Si son vocabulaire est hétéroclite à force de références, c'est sa syntaxe et son art de la composition qui font l'homogénéité de l'ensemble. Pouillon se plaît à sculpter l'espace en alternant les vides et les pleins ; portiques, grandes places et tours impriment une certaine théâtralité à son œuvre. Il fait aussi preuve d'une très grande capacité d'adaptation au site. Par exemple, le terrain en pente à Oued Koriche où a été construite la cité Climat de France était réputé inconstructible. Qu'à cela ne tienne, l'architecte avait conçu des bâtiments sur des hauteurs différentes épousant le relief du site. L'importance du paysage est également primordiale, tant dans les cités HLM qui dominent la ville que dans les complexes touristiques tels que celui de la Corne d'or à Tipasa qui offre un merveilleux panorama méditerranéen.
Longtemps négligé par les écoles d'architecture, il bénéficie d'une reconnaissance tardive avec un prix spécial à la Biennale de Venise en 1982 et le président François Mitterrand l'élève au rang d'officier de la Légion d'honneur en 1985, soit une année avant sa mort. Interrogée sur sa postérité auprès des architectes algériens, Meriem Maâchi-Maïza déclare que ces derniers «revendiquent son influence, même si les libertés prises par l'architecte font que l'œuvre reste difficile à décrypter. Beaucoup reconnaissent la valeur de ce patrimoine qui nous reste en héritage. De nos jours, l'architecture de Fernand
Pouillon fait l'objet de recherches universitaires, elle est étudiée à l'Epau et dans les départements d'architecture. Mais face aux tendances actuelles qui attirent les étudiants, fera-t-elle école ?». Il est manifeste que dans ces temps où l'Algérie multiplie les projets de logements sociaux, souvent sans penser au confort des humains qui les habiteront, et tente de revaloriser son potentiel touristique, le travail de Pouillon, tant dans son style que dans sa méthode, a encore beaucoup à nous apprendre.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.