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Genèse d'une aquarelle
Avec Bettina Heinen-Ayech en rase campagne
Publié dans El Watan le 31 - 07 - 2014

Depuis bien longtemps, on ne voit plus cette femme rousse à la R4 rouge sillonner la région de Guelma. D'abord, durant les années du terrorisme, elle a vécu recluse dans sa maison, si ce n'est quelques échappées fugaces et non moins périlleuses, puis, avec l'âge (elle a aujourd'hui 77 ans), elle ne peut plus conduire.
Aussi, depuis la mort de son mari, Abdelhamid Ayech, en juin 2010, suivie de peu de celle de son ami, l'artiste peintre et excellent dessinateur, Himeur Hocine, à un âge relativement jeune, Bettina Heinen-Ayech trouve beaucoup de difficultés à se déplacer dans la campagne pour travailler. Jusque-là, bien des gens l'y ont emmenée : des amis, des chauffeurs et des artistes. Et ce n'est pas toujours évident, l'insécurité, en dehors du terrorisme, allant croissant.
De fait, un jour, à quatre kilomètres de Guelma, son chauffeur et elle ont été attaqués par trois individus armés de couteaux, qui les ont délestés de leurs biens. Ces jours-ci, c'est le jeune peintre Hocine Fnidès qui l'emmène dans sa voiture tout en s'adonnant lui-même à l'aquarelle. Il y a quelques jours, elle a jeté son dévolu sur une vieille ferme coloniale, et elle y vient deux ou trois fois par semaine. Nous avons assisté aux deux dernières séances et à la signature de son aquarelle.
Vendredi 16 mai. Il est 14h. De Guelma, on prend la RN21 en direction de Annaba. A mi-chemin entre Héliopolis et Guelaât Bou Sbaâ, on bifurque à droite, empruntant une piste qui traverse un oued, puis monte légèrement vers une ferme coloniale en ruine, ou plutôt délaissée, car les constructions sont toujours debout et fonctionnelles.
Une bâtisse qui était jadis une huilerie fait office aujourd'hui de bergerie, et une autre de maison. Bien sûr, il y a eu des extensions (transformations) avec des tôles de zinc, ce qui l'enlaidit quelque peu de ce côté-ci. C'était la ferme des Samuel, nous dit-on. Des fellahs y passent la nuit, — en célibataire —, d'un ancien comité de gestion, car les membres ont eu chacun leur parcelle.
Comment choisit-on un paysage à peindre ? «Chacun a son goût de l'esthétique. L'un trouve tel paysage beau, l'autre pas. Et c'est mieux ainsi. C'est comme pour les femmes, si beaucoup de gens voient la même femme très belle, et bien ce seront juste 2% des femmes qui se marieront !» Dans le mille, Bettina.
- Féérie et mélodie des couleurs
On sort l'attirail de dessin de Bettina, le bloc de papiers pour l'aquarelle, une boîte de couleurs, une bouteille d'eau pour laver les pinceaux. Hocine Fnidès est à quelques mètres plus loin. Bettina travaille dans la voiture, le pare-brise délimite son champ de vision, comme pour cadrer son tableau. Et vas-y que je te pousse ! Les couleurs, tache à côté de tache, touche à côté de touche, ainsi fait-elle son aquarelle, chaque tache est mûrement réfléchie avant d'être appliquée sur le papier, car ça sèche vite… Et puis, voici venir la féérie et la mélodie des couleurs ! Le bleu de cobalt, le jaune de cadmium, le rouge de cadmium, le vert de cobalt, la couleur «ver de terre», le bleu de cæruleum…
De la pierraille et une piste, et tout autour de la flore vernale, tel est le site à aquareller.
Lumière et verdure. Les façades de la ferme sont grises ; tout est gris aux yeux du profane ; tout est coloré, irisé à ceux de l'artiste.
«J'attaque au pinceau le dessin des murs, les contours de la ferme (jaune, rouge de cadmium…) pour donner de la perspective, de la clarté. Ce dessin reste la structure du tableau. Les façades sont les plus difficiles. La façade de l'huilerie constitue la moitié du tableau, et elle est la plus difficile à peindre. Le mur est gris-jaune, mais la pluie dégoulinant du toit et l'humidité y ont engendré beaucoup de nuances, du bleu, du vert, du rouge… toute une palette de couleurs. Et là on est en plein expressionisme. A droite, vous voyez le vert du grand arbre (plusieurs sortes de vert), et bien le mur de l'huilerie constitue un miroir reflétant cette débauche de verts.»
- Elle peint sur le papier sec
«Je fais la plus difficile technique de l'aquarelle, j'utilise le blanc de papier et je ne laisse jamais nager les couleurs sur le papier mouillé pour ne pas donner des faits hasardeux.» Elle ne badigeonne pas. Elle fait des points colorés, comme pour une mosaïque, lesquels après séchage scintillent comme des étoiles… en plein jour ! Chaleur et assauts inlassables et agaçants des insectes. L'artiste doit les subir et se taire. Comme quoi, ce n'est pas donné pour l'artiste, le vrai. Ce n'est pas encore la douleur, mais elle n'est pas loin. Vers 16h, Bettina est fatiguée ; on quitte les lieux.
- Les souffrances de l'artiste
Quatre jours après, durant lesquels le ciel était nuageux et où il a plu… Mardi 20 mai, nous retournons à la vieille ferme vers 14h.
Pendant qu'elle colore sa page, nous parlons de choses et d'autres. Puis, «Eloignez-vous un peu, ne me faites pas parler», nous dit-elle. Ce que nous avons fait illico presto, sachant que l'artiste est un demi-dieu, et il faut l'écouter. Puis, elle nous lance : «En travaillant, l'artiste doit s'oublier lui-même, ce n'est pas comme le journaliste qui s'en tient à l'information. En littérature aussi, l'écrivain doit s'oublier lui-même.»
- «Bettina, si vous continuez à nous provoquer ainsi, nous serons obligés de vous répondre et ainsi vous perturber», répliquons-nous.
Elle sourit. Nous la laissons seule un bon moment, puis nous revenons à la charge.
- «Quand vous êtes ainsi à l'œuvre, y a-t-il des moments durs ?»
«Oui, quand on est au milieu du travail. Au début, l'artiste a déjà son tableau, il en a une vision nette. Elle m'apparaît tout de suite, je n'ai pas besoin de contempler un sujet durant toute une heure pour dire que ça serait un tableau pour moi. La ferme, sujet actuel, a été, dès le premier coup d'œil, peint dans ma tête. Au milieu du tableau, il se pourrait qu'il y ait des difficultés, car peut-être ne voit-il plus sa vision du début… vous les percevez (les difficultés du sujet) d'une façon pas toujours claire ; ils viennent au cours du travail.»
Elle compare l'artiste peintre au fellah qui laboure son champ et qui rencontre beaucoup de pierres et de racines, et il voit que le travail est plus difficile qu'il ne l'avait prévu. Cependant, elle s'explique : «Au fond, cela n'est pas tout à fait exact, car le paysan expérimenté connaît plutôt bien son champ et les difficultés qu'il va rencontrer. Il en est tout autant pour l'artiste peintre. Un jeune peintre réfléchit peu à ces pierres contre lesquelles il va buter. L'artiste chevronné, lui, devine les difficultés et il se prépare à les surmonter.»
Et durant cette phase de travail, vous l'aurez compris, peuvent surgir les souffrances de l'artiste. «…Par contre, les dernières retouches, ce n'est pas difficile», ajoute-elle. Elle revient au paysage dont elle est tombée amoureuse à son arrivée à Guelma, disant : «Il y a des sujets que j'aime beaucoup, comme les contreforts de la Mahouna, vous avez une descente, puis une montée allant vers cette montagne. Ce paysage, je l'ai peint plusieurs fois. ça a été le coup de foudre, qui ne s'arrête jamais !
Quand je passe dans cette région, je le vois mentalement sur la feuille d'aquarelle. Chaque fois que j'y vais, je veux le peindre. C'est le sujet idéal pour moi parce qu'on a l'impression d'être sur une scène de théâtre. L'horizon, c'est la montagne. Dès ma jeunesse, j'ai adoré ce genre de paysages qui n'ont pas un horizon lointain. Peut-être cela est-il dû à mon talent décoratif et ma formation de peintre de fresques bono et secco. C'est durant ces dernières vingt années que l'horizon lointain m'intéresse.»
Elle signe son tableau, qui lui a valu un mois de travail, soit huit déplacements sur site.
Mais un tableau de grand format lui prend souvent deux mois de travail, des déplacements au site à raison de quatre fois ou plus par semaine pour une séance de plus d'une heure et demie. C'est quoi finalement ce tableau ou cette aquarelle ? Une vieille ferme coloniale, des pierres lourdes d'histoire, dira-t-elle.
- «Estimez-vous avoir fait ressortir tout cela ?» «Je ne sais pas», répond-elle posément. On a compris, c'est au spectateur de le voir, de l'entrevoir, de le percevoir. Il est 16h, nous reprenons le chemin du retour.


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