Béjaïa: le FFS plaide pour la préservation de l'unité nationale    Les établissements audiovisuels priés de cesser l'exploitation illégale des œuvres protégées par des droits d'auteur    Oran: plus de 2.000 visiteurs au Salon Algeria Rail Expo 2025    Meeting International de Seine-et-Marne: les Algériens Bouanani et Hocine en Or    Khenchela: la 13ème édition du Festival national du théâtre pour enfants du 23 au 27 juin    CHAN 2024: trois arbitres algériens retenus pour un stage au Caire    Chargé par le président de la République, le Premier ministre préside la cérémonie de remise du Prix du Président de la République pour les jeunes créateurs    ANP: saisie de 85 kg de cocaïne à Adrar    Plus de 850 000 candidats entament dimanche les épreuves du baccalauréat    Agression sioniste contre Ghaza : le bilan s'alourdit à 55.297 martyrs    Le chef de l'AIEA appelle l'entité sioniste à la plus grande retenue après ses attaques contre l'Iran    L'Algérie préside la Commission de l'application des normes internationales du travail lors de la 113 session de la Conférence internationale du Travail    2.000 enfants issus d'Adrar et de Tamanrasset bénéficieront de séjours dans des villes côtières    Foot/Tournoi amical (U17) /Algérie-Tunisie : la sélection algérienne poursuit sa préparation à Blida    Décès de l'ancien photographe de l'APS Mahrez Amrouche : le ministre de la Communication présente ses condoléances    Attaques sionistes contre l'Iran: une violation du droit international et de la Charte de l'ONU    La dépouille d'un jeune mort par noyade retrouvée    Une équipe technique de la Sonelgaz en Syrie depuis avant-hier jeudi    Rima Hassane libérée !    Lundi 30 juin 2025, dernier délai pour soumettre les candidatures    La saison 2024/2025 sélectionne son champion    L'Algérien Mohamed Meridja réélu à l'exécutif    Comment la diplomatie peut-elle être une solution à l'immigration clandestine ?    L'Ensemble ''Senâa'' de musique andalouse rend hommage à Mohamed Khaznadji    Des maisons de jeunes mobilisées pour accueillir les candidats durant la période d'examen    Lancement lundi prochain de projets de recherche algériens retenus dans le cadre de l'initiative des alliances arabes pour la recherche scientifique et l'innovation    Soirée artistique à Alger en hommage à l'artiste martyr Ali Maachi    Début de la campagne moisson-battage dans les wilayas du nord, indicateurs annonciateurs d'une récolte abondante    La victoire était à la portée des Fennecs !    Les dockers du port de Marseille refusent de les embarquer !    L'AFC veut investir en Algérie    Mascara rend un hommage vibrant au martyr Ali Maâchi    L'Algérie est en mesure de relever toute sorte de défis !    L'Autorité nationale indépendante de régulation de l'audiovisuel met en garde    Une nouvelle ère de rigueur pour l'investissement    Une série d'accords signés entre l'Algérie et le Rwanda    La Fifa organise un séminaire à Alger    Khaled Ouennouf intègre le bureau exécutif    L'Algérie et la Somalie demandent la tenue d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité    30 martyrs dans une série de frappes à Shuja'iyya    Lancement imminent d'une plate-forme antifraude    Les grandes ambitions de Sonelgaz    La force et la détermination de l'armée    Tebboune présente ses condoléances    Lutte acharnée contre les narcotrafiquants    La Coquette se refait une beauté    Cheikh Aheddad ou l'insurrection jusqu'à la mort    Un historique qui avait l'Algérie au cœur    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Que Fanny repose en paix dans cette terre pour laquelle elle avait une passion sans borne
Culture : les autres articles
Publié dans El Watan le 28 - 11 - 2014

Dans la nuit du dimanche 16 au lundi 17 novembre est décédée dans son domicile parisien l'anthropologue algérienne Fanny Colonna à l'âge de 80 ans.
Originaire de Constantine, Fanny, née Reynaud, a, dès sa prime jeunesse, rejeté le système colonial qui opprimait les autochtones avec qui elle a partagé les aspirations nationalistes. Elle faisait partie de la mouvance des catholiques progressistes, sensibles à la condition politique et sociale de ceux que l'administration coloniale appelait les Français musulmans. Cette mouvance était animée par André Mandouze, Pierre Chaulet, Pierre Colonna, qui deviendra son mari dans les années 1950. Ils militaient dans l'Association de la jeunesse algérienne pour l'action sociale (AJAAS) et écrivaient dans Consciences maghrébines qui était la revue où ils exprimaient leurs positions politiques et idéologiques. Ils étaient en contact permanent avec les nationalistes autochtones, dont Mahfoud Kaddache, historien et dirigeant des Scouts musulmans, et Salah Louanchi, membre de la direction centrale du MTLD, parti d'où sera issu le FLN qui lancera l'insurrection en 1954.
Fanny Colonna est représentative d'un courant d'opinion qui était attaché à l'idée d'une nation algérienne souveraine multiethnique, courant malheureusement minoritaire parmi les pieds-noirs. Ils étaient néanmoins plusieurs centaines à avoir épousé la cause du FLN, et beaucoup d'entre eux ont subi la répression, notamment Evelyne Lavalette, célèbre détenue politique. Il faut citer aussi dans ce courant l'abbé Alfred Bérenguer, qui a été durant la guerre le représentant du FLN en Amérique latine, et aussi les abbés Pierre Mamet, Jean Scotto, Jobic Kerlan…
Tous ces pieds-noirs, dont les arrières-grands-parents étaient nés en Algérie, se sentaient Algériens et avaient pris position contre la domination coloniale. Ils militaient pour un Etat algérien souverain où autochtones et pieds-noirs seraient des citoyens égaux. Leur attitude politique ne souffrait d'aucune ambiguïté, ce qui les a placés du côté des nationalistes contre la majorité des pieds-noirs acquis à l'Algérie française. Aux yeux de ces derniers, ils étaient des traîtres à la France, à la mère-patrie, alors que c'était des justes qui avaient une autre idée de la France et de son honneur. En 1955, un drame familial, conséquence de la guerre de Libération qui avait commencé un an plus tôt, a bouleversé la vie de Fanny. Son père, administrateur dans la commune de M'sila, a été tué par le FLN. Après un séjour d'un an à Nice avec sa mère pour faire son deuil, elle revient au pays, convaincue plus que jamais que l'Algérie a droit à l'indépendance.
A la fin de la guerre, elle opte pour la nationalité algérienne et renonce à la nationalité française, demeurant, avec son mari, à Alger où elle a fini ses études universitaires. Munie d'une licence en anthropologie, elle s'inscrit en thèse à Paris sous la direction de Pierre Bourdieu sur le thème des instituteurs algériens formés à Bouzaréah entre 1883 et 1939. La thèse a été publiée à la Fondation nationale de sciences politiques à Paris et à l'Office des publications universitaires à Alger en 1975. Pendant un temps, elle a été chercheur à Alger à l'Association algérienne pour la recherche et le développement économique et Social (AARDES), à l'origine fondée par Pierre Bourdieu à la fin des années 1950 et au Centre de recherche d'anthropologie, de préhistoire et d'ethnologie (CRAPE), avant d'obtenir un poste de chargée de recherche au CNRS à Paris.
Titulaire d'une carte de séjour au même titre que les travailleurs émigrés, elle réside à Paris et à Alger, et s'investit dans la collaboration entre enseignants français et algériens avec le but de renforcer la recherche universitaire en Algérie. Dès la fin des années 1970, ses travaux ont porté sur les changements religieux dans l'Algérie contemporaine, choisissant comme terrain d'investigation d'abord Timimoun et ensuite les Aurès qui l'ont inspirée dans la production de textes qui font autorité dans le domaine de l'anthropologie religieuse de l'Algérie.
Ses deux textes phares sont «Saints furieux et saints studieux, ou comment dans l'Aurès la religion vient aux tribus» (Annales, ESC, 1980) et Les Versets de l'invincibilité, ouvrage paru en 1995 aux Presses de Science Po Paris, traduit en arabe en 2005 au Caire par les éditions ‘Alam Ettalath sous le titre Ayat es sumud. Dans cet ouvrage, elle remet en cause le schéma binaire de Ernest Gellner qui postule que l'islam citadin et l'islam rural sont opposés et que le premier a vaincu le second. Elle montre de manière assez fine, à travers l'étude des zaouiates dans les Aurès, que les familles maraboutiques n'étaient pas hostiles à l'islah (le réformisme), et que ces familles envoyaient leurs enfants se former à Constantine dans les écoles de l'Association des oulémas de Abdelhamid Ben Badis, et revenaient au village pour propager la vision religieuse des réformistes citadins. Fanny Colonna était passionnée par son terrain et a écrit beaucoup d'articles et d'ouvrages, dont Timimoun, une civilisation citadine (éditions Mardaga, Bruxelles,1989), Entre insurrection et révolution (éditions Azur, Akbou, 2006), Le meunier, les moines et le bandit (Actes Sud-Sinbad, 2010).
Fanny Colonna a donné un long entretien à l'anthropologue J.P. Van Staëvel, paru dans la revue d'Etude des mondes musulmans et de la Méditerranée (juillet 2014, n° 135) dans lequel elle exprimait sa frustration face au désintérêt des chercheurs algériens pour l'anthropologie religieuse, et sa déception que les chercheurs français ne se soient pas encore émancipés du modèle durkheimien des religions. Elle laisse un vide parmi ceux qui l'ont connue et qui l'appréciaient pour son érudition de l'islam rural, et aussi pour sa spontanéité, sa franchise et son sourire désarmant. Elle a souhaité être enterrée dans sa ville natale, à côté de son père, dans le cimetière chrétien de Constantine. Malgré l'amour qu'elle avait pour son père, Fanny avait opté pour la justice, à la différence d'un autre pied-noir célèbre de Constantine. Qu'elle repose en paix dans cette terre pour laquelle elle avait une passion sans borne.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.