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«La conjoncture actuelle n'est pas du tout favorable au statu quo»
Emmanuel Noubissié Ngankam. Représentant résident de la Banque mondiale en Algérie
Publié dans El Watan le 09 - 04 - 2015

- Dans la dernière Lettre d'Al Djazaïr, vous appelez les Algériens à s'engager sur le chemin d'un nouveau contrat social. Que voulez-vous dire par là ?
D'abord je voudrais vous remercier pour l'opportunité que vous m'offrez afin de préciser ma pensée qui aurait pu être diversement interprétée. Il est évident que l'Algérie a un modèle social très spécifique, fondé sur ce que j'appellerais un accord tacite entre ses dirigeants et son peuple.
Ce modèle, qui confine à un contrat social, est assis sur un certain nombre de piliers dont deux me semblent véritablement majeurs. Le premier pilier est la redistribution de la rente des hydrocarbures à travers les subventions aux produits de première nécessité et les transferts sociaux de tous genres. Le deuxième pilier est la très grande présence de l'Etat dans la sphère économique et sociale. Ceci au risque de créer le phénomène d'éviction du secteur privé.
L'Algérie ne pouvant pas vivre en autarcie, elle est soumise aux réalités de l'évolution du monde. Dans ce contexte, la récente chute des prix du pétrole est venue conforter toutes les analyses qui, depuis quelques années, rappellent la vulnérabilité de l'économie algérienne et l'impossible soutenabilité des politiques publiques.
D'ailleurs, le ministre des Finances l'a rappelé le 20 février dernier devant les sénateurs. Des réformes en profondeur s'imposent. Mais celles-ci doivent être expliquées aux populations, lesquelles devront y adhérer en ayant compris la nécessité et l'urgence. A titre d'illustration j'évoquerais la réduction des subventions et le paiement de certains services publics qui sont jusqu'ici sous le régime de la gratuité, il est important de l'expliquer aux populations pour qu'elles y adhèrent.
Pour sauter ce pas, il faut beaucoup de pédagogie, une réelle appropriation pour préserver ce que j'appelle la cohésion sociale, chèrement acquise par les Algériens. Il s'agit d'un changement de paradigme. Un nouveau consensus entre le peuple et ses dirigeants, afin d'éviter la brutalité des réformes comme nous l'avons vu sous d'autres cieux. Ce changement maîtrisé, internalisé, constitue le socle de ce que j'appelle un nouveau contrat social à l'algérienne. Un accord entre le peuple et ses dirigeants afin d'aller vers ce changement auquel tout le monde adhérera.
- Posez-vous un problème d'ordre politique ?
Evidemment, le problème est éminemment politique. Le contrat social tel que je l'ai décrit est éminemment politique. Si l'on regarde le parcours et l'histoire de l'Algérie, si je prends certains points de repères, la Révolution algérienne, les choix faits au lendemain de l'indépendance, les marqueurs de la décennie noire, la question de la réconciliation nationale, tout est éminemment politique. Nous sommes au cœur des questions politiques.
- Vous avez tenu des propos d'une sévérité inédite, qualifiant l'attitude actuelle des pouvoirs publics d'«inertie» encouragée par un baril à 120 dollars. Cette sortie est-elle motivée par la gravité des perspectives qui guettent l'économie algérienne ?
La situation est beaucoup plus sérieuse qu'elle n'y paraît. Vous me citez peut-être hors contexte et m'attribuez des termes qui ne sont pas tout à fait les miens. Mais je suis d'accord avec le fait que la situation est extrêmement sérieuse et nécessite cette sortie pour rappeler l'urgence. Je veux simplement rappeler que les subventions contribuent depuis longtemps à éroder la croissance. Mais grâce à un baril de pétrole à 120-130 dollars, les ressources publiques ont permis de différer des réformes pourtant nécessaires.
Des institutions comme la nôtre, et même de certaines élites algériennes, n'ont pas attendu la chute des cours du pétrole pour tirer la sonnette d'alarme. Aujourd'hui, la chute du prix du pétrole renforce la nécessité de passer à des réformes. La conjoncture actuelle n'est pas du tout favorable au statu quo. Mais, c'est, en même temps, une formidable opportunité pour l'Algérie.
- Ne croyez-vous pas qu'au lieu de différer les réformes, la formidable rente pétrolière des années 2000 a contribué à une sorte de régression par rapport à ce qui a été fait à la fin des années 1980 et début 1990 ?
Non, je ne parlerais pas de régression. Il faut savoir d'où est-ce qu'on vient et pourquoi un certain nombre de mesures ont été prises par les gouvernants algériens. Etant un observateur et avec le recul nécessaire j'essaie de comprendre. Je peux dire qu'au-delà des acquis des années 90, il y a eu cette parenthèse de la décennie noire entre les années 90 et le début des années 2000, qui a marqué comme au fer rouge tous les Algériens.
Il fallait prendre des mesures après les années de terrorisme et les subventions comme certains transferts sociaux étaient nécessaires pour «acheter la paix» comme disent certains Algériens. Cela peut véritablement se comprendre. Il fallait corriger certains impacts sociaux de ces dix années qui ont freiné la progression de l'Algérie. Il y a eu des retards qu'il fallait rattraper, notamment sur le plan des infrastructures, sur le plan économique. Une vague d'élites algériennes a dû s'expatrier, aussi. Mais certaines des mesures prises ont peut-être été perverties.
- Vous avez estimé que bien qu'elles soient d'inspiration vertueuse, les subventions ont été détournées de leur objet réel au point de créer des effets pervers pour l'ensemble de la communauté. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Effectivement, en Algérie comme ailleurs, les subventions sont d'inspiration vertueuse. Il s'agit essentiellement de soutenir le pouvoir d'achat des couches les plus défavorisées et les plus vulnérables en faisant supporter une partie du prix des biens de première nécessité et le coût de certains services publics par l'Etat. Elles participent d'un souci d'équité sociale. A titre d'exemple, les subventions aux produits pétroliers ont, souvent, été présentées, dans les pays producteurs de pétrole comme l'Algérie, comme une démarche vertueuse visant à partager la rente tirée de la ressource nationale.
Cependant, les principaux bénéficiaires ne sont pas les populations cibles. A qui profite le litre de gasoil à 15 DA et d'essence à 22 DA ? Très certainement pas aux plus pauvres, mais aux ménages les plus riches qui disposent de plusieurs véhicules. A qui profite le KWH d'électricité à 4 DA ? C'est à ceux qui ont des climatiseurs dans des chalets de 5 à 6 pièces et qui les laissent tourner à longueur de journée. Aussi, les subventions alimentent la contrebande aux frontières de l'Algérie.
Les subventions sur les produits importés, tels que les céréales et le lait, profitent plus aux pays de provenance de ces produits qu'aux agriculteurs algériens. Les subventions et autres transferts sociaux, qui représentent 30% de la richesse nationale, grèvent les finances publiques, créent des distorsions sur le marché, poussent à la surconsommation, favorisent la corruption et génèrent des externalités dommageables à l'environnement.
Elles renforcent aussi les inégalités sociales qu'elles sont censés corriger. Indéniablement la cote d'alerte est aujourd'hui atteinte. Vous avez certainement lu la dernière note de la direction générale de la prévision et des politiques du ministère des Finances à propos du Fonds de régulation des recettes (FRR). Au rythme actuel des prélèvements sur le FRR, il y a un risque réel que cette principale source de financement du déficit du Trésor tarisse d'ici deux à trois ans. Vous insistez sur l'effet corrosif des subventions.
- La Banque mondiale met d'ailleurs souvent en avant les subventions à l'énergie. Pourriez-vous expliquer pourquoi considère-t-on que ces subventions peuvent éroder la croissance économique, d'autant que du côté du gouvernement algérien, on estime que les prix de l'énergie sont un atout, un avantage compétitif pour les producteurs locaux ?
Effectivement, l'énergie est un facteur de production et de compétitivité. Cependant, une énergie moins chère, ne veut pas dire une énergie subventionnée. Il faut faire la part des choses entre le coût réel d'une énergie, déjà relativement bas en Algérie, et le prix subventionné, entretenu artificiellement très bas, et qui pèse sur les finances publiques et donc sur l'ensemble de la communauté nationale.
S'agissant de l'effet corrosif des subventions à l'énergie, je l'ai clairement dit, celles-ci encouragent les entreprises à forte intensité en énergie et en capital, décourageant ainsi la main-d'œuvre et l'emploi, et contribuant à un taux de chômage élevé. Allouer les ressources libérées par l'élimination des subventions, à des dépenses publiques plus productives, pourrait aider à doper la croissance à long terme.
En outre, l'élimination des subventions accompagnée d'un filet de protection sociale bien conçue et d'un relèvement des dépenses favorables aux pauvres, pourrait donner lieu à une amélioration significative du bien-être des groupes à faible revenu à plus ou moins long terme. La réforme des subventions peut contribuer à la baisse des déficits budgétaires et à la baisse des taux d'intérêt, ce qui stimulerait l'investissement du secteur privé et renforcerait véritablement la croissance.
- Vous évoquez la réforme du système de subventions afin de mieux les cibler. Quelles seraient les solutions préconisées dans ce sens ?
Absolument ! Une institution comme la Banque mondiale ne peut pas pointer du doigt les insuffisances et les errements d'une politique économique sans proposer de solution. Il va de soi qu'aucun gouvernement responsable ne va, du jour au lendemain, éliminer les subventions sans prendre les mesures d'accompagnement en faveur des couches les plus défavorisées. Il est crucial que ceux qui risquent d'être durement touchés par l'élimination des subventions soient compensés dès le départ par le moyen d'une protection sociale plus ciblée.
Ces mesures de compensation peuvent prendre diverses formes, dont le transfert de cash, expérimenté avec succès dans un certain nombre de pays. Je cite l'exemple de l'Iran où, lors de la réforme des subventions aux carburants de 2010, des comptes bancaires ont été ouverts aux citoyens et des transferts compensatoires ont été effectués avant la mise en œuvre du relèvement des prix. Au Brésil, la Banque mondiale a accompagné un programme ciblé et conditionnel de transferts de cash.
En Algérie, un travail de base et de ciblage a déjà été effectué par l'Office national des statistiques qui vient de réaliser une étude sur la pauvreté avec l'assistance technique de la Banque mondiale. Ce travail est une bonne base de ciblage, nous espérons qu'il sera poursuivi, et qu'il pourra être, le cas échéant, un instrument d'accompagnement pour la réforme du système de subventions en Algérie.
- Les services de la Banque mondiale ont-ils eu des discussions avec le gouvernement algérien concernant la mise en place concrète d'un tel système ?
Nous n'en sommes pas encore là. Nous l'avons suggéré au gouvernement algérien en décembre 2013. L'économiste en chef de la région MENA était en Algérie et a rencontré les autorités, notamment le ministre des Finances de l'époque, à qui nous avons fait un certain nombre de propositions. Nous avons également rencontré à Washington le ministre actuel des Finances, à l'occasion des dernières assemblées annuelles du FMI et de la Banque mondiale. Nous sommes à la disposition du gouvernement algérien. Si celui-ci en fait la demande, nous pouvons accompagner les réformes à mettre en place.
- Vous estimez aussi nécessaire une dépolitisation des prix et leur libération progressive et complète. Que pensez-vous de l'acceptabilité sociale de ce genre d'options ? Ne croyez-vous pas que la vérité des prix devrait aller de pair avec la vérité des salaires et des revenus ?
C'est une question essentielle. Quand je parle de dépolitisation des prix, c'est un bien grand mot. Il s'agit tout simplement de mettre en place un mécanisme transparent de fixation et de révision des prix en fonction de l'évolution des cours du pétrole et du gaz. Ce mécanisme peut être confié à une entité autonome qui rend publique la structure des prix de manière périodique. Cela dit, je suis bien d'accord avec vous, pour dire que l'Etat a le devoir de rechercher le bon équilibre entre l'efficacité économique et l'équité sociale. C'est un défi pour tous les pays, même les plus libéraux.
C'est aussi un champ de recherche pour les universitaires, les économistes et les institutions comme la Banque mondiale. Il est clair que les Etats ont la responsabilité d'accompagner le progrès économique, mais également d'assurer le bien-être des populations. C'est cela l'adéquation entre la croissance et le développement. Si vous avez une croissance économique, sans l'amélioration du bien-être des populations, on reviendra à ce qu'on appelle une croissance appauvrissante.


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